Il est plus que temps de mettre fin à la « toute-puissance » de l’industrie minière sur le territoire québécois, estime l’artiste et militant Richard Desjardins. Si le gouvernement n’y parvient pas, une bonne part de la réforme toujours attendue de la Loi sur les mines se résumera à « un exercice assez futile », a-t-il souligné mardi en entrevue au Devoir.
« Si les claims restent tout-puissants, ce ne sera pas une avancée. C’est la pierre d’achoppement de tout le régime minier. Si la société doit encore endurer le pouvoir excessif des compagnies minières, ce ne sera pas une avancée », a-t-il fait valoir en marge de son passage devant la commission parlementaire qui étudie le projet de loi 43. Il s’agit de la troisième tentative de réforme de la Loi sur les mines en un peu plus de trois ans.
Vice-président de l’Action boréale Abitibi-Témiscamingue, Richard Desjardins a d’ailleurs cité sa région natale en exemple. « L’empire des mines fait en sorte qu’aucun nouveau projet d’aire protégée ne peut y être instauré. »
En Abitibi, a-t-il illustré, l’omniprésence de titres miniers (claims) a notamment pour effet de bloquer un projet d’aire protégée de 1200 kilomètres carrés sur le « magnifique » territoire de Kanasuta, situé à l’ouest de Rouyn-Noranda. Or, bien qu’il soit « claimé » depuis plusieurs années, il n’a jamais été démontré que ce secteur à haute valeur écologique renfermerait un gisement minier exploitable. Les détenteurs de claims peuvent toutefois conserver leurs titres et les renouveler à leur guise, moyennant quelques dizaines de dollars par année. Un autre projet d’aire protégée a quant à lui été déplacé afin d’éviter d’empiéter sur un territoire convoité par l’industrie minière, a expliqué Richard Desjardins.
Une situation qu’il juge inacceptable. « On passe pour des extrémistes parce qu’on veut protéger une partie du territoire de la forêt boréale. L’industrie minière contrôle 40 % du territoire de l’Abitibi, elle en a fait une aire protégée minière. Même les sources d’eau potable de Val-d’Or et de Rouyn-Noranda sont claimées, c’est-à-dire qu’elles sont une possession minière. C’est énorme. Alors quand ils nous disent que les écologistes ont trop de pouvoir, c’est à pleurer », a-t-il laissé tomber au cours d’un entretien téléphonique. Il en a profité pour reprendre le dicton abitibien voulant qu’« il y a la loi divine, et ensuite la loi sur les mines ».
Plus de pouvoir
Après son passage, mardi, devant les élus qui siègent aux « consultations particulières » sur le projet de loi 43, le coréalisateur de Trou story - documentaire très critique sur l’industrie minière - doute toujours de la possibilité de voir le gouvernement accoucher d’une réforme minière qui mettrait fin à la préséance du droit minier. « Pour le moment, on ne le sait pas. Ça discute beaucoup, ça tourne autour du pot. Il ne faut pas oublier qu’il y a une centaine de lobbyistes de l’industrie qui sont très actifs. Jusqu’à quel point les élus vont résister à leur influence ? On ne le sait pas encore. »
Selon Richard Desjardins, il ne fait pourtant aucun doute que Québec doit profiter de la réforme de la Loi sur les mines pour se donner le pouvoir d’abolir unilatéralement des claims actifs dans le but, par exemple, de protéger les sources d’eau potable des municipalités, ou encore de créer une aire protégée. « Si ça ne passe pas, ça aura été un exercice assez futile », a-t-il prévenu.
Le gouvernement Marois a prévu, avec le projet de loi 43, de donner aux municipalités régionales de comté (MRC) le droit de délimiter tout territoire « incompatible » ou alors « compatible sous conditions » avec l’exploitation minière. Le ministère des Ressources naturelles compte toutefois s’octroyer un droit de regard sur la définition de telles zones. Qui plus est, les claims déjà accordés sur ces zones demeureraient actifs, a rappelé lundi le porte-parole de la Coalition Québec meilleure mine, Ugo Lapointe. Cependant, pour pouvoir être renouvelés, ils devront faire l’objet de travaux d’exploration.
Les minières s’opposent
Des acteurs de l’industrie minière ont déjà manifesté leur opposition à ces modifications de la Loi sur les mines, en vigueur depuis le XIXe siècle. Si Québec va tout de même de l’avant, ne risque-t-on pas de se priver d’investissements, comme le répète le lobby minier ? « C’est surtout le prix des minerais qui va justifier l’exploration minière et l’ouverture d’une mine, a répliqué M. Desjardins. Les minières ont toujours fait des menaces. Elles ont toujours dit : “ On va s’en aller. ” Ben, allez-vous-en, ostie ! S’il y a du minerai dans le sol, il va toujours rester là. Et de toute façon, il faudrait qu’il reste du minerai et des mines pour nos enfants. »
« Les minières ne changeront jamais d’elles-mêmes, a-t-il poursuivi. Tout ce qu’elles ont fait, c’est engager du monde pour s’occuper de leurs relations publiques. Ce sont seulement les lois qui vont les forcer à changer. Pour ça, il faut que le gouvernement mette ses culottes et que les partis d’opposition soient conciliants. On va tout de même pas se présenter une quatrième fois en commission parlementaire. On a autre chose à faire. »
L’artiste estime en outre que Québec fait fausse route en assumant la totalité de la facture de 1,2 milliard de dollars pour la restauration des sites miniers abandonnés. «C’est un recul», selon lui, par rapport à l’idée d’instaurer une «contribution» de l’industrie minière dans la décontamination des sites. Martine Ouellet avait évoqué cette idée lorsque le Parti québécois était dans l’opposition. Elle a depuis été écartée.
Avec Jessica Nadeau
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