La réaction était aussi prévisible, malheureusement, que l'incident qui l'a provoquée: les Québécois, qui étaient déjà majoritairement contre la mission canadienne en Afghanistan, s'y opposent encore plus depuis la mort, dimanche, du jeune soldat Simon Longtin.
C'était prévisible, mais le bond est impressionnant. Près de sept Québécois sur 10 sont en désaccord avec cette mission et, dans une proportion égale, veulent que nos soldats soient rapatriés avant la date d'échéance prévue de 2009.
Réaction émotive normale d'une population qui ne comprend pas très bien ce que la mort d'un jeune homme de 22 ans fauché par une bombe artisanale a à faire avec les grands principes démocratiques qui justifiaient au départ cette mission. Elle ne comprend pas parce que le gouvernement lui-même est incapable de le lui expliquer. Alors, Stephen Harper aura beau nommer un nouveau ministre de la Défense, il aura beau essayer d'«humaniser» la mission, c'est peine perdue, il ne gagnera pas cette bataille de l'opinion publique.
Les chiffres de notre plus récent CROP sont clairs à ce sujet aussi: le remaniement a eu autant d'effet au sein de l'électorat qu'un coup d'épée dans l'eau. Ça aussi, c'était prévisible. On l'a assez dit, les remaniements visent d'abord à corriger ce qui cloche, même si on dit souvent qu'ils servent à relancer les gouvernements en perte de vitesse.
La mort de Simon Longtin est-elle plus acceptable, moins tragique, parce que c'est Peter MacKay, et non Gordon O'Connor, qui lui rend hommage? Poser la question, c'est y répondre.
L'Afghanistan, on le savait mais cela devient encore plus évident, est devenu le talon d'Achille du gouvernement Harper. Ses adversaires l'ont compris et tapent sans ménagement sur le clou. Le NPD clame haut et fort qu'il est le seul parti de la paix et gagne des points (notamment dans Outremont où il y aura élection partielle le 17 septembre) chaque fois qu'un soldat canadien tombe en Afghanistan. Les libéraux de Stéphane Dion, eux, rappellent dans presque toutes leurs sorties publiques, tous leurs communiqués, que M. Harper est un émule de George Bush. Et le Bloc a toujours joué la carte de la paix aussi, militant notamment pour la fin de la mission en 2009.
Et pourtant, même si l'avenir politique de M. Harper semble aussi noir que celui des soldats de Valcartier à Kandahar, il a toutes les chances au monde de s'en tirer indemne. Comment? Fort simple. En politique, comme à la guerre, on tire d'abord notre force de la faiblesse de nos adversaires.
Le simple fait que les trois partis d'opposition n'arrivent pas à arracher plus de plumes au Parti conservateur malgré l'opposition généralisée à la guerre en Afghanistan représente en soi une grande consolation pour Stephen Harper.
C'est particulièrement vrai du Parti libéral de Stéphane Dion, la seule solution de rechange plausible au parti au pouvoir à Ottawa. Comment expliquer que les libéraux ne profitent pas plus du désenchantement des Canadiens envers les politiques conservatrices? Une grande partie de la réponse tient dans le chef lui-même, Stéphane Dion, qui ne passe toujours pas très bien dans la population.
Mais ce qui est encore plus inquiétant pour les libéraux, c'est que nombre de leurs électeurs leur tournent le dos, en ce moment, parce qu'ils n'aiment pas le chef.
Voilà pourquoi les trois élections partielles (Roberval, Saint-Hyacinthe et Outremont) du 17 septembre sont si importantes pour M. Dion. Personne ne s'attend à ce que les libéraux prennent Roberval et Saint-Hyacinthe. Mais supposons qu'ils n'y récoltent que 10 à 15% des voix et, surtout, ô horreur! qu'ils perdent Outremont. Là, vraiment, Stéphane Dion serait dans un sérieux pétrin.
Ce n'est pas impossible. Le NPD fait apparemment très bien dans Outremont et son candidat, Thomas Mulcair, n'a pas acquis frauduleusement sa réputation se bagarreur impitoyable.
Ce que les libéraux chuchotent ces jours-ci dans Outremont, c'est que M. Dion n'est pas très «vendeur». Les néo-démocrates, eux, affirment, chiffres à l'appui, qu'ils sont deuxièmes, pas très loin du libéral Jocelyn Coulon. Il suffirait d'un léger transfert de votes vers le Bloc ou le PC; ou encore, qu'un certain nombre d'électeurs libéraux décide de rester à la maison, surtout que c'est une partielle, et le NPD pourrait rafler le deuxième siège de son histoire au Québec (la première fois, c'était dans une partielle dans Chambly, en 1990, avec le candidat Phil Edmunston).
Le Bloc aussi joue gros dans ces partielles. Techniquement, le Bloc est le seul parti qui a une véritable chance dans les trois circonscriptions, bien que les bloquistes aient eux-mêmes fait une croix sur Outremont. Restent Saint-Hyacinthe et Roberval, qui étaient leurs jusqu'au printemps dernier, mais qu'ils risquent maintenant de perdre aux mains des conservateurs. Ça, ça ferait mal, très mal au Bloc. Et encore plus à son chef, Gilles Duceppe.
La partie est plus facile pour Stephen Harper. Un seul gain dans une des trois circonscriptions, et ce sera une grande avancée pour les conservateurs. Imaginez deux gains, dans Roberval et Saint-Hyacinthe (les conservateurs sont invisibles à Outremont).
Imaginez, en plus, deux gains malgré l'Afghanistan. Là, c'est Stéphane Dion et Gilles Duceppe qui sentiraient la soupe chaude.
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