Par Q.G. - Avec la prise de Tripoli, même si les combats continuent, vient la question de la reconstruction de la Libye. Qui va prendre les rênes? Qui sera à sa tête? Deviendra-t-elle vraiment un Etat démocratique? Etc. Le Conseil national de transition (CNT), a ainsi annoncé que des «élections libres» se dérouleraient dans huit mois, et plusieurs pays dont la France et l'Italie tentent déjà de le séduire pour obtenir des contrats lucratifs.
D'ici là, il va falloir inventer un nouvel appareil d'Etat puisque tous les services de l'administration étaient jusqu'alors noyautés par Kadhafi et fonctionnaient de manière très opaque. Un enjeu décisif pour la stabilité de la Libye.
Une trentaine de membres
Le CNT est au départ une instance composée de l'élite de Benghazi, notamment des avocats et des professeurs. Mais il a été, au fil du temps, renforcé par d'autres représentants de tout le pays, ainsi que par des transfuges du régime de Kadhafi. Actuellement, une trentaine de membres composeraient ce comité, mais tous ne se sont pas déclarés officiellement. Cette opacité relative, essentiellement liée au fait que certains étaient dans des villes toujours contrôlées par Kadhafi, peut parfois sembler jouer contre le CNT.
Depuis plusieurs mois, les anti-guerres ou les pro-Kadhafi déclarent ainsi que l'organe est infiltré par des religieux et qu'ils sont proches d'Al-Qaeda. Le CNT au contraire ne manque pas de rappeler les ambitions démocratiques de la Libye, qui resterait cependant un Etat musulman s'inspirant des principes de la charia.
Toutefois, tous les insurgés ne semblent pas partager le même avis. Libération a révélé notamment que l'homme qui a pris Tripoli et qui est, de facto, le gouverneur militaire de la capitale se nomme Abdelhakim Belhaj et serait un proche de Zarqaoui. Fondateur du Groupe islamique combattant (GIC) libyen, lié à Al-Qaeda et possédant au début des années 2000 plusieurs camps en Afghanistan, il a été capturé par la CIA en 2003 en Malaisie puis livré en 2004 aux services secrets libyens avant d'être libéré en 2009. Théoriquement, il est sous les ordres du CNT, notamment du général Omar el-Hariri, mais la question du désarmement des troupes insurgées inquiète déjà les observateurs avant même la fin de la bataille.
Un président qui prône la réconciliation
Le président actuel du CNT, quant à lui, présente plutôt bien. Mustafa Mohammed Abdul Jalil était ministre de la Justice de Kadhafi depuis 2007. Ancien Président de la cour d'appel d'Al-Baida, une ville à l'est de Benghazi, il est l'une des premières personnalités importantes à avoir quitté son poste pour rejoindre la rébellion. Plutot partisan de la réconciliation nationale, il a menacé de démissionner s'il y avait trop d'actes de vengeance contre les anciens fidèles de Kadhafi. A ses côtés, on retrouve plusieurs personnes originaires de Benghazi comme Abdul Hafiz Ghoga, un avocat, Fatih Turbel, un activiste des droits de l'homme ou le professeur d'université Fatih Mohammed Baja.
Salwa Fawzi El-Deghali, également professeure, semble être la seule femme de ce comité pour l'instant. Zubeir Ahmed El-Sharif est, lui, le représentant des prisonniers politiques. Il a passé trente-et-un ans de sa vie en prison. Les autres villes ont également des représentants, notamment Mohammed Al-Muntarir pour Misrata ou Ashour Bourashed de Derna.
L'un des postes les plus importants est contrôlé par Ali Tarhouni, chargé des finances et du pétrole. Il a annoncé hier que le gouvernement provisoire serait transféré le plus vite possible à Tripoli. Opposant historique, six mois plus tôt il enseignait encore la micro-économie à l'Université de Washington, à Seattle. Outre ces hommes, avec les élections de ces prochains mois et les discussions sur le futur type de régime du pays, viendront sans doute s'ajouter d'autres représentants des tribus, des anciens kadhafistes voire des représentants d'une société civile en reconstrution. Sans oublier les militaires.
Le CNT, entre pro et anti
Parmi les détracteurs du CNT, on retrouve notamment le quotidien algérien La Tribune. Dans un pays dont le gouvernement est notoirement inquiet du Printemps arabe, le journal estime que désormais «dans chaque ville, chaque village de Cyrénaïque, de Tripolitaine et du Fezzan, des personnalités locales ont acquis une légitimité militaire et un statut de chef de guerre. Elles revendiquent en toute logique un poids politique à leur mesure et s'estiment mal représentées au CNT. Etat de fait compréhensible dans un pays où il n'y a pas de culture politique ni d'Etat central».
Bernard-Henri Lévy, qui s'est rendu en Libye de nombreuses fois depuis le début du conflit, est lui un ardent défenseur du CNT. Dans une tribune publiée le 23 août, il a réaffirmé sa confiance: «Je veux dire la probité de ce CNT que j'ai vu naître, puis gagner en maturité, et qui, avec ses hommes et femmes d'origines diverses, démocrates de toujours ou transfuges du kadhafisme, rentrés d'un long exil ou opposants de l'intérieur, n'avait, lui non plus, guère d'expérience de la démocratie, pas davantage de la chose militaire, mais a su, en dépit de tout, ajouter une page magnifique à l'histoire mondiale des résistances.»
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