En campagne électorale, Donald Trump a fait son pain et son beurre sur le thème du protectionnisme, promettant de rapatrier des emplois aux États-Unis. La renégociation de l’ALENA serait d’ailleurs « imminente », s’est fait dire l’ambassadeur du Canada à Washington, David MacNaughton. Mais outre cela, plusieurs mesures protectionnistes risquent de toucher le Québec, dont 70 % des exportations traversent la frontière canado-américaine. Alors, Trump, quel impact sur l’économie québécoise ? Réponse de Philippe Fournier, spécialiste des États-Unis et chercheur invité au CERIUM.
Quelles sont les mesures protectionnistes que Trump pourrait appliquer et qui pourraient concerner le Québec ?
L’objectif principal des politiques économiques de Trump est de favoriser les entreprises déjà établies aux États-Unis, et d’inciter les fournisseurs étrangers à s’y implanter. La plupart des mesures envisagées constituent des formes de protectionnisme indirect.
Pour renforcer la position concurrentielle et la rentabilité des entreprises américaines, le gouvernement Trump prévoit de réduire les impôts sur les profits de 35 % à 20 % ; de permettre le rapatriement d’une partie des 2,6 billions de liquidités que les filiales américaines ont accumulé à l’étranger — dans des conditions très avantageuses, c’est-à-dire à un taux d’imposition de 10 % — ; et d’éliminer une bonne partie de la réglementation en matière d’environnement, de protection des consommateurs, de lois sur le travail, etc.
Dans le secteur énergétique, le gouvernement veut faciliter l’exploitation du gaz, du pétrole et du charbon en éliminant plusieurs contraintes environnementales et géographiques, ce qui augmentera la production tout en réduisant les coûts énergétiques pour l’ensemble des entreprises américaines.
Il y a aussi l’ajustement fiscal à la frontière (AFF), qui pourrait être mis en place unilatéralement et n’aurait pas besoin d’être incluse dans le cadre d’une renégociation de l’ALENA. L’AFF imposerait aux entreprises importatrices dont les produits ou services seraient consommés aux États-Unis une taxe ou une pénalité qui aurait pour effet de rendre les importations moins concurrentielles.
Selon certaines études, une taxe de 10 % ferait chuter les exportations canadiennes de 9 %, en excluant le pétrole.
À l’intérieur ou à l’extérieur de l’ALENA, le gouvernement Trump voudra aussi étendre l’application du Buy American Act, notamment pour les contrats d’approvisionnement en biens et en services de l’ensemble des secteurs publics et parapublics américains. Et limiter la part des composantes étrangères qu’un produit peut contenir pour être exempté de droits de douane.
Si de telles mesures devaient être appliquées, quelles seraient les conséquences pour le Québec ?
Le marché américain est capital pour les entreprises québécoises : environ 72,5 % des exportations prennent le chemin des États-Unis. Ces mesures affaibliront la position concurrentielle de plusieurs entreprises locales ou étrangères qui exportent une partie significative de leur production ou de leurs services vers les États-Unis. Il sera aussi plus difficile d’attirer des entreprises étrangères exportatrices. Certaines entreprises québécoises pourraient même être tentées de s’implanter aux États-Unis, à plus forte raison si elles fournissent le secteur public américain.
Quels secteurs de l’économie québécoise seraient les plus à risque ?
Les conséquences ne seraient pas les mêmes pour tous. Le secteur des ressources naturelles est a priori moins vulnérable, même si le bois d’oeuvre continu d’être particulièrement problématique : aux dernières nouvelles, il est probable que les États-Unis imposent des droits compensatoires qui pourraient aller jusqu’à 25 %, ce qui aurait un impact majeur sur plusieurs petits producteurs québécois. Hydro-Québec devra également faire face à un marché énergétique américain de plus en plus concurrentiel.
Dans l’agroalimentaire, les associations de producteurs américains mènent une guerre féroce contre la gestion de l’offre au Canada, notamment en ce qui a trait à la production laitière, l’élevage, la volaille et les oeufs. Ils prétendent que l’imposition de quotas et de tarifs par le Canada coûte des milliers d’emplois aux États-Unis. Des milliers d’emplois pourraient être à risque au Québec.
Dans le secteur manufacturier, les entreprises qui exportent une bonne partie de leur production seront touchées à divers degrés par les politiques économiques et commerciales du gouvernement Trump. C’est aussi le cas des secteurs de l’aérospatiale et de l’industrie pharmaceutique.
Quelle est la probabilité que de telles mesures soient appliquées ?
Elle est élevée. Reste à voir dans quelle mesure les intentions se traduiront en politiques concrètes et seront appliquées. Dans le cas du Québec et du Canada, certaines chaînes de valeur sont fortement intégrées au niveau continental — l’automobile et l’aérospatiale, par exemple — et seraient complexes et coûteuses à dénouer.
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