Texte publié dans Le Devoir du vendredi 12 décembre 2008
Texte publié dans La Presse du vendredi 12 décembre 2008 sous le titre "Du pain sur la planche"
Le sort en est jeté ! Le Parti québécois sera dans l’opposition pour les quatre prochaines années. Il s’y trouve déjà depuis plus de cinq ans. Mais il a recouvré son statut d’Opposition officielle et sa chef ne risque pas d’être contestée ayant largement gagné ses épaulettes lors de la dernière campagne électorale.
En termes de stratégie politique, la question qui se pose maintenant est de savoir comment le PQ devrait employer ces quatre années d’opposition. Évidemment, la réponse à cette question dépend de l’objectif qu’on veut atteindre au bout de ces quatre ans et, à cet égard, une alternative se présente : vise-t-on simplement à remplacer le gouvernement libéral ou vise-t-on plutôt à faire un pas de plus vers la souveraineté? Dans son discours, le soir des élections, Mme Marois a présenté le résultat obtenu comme « une première marche » devant éventuellement conduire à la souveraineté. Combien de marches y aura-t-il à monter et quelle sera la nature de la prochaine marche ?
Cela revient à poser la question de la place que doit avoir la souveraineté dans le positionnement et la stratégie politiques du Parti Québécois.
Le Parti québécois a été créé dans le but bien particulier de faire l’indépendance du Québec. C’est le choix qu’au départ, il proposait aux Québécois. En cours de route, un autre choix est venu s’ajouter au premier sous la forme d’une étape préalable à franchir, celle d’un bon gouvernement (on disait alors, un « vrai » gouvernement). Ce choix a plu et le PQ s’est vu confier la responsabilité de l’État, d’abord de 1976 à 1985, puis de 1994 à 2003. À chaque occasion, comme il s’était engagé à le faire, le PQ a proposé aux Québécois de choisir l’indépendance lors de référendums organisés à cette fin en 1980 et en 1995. Ce choix a été accepté d’abord par 40,4% et puis par 49,4% des électeurs. C’était bien, mais ce n’était pas assez.
Par la suite, pour se relever de la cuisante défaite qu’il a subi en 2007, le PQ a procédé à un rééquilibrage des choix qu’il allait proposer aux électeurs : celui d’un bon gouvernement fut mis de l’avant et celui de la souveraineté, sans être abandonné, a été relégué dans l’ombre. Ce fut un positionnement qui a permis au PQ de sauver les meubles, de survivre à une période difficile et de revenir plus fort. Il s’agit maintenant de savoir si ce positionnement doit être conservé jusqu’à la prochaine élection.
Il y a plusieurs arguments qui militent en faveur de conserver le positionnement actuel. Maintenant que le Québec est revenu au système traditionnel de l’alternance, on peut faire valoir que, dans quatre ans, la simple usure du pouvoir permettra au PQ de revenir au gouvernement. En faisant une opposition vigoureuse mais responsable, en évitant de commettre des gaffes, en courtisant les forces de changement, le PQ peut espérer revenir tout naturellement aux affaires. C’est également la voie la plus simple et la moins onéreuse à suivre puisqu’elle repose presque entièrement sur le travail de l’aile parlementaire.
Personnellement, je ne crois pas que cette stratégie soit la meilleure. Son principal défaut est d’ignorer que le PQ ne cherche pas le pouvoir pour le pouvoir, mais pour faire l’indépendance. C’est-là que réside non seulement sa particularité mais également son pouvoir de mobilisation. Sans cette perspective, les forces peuvent venir à lui manquer.
La voie que je préconise est la suivante. Le PQ devrait utiliser les quatre prochaines années à préparer le terrain afin que la prochaine élection puisse porter principalement sur la question nationale. Ce travail d’action politique serait confié au Parti lui-même, à ses dirigeants nationaux et locaux, à ses instances régionales et locales et à ses membres et militants – et non pas à l’aile parlementaire qui continuerait à remplir normalement son rôle d’Opposition officielle à l’Assemblée nationale.
J’ai connu une époque, de 1970 à 1976, où le Parti lui-même était sensiblement plus actif que son aile parlementaire, organisant colloques, assemblées de cuisine, publications, faisant la promotion de l’indépendance et discutant des nouvelles perspectives que celle-ci ouvrirait à la société québécoise. Malheureusement, depuis la victoire de 1976, l’aile parlementaire a peu à peu éclipsé le reste du Parti de sorte qu’en dehors de la préparation des évènements internes et de la campagne de financement, le Parti est devenu presqu’inactif. Il faut changer cet état de choses et revenir à l’ancienne pratique. Et surtout, y allouer les ressources financières et humaines requises.
Cette préparation de la souveraineté comportera beaucoup de travail sur le terrain mais, également, une bonne part de réflexion et de discussion publique. D’abord, afin de clarifier le processus d’accession à l’indépendance en élaguant le programme de toutes les ambigüités qui s’y sont glissées quant à la manière dont la souveraineté sera décidée et mise en œuvre. Mais également sur plusieurs autres questions.
En effet, il ne faut pas oublier que le Québec souverain ne sera pas simplement un Québec-province plus gros, mais que ce sera un Québec nouveau bien différent du Québec actuel. Cela se reflètera notamment dans les rapports entre le centre et les régions. Il va sans dire que si l’Assemblée nationale doit prendre en charge les domaines qui, à l’heure actuelle, relèvent du Parlement fédéral, elle ne pourra continuer à s’occuper, en même temps, de toutes les questions qui mobilisent actuellement ses énergies. Il lui faudra, de toute nécessité, déléguer un certain nombre de ces responsabilités aux régions.
L’indépendance du Québec ne va pas sans sa régionalisation, l’une n’allant pas sans l’autre et les deux devant se faire en même temps. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement de M. Parizeau avait publié un livre blanc sur la décentralisation régionale peu avant le référendum de 1995. La création de gouvernements régionaux élus démocratiquement, ayant des pouvoirs importants dans des matières comme les garderies, l’éducation primaire et secondaire, la santé de première ligne et le développement économique local et régional et possédant des pouvoirs fiscaux à l’avenant, est l’occasion rêvée de repenser le Québec et de se définir un véritable « projet de société » selon nos besoins et nos aspirations. C’est un chantier emballant mais complexe, à la mesure d’un débat national. Et une occasion en or de faire valoir les avantages concrets de la souveraineté dans la vie de tous les jours.
Dans une entrevue récente, Yvon Deschamps disait que c’est lorsqu’un parti politique se retrouve dans l’opposition qu’il peut le mieux faire avancer les choses. Il vaut la peine de le citer : « Je ne sais pas d’où vient cette idée qu’il faut avoir le pouvoir pour agir. C’est faux. Souvent, quand on a le pouvoir, on a les mains liées et on ne peut plus rien faire. C’est dans l’opposition, avec des groupes de pression, en travaillant sur le terrain, qu’on fait avancer les choses. ». ([Cyberpresse, 6 décembre 2008->16715])
Le Parti québécois a donc quatre belles années d’opposition devant lui pour faire avancer son projet d’indépendance pour le Québec. Il y a, bien sûr, beaucoup de pain sur la planche. Mais si les instances et les membres du PQ se montrent à la hauteur de la tâche dans la promotion de la souveraineté et si l’aile parlementaire remplit efficacement son rôle d’Opposition officielle à l’Assemblée nationale, la prochaine élection pourra certainement être cette « prochaine marche » dont rêve Mme Marois. Et dont le Québec a un urgent besoin pour garantir sa sécurité identitaire et assurer son plein développement.
Avenir du Parti Québécois
Quelle sera la « prochaine marche » ?
En termes de stratégie politique, la question qui se pose maintenant est de savoir comment le PQ devrait employer ces quatre années d’opposition.
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