Québec solidaire (QS) appelle à la formation d’un gouvernement minoritaire en espérant obtenir la balance du pouvoir. En entrevue éditoriale au Devoir,les deux coporte-paroles de QS, Françoise David et Andrés Fontecilla, ont souhaité donner une voix aux électeurs pour contrebalancer le parti, qui prendra le pouvoir, que ce soit le Parti québécois (PQ) ou le Parti libéral (PLQ).
« Les deux partis me découragent pas mal »,a lancé Mme David, qui a de fortes chances d’être réélue députée dans la circonscription de Gouin de même que son confrère Amir Khadir, qui est député de Mercier à Montréal. Si QS était en mesure de faire élire deux ou trois députés de plus à l’Assemblée nationale, il estime qu’il pourrait être en mesure d’influencer davantage les politiques en faveur de la classe moyenne et des plus démunis.Mais pas question de s’allier avec l’un ou l’autre pour former un gouvernement majoritaire.
Dans quelques dossiers, Mme David demeure tout de même ouverte à négocier avec le parti au pouvoir, notamment sur la charte de la laïcité. « Je souhaite voir une charte de la laïcité adoptée au Québec, je la souhaite la plus consensuelle possible », a indiqué bien clairement Mme David, en ajoutant qu’elle serait « la première à monter au front » pour utiliser une clause dérogatoire si le fédéral tentait d’empêcher Québec de le faire. Lundi, Pauline Marois a évoqué pour la première fois l’utilisation d’une telle clause pour protéger sa charte des valeurs, qui pourrait être éventuellement contestée devant les tribunaux.
« Mais on ne traite pas ça à la légère »,a spécifié Mme David, en rappelant que tout le débat sur la charte est complexe. Quel que soit le parti qui sera élu le 7 avril prochain, les solidaires tiennent à ce qu’il y ait des pourparlers entre la classe politique et la population. Selon Mme David, aucun parti ne saurait prétendre avoir la légitimité d’adopter une charte sans négociation. « Moi, je ne lui donne pas ce droit-là. Je ne lui donne pas cette légitimité »,a-t-elle indiqué.
Les solidaires soutiennent qu’il faudrait réévaluer la question du port de signes religieux dans la fonction publique. « Pour nous c’est excessif de mettre de l’avant la figure d’autorité chez les professeurs et les éducatrices en garderie », a souligné M. Fontecilla, en rappelant que son parti était favorable à l’interdiction des signes religieux pour les fonctionnaires qui ont des pouvoirs coercitifs. Une position qui se rapproche de celle de la Coalition avenir Québec, mais qui est loin de celle du PQ et du PLQ.
Avec son calme devenu presque légendaire, Mme David a tenu pour le reste à se dissocier formellement des trois autres partis. Selon ses dires, « ils ont tous trois la même vision ».« Les trois proposent des compressions de 1,3 à 1,4 milliard, les trois vont vers le pétrole, sont pour le renversement du pipeline d’Enbridge et pas un seul ne parle d’environnement »,donne-t-elle en exemple. « Les compressions et les hausses de taxe, nous, on ne peut pas voter pour ça. Et ceux qui votent pour nous, c’est pour ne pas voter pour ça. C’est pour qu’il y ait une opposition de gauche à l’Assemblée nationale », s’exclame-t-elle. « Faut qu’il y en ait au moins une, c’est là qu’on peut jouer notre rôle ! »
«Arrêter d’avoir peur»
En tant que parti de gauche et progressiste, QS s’engage à lutter contre le gaspillage des fonds publics. M. Fontecilla rappelle qu’il y aurait un ménage à faire au niveau des cadres dans le domaine de la santé, dans l’achat de médicaments et qu’il faudrait mettre fin aux partenariats public-privé. La stratégie des solidaires est aussi d’aller chercher des revenus en taxant davantage les banques, les minières et les pétrolières. Mme David croit qu’il est temps que tout le monde apporte sa contribution. « Faut arrêter d’avoir peur, on ne construit pas un pays sur la peur, que ce soit la peur de l’autre ou des gens d’affaires qui trouvent que ce n’est pas le fun de faire des affaires ici », soutient-elle.
La coporte-parole de QS croit plutôt qu’il faut « avoir le courage d’avancer ». Et pour y arriver, elle brandit son plan de sortie du pétrole qui vise à créer 160 000 emplois en 5 ans principalement dans le transport collectif et la construction de bâtiment écoénergétique. Un projet qui nécessiterait un investissement de 20 milliards.
Les solidaires reconnaissent que ce projet est « ambitieux », mais ils sont convaincus qu’il suffit d’y croire et d’avoir « la volonté » de le faire. Et selon Mme David, son parti a cette même volonté pour faire la souveraineté du Québec, contrairement au PQ. « Je ne crois pas un instant qu’un Parti québécois minoritaire ou même majoritaire déclencherait un référendum dans son premier mandat. Je n’arrive plus à y croire »,confie-t-elle.
L’arrivée de Pierre Karl Péladeau au sein des troupes péquistes a même créé une véritable césure avec les solidaires. Mme David pense que l’ancien dirigeant de Québecor a des comptes à rendre aux Québécois. En fin de semaine, QS a appelé M. Péladeau à donner des explications à savoir pourquoi Québecor avait des filiales dans l’État du Delaware ; un État qualifié parfois de paradis fiscal. « Pourquoi le Toronto Sun est inscrit au Delaware, à quoi ça rime ? Si ce n’est pas de l’évitement fiscal, c’est quoi ? » Même si Québecor a reconnu qu’elle avait des filiales au Delaware et qu’elle n’avait pas nécessairement d’activités dans cet État, Mme David continue d’avoir des doutes. « Moi, je ne suis pas sûre que c’est la fin de l’histoire. »
FRANÇOISE DAVID AU DEVOIR
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