Le milieu des affaires semble avoir été entendu : une nouvelle entente Canada-Québec permettra aux employeurs québécois de faire passer de 10 % à 20 % le quota de travailleurs étrangers temporaires qu’ils souhaitent embaucher dans des postes à bas salaires. Si la nouvelle est généralement bien accueillie, elle ne réglera toutefois pas tous les problèmes, si l’on en croit la classe économique et le milieu de l’immigration.
En essence, les changements au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) visent à faciliter en amont les démarches pour y être admissibles, surtout pour les travailleurs des emplois peu spécialisés.
« On a l’impression que la communauté d’affaires a été entendue. Ce sont des demandes qu’on fait depuis plusieurs années. Faire passer de 10 % à 20 % les seuils [du nombre de travailleurs étrangers temporaires par lieu de travail] fera une différence majeure pour plusieurs entreprises, notamment dans le secteur agroalimentaire », a déclaré Charles Milliard, président de la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ).
Dans la foulée, des mesures vont également concerner les candidats à l’immigration permanente. Ainsi, le gouvernement du Québec est parvenu à obtenir du fédéral ce que de nombreux travailleurs qualifiés qui attendent ici leur résidence permanente ont abondamment réclamé soit un permis de travail ouvert transitoire (PTOT), beaucoup plus adapté à leur réalité car il permet de changer d’employeur. « On se réjouit parce que ça fait des années que le reste du Canada bénéficie de permis de travail transitoire et on dirait que le Québec avait été oublié », souligne Claire Launay, vice-présidente du groupe Le Québec c’est nous aussi.
Enfin, une nouvelle voie d’accès au sein du Programme de mobilité internationale (PMI) visera les candidats à l’immigration permanente détenant un certificat de sélection du Québec (CSQ), mais qui sont à l’étranger. Quelque 7000 d’entre eux pourront arriver plus rapidement s’ils sont en mesure de pourvoir un poste vacant.
Une bonne nouvelle, mais…
Pour Charles Milliard, de la FCCQ, maintenant que l’entente est conclue, l’un des principaux défis demeure l’amélioration des délais de traitement. « On rentre plus de gens dans le canal, mais on a un problème de traitement de dossiers, plusieurs dizaines de milliers sont en attente, rappelle-t-il. Il va falloir mettre les ressources nécessaires. »
Présidente-directrice générale de Manufacturiers et Exportateurs du Québec, Véronique Proulx croit aussi que tout devra être mis en place « pour que les entreprises puissent bénéficier facilement et rapidement de ces nouvelles mesures ». Elle rappelle que l’immigration temporaire est une solution « à court terme ». « Ce que les manufacturiers souhaitent, c’est que ces gens viennent de manière permanente. La hausse des seuils d’immigration demeure un incontournable », dit-elle.
On rentre plus de gens dans le canal, mais on a un problème de traitement de dossiers, plusieurs dizaines de milliers sont en attente. Il va falloir mettre les ressources nécessaires.
Pour la vice-présidente du groupe Le Québec c’est nous aussi, certains travailleurs temporaires souhaitant s’installer de manière permanente au Québec pourraient ensuite être déçus au moment d’entamer leurs démarches de résidence. « Ils vont se rendre compte que c’est moins avantageux au Québec par rapport au reste du Canada et on risque de les perdre », avance Mme Launay.
Débat de fond réclamé
Loin de se contenter de cette entente, Charles Milliard réclame ni plus ni moins qu’un débat de fond sur le sujet qui pourrait prendre la forme d’une consultation itinérante menée par les forces vives des différentes chambres de commerce en région. « L’idée est de s’informer auprès des experts, d’avoir des débats plus chiffrés et économiques au lieu d’un débat que j’appelle “romantique”, ou subjectif », soutient-il.
Selon lui, l’un des critères les plus « flous » est la capacité d’intégration des immigrants, une justification mise de l’avant par le gouvernement de la Coalition avenir Québec pour baisser les seuils d’immigration. « Ça veut dire quoi, la capacité d’intégration ? Quand on parle de places en garderie, de cours de français, on a un discours politique qualitatif et ça ne sert personne. »
M. Milliard croit que le gouvernement de François Legault est ouvert à l’immigration, mais pense plutôt qu’il existe un problème de « perception ». « M. Legault l’a dit lui-même, un [accroissement] de l’immigration n’aiderait pas à rehausser le salaire moyen québécois. Mais il ne faut pas négliger les gens qui ont des salaires en bas de 56 000 $, dit-il. Ces jobs-là existent et si elles existent, elles ne doivent pas disparaître. Sinon, ce serait un échec. »