Quand des multinationales financent des partis politiques européens (VIDEOS)

445481d5d63e59c7b3e05fb1c1c0a2c0

La démocratie libérale, c'est le règne décomplexé des lobbys


Sur RTL, le 7 mars, Marine Le Pen a affirmé, à la suite de la journaliste Elizabeth Martichoux, que de grandes multinationales comme Bayer sponsorisaient des partis politiques européens. Cette pratique, si elle est peu évoquée, n'est pas un secret.


Si l'on considère que deux des principaux titres de presses, Le Monde et Libération, sont montés au créneau, c'est que Marine Le Pen semble avoir touché un point sensible. En l'espèce, le fonctionnement sinon opaque, du moins complexe des institutions européennes, mais aussi les règles, inconnues du plus grand nombre, qui régissent le financement des partis politiques qui siègent au Parlement de Strasbourg. Une question particulièrement d'actualité, à moins de trois mois des élections européennes.



Les lobbys existent vous le savez, vous êtes à Bruxelles



Le 7 mars dernier, sur RTL, l'épineuse question du glyphosate s'invitait dans le débat. Occasion pour Marine Le Pen, répondant aux questions d'Elizabeth Martichoux, de démontrer l'impuissance, selon elle, de l'Union européenne face aux multinationales, et face aux traités de libre-échange, comme le CETA, qui s'imposent aux dispositions réglementaires nationales.





«Les lobbys existent vous le savez, vous êtes à Bruxelles», interrompt Elizabeth Martichoux. Et Marine Le Pen de saisir la perche : «Ah mais madame, je le sais très bien. Et d'ailleurs, vous savez ce qu'ils font les lobbys ? Ils financent les partis politiques européens», affirme-t-elle alors, précisant que Bayer-Monsanto, fabricant du glyphosate, faisait partie des généreux «donateurs» de L’Alliance des libéraux et des démocrates pour l’Europe (ALDE), parti politique européen centriste avec lequel La République en marche (LREM) envisageait de faire alliance.


Secret de polichinelle ? Le Monde et Libération, via leurs services de vérification de l'information, respectivement Les Décodeurs et CheckNews, confirment cette pratique. «C'est une réalité», note ainsi le site du Monde le 10 mars, avançant «un état d’esprit très bruxellois, où le rapport aux lobbys est beaucoup plus décomplexé qu’en France». Réagissant dès le 7 mars, la rubrique de Libération Checknews contacte l'ADLE, groupe au Parlement européen qui, pour compliquer encore un peu plus les choses, intègre le parti européen quasi-homonyme ALDE. Le parti, «et non pas [le] groupe au Parlement européen ou un politicien en particulier», «a des accords d’entreprise avec plusieurs acteurs industriels européens», a-t-il été confirmé à Libération.



Lire aussi : «On ne peut pas dire qu'il n'y aura plus de glyphosate dans trois ans» : Macron trahit sa promesse


Des partis européens ouvert à des «accords d'entreprise» avec des «acteurs industriels»


L'ALDE précise la nature de ces «accords» : «Ils sont tous liés à nos congrès [...] ou à d’autres événements de grande envergure sous la forme de frais d’organisation de débats de groupe ou de frais pour des stands d’exposition sur place». Et d'expliquer encore : «Tant de choses sont inexactes dans la déclaration de madame Le Pen, mais le lobbying consiste à tenter d’influencer un législateur sur une question. Dans ce cas particulier, il s’agit de quelque chose de très différent : le parti [européen] entretient des relations avec des ONG, des fondations mais aussi des entreprises. S’ils veulent avoir un stand d’exposition ou organiser des panneaux, ils doivent couvrir ces frais.» Mais quel intérêt auraient donc ces puissantes multinationales à participer à ces événements ? Sur son site, l'ALDE se place dans le cadre de la «loi belge» et des règles de l'Union européenne, et se borne à réaffirmer : «Le parti ALDE recherche activement [...] des initiatives apportant une valeur ajoutée mais ne compromettant pas son indépendance.»


Sur le plateau de RT France ce 11 mars, Eric Alt, vice-président d'Anticor, association luttant contre la corruption, a qualifié ces pratiques de «trafic d'influence légal», notant que le Parlement européen n'était pas le seul visé : «Les lobbyistes s'attaquent aussi aux commissaires [européens]. [L'ex-président de la Commission européenne José Manuel] Barroso est un exemple emblématique : il est aujourd'hui au service de la banque Goldman Sachs et il rencontre des commissaires pour [leur] vendre les idées de la banque.»





Le 12 mars, après la mise en lumière par plusieurs médias des financements de multinationales à l'ALDE, LREM, s'adressant à France Info, a faire savoir qu'il n'y a avait désormais plus de projet «d'alliance» ou de «coalition» avec ce parti européen.


Lire aussi : Emmanuel Macron plaide pour un «Conseil de sécurité européen» et une «préférence européenne»