QS et ON préfèrent l’abordage au sabordage

Les deux partis indépendantistes n’ont pas l’intention d’écouter le conseil de Pauline Marois et de se sacrifier pour la cause, à l’image du RIN de Pierre Bourgault

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Le spectacle consternant de nos divisions

Pauline Marois a donné un conseil simple aux partis indépendantistes rivaux, lors du conseil national du Parti québécois (PQ), samedi à Québec : elle pense qu’ils devraient se saborder. Mais Québec solidaire et Option nationale estiment avoir le vent dans les voiles, et comptent bien partir à la conquête des électeurs déçus du PQ.
La perspective d’une entente électorale entre les trois formations semble s’éloigner encore un peu, depuis cette fin de semaine. La suggestion de Mme Marois s’est faite lors d’un hommage à l’indépendantiste Pierre Bourgault. En 1968, afin de faire avancer la cause souverainiste, M. Bourgault avait décidé de saborder sa propre formation politique, qui était alors le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN).
Au discours de clôture du conseil national du PQ, Pauline Marois a visé Québec solidaire et Option nationale, sans les évoquer explicitement. En fin de journée, les péquistes ont souligné les dix ans du décès de M. Bourgault, et l’ancien ministre Jacques Léonard, qui a été l’un de ses compagnons de route, est venu rappeler ses faits d’armes, dont l’épisode où le chef du RIN avait proposé la mort de sa propre formation. Quand elle a ensuite pris la parole, Pauline Marois a expliqué qu’il s’agit d’« un bout de notre histoire qui, probablement, mériterait de se répéter aujourd’hui ». Puis, elle a renchéri en termes plus explicites. « Il [Pierre Bourgault] a fait avancer notre projet de pays. Il a posé ce geste généreux […]. Il a sabordé son parti pour joindre le Parti québécois, parce qu’il savait que ce serait plus efficace, plus utile d’agir de cette façon. »
À l’époque le PQ gagnait en popularité, et M. Bourgault voulait éviter une division du vote. Le contexte semble avoir changé depuis : le PQ est plutôt malmené dans les sondages, rappelle Jean-Martin Aussant. « Je pense aussi que la baisse dans les sondages fait en sorte que Mme Marois veut essayer par tous les moyens de raviver le membership », dit le chef d’Option nationale, qui n’a pas réussi à se faire réélire aux dernières élections. Mais son parti fourbit ses armes en vue des prochaines élections : il compte désormais 8000 membres, 3000 de plus qu’en octobre dernier. Il possède plusieurs centaines de milliers de dollars dans ses coffres, soit bien plus que les 100 000 $ qu’il avait réunis pour sa dernière campagne, selon lui.
Il n’y a plus de printemps érable visant à « débarquer les libéraux » et Philippe Couillard est plus populaire que Jean Charest, explique M. Aussant. « Dans la mesure où on va avoir beaucoup plus de membres, beaucoup plus d’organisation et beaucoup plus de fonds et de moyens financiers pour la prochaine campagne électorale, c’est sûr que la force d’ON nuira encore plus au PQ », dit M. Aussant. « Si le PQ pense pouvoir être majoritaire dans un contexte plus défavorable que celui de la dernière élection, je ne comprends pas vraiment leur calcul », affirme le chef d’Option nationale. Il conseille au Parti québécois de changer son programme pour y mettre en avant la cause souverainiste, ou alors de se « saborder » pour permettre à ses membres de rejoindre Option nationale.
Même son de cloche du côté de Québec solidaire : la porte-parole du parti, Françoise David, reproche à Mme Marois de ne pas tenir compte des nouvelles réalités du mouvement souverainiste. « Le Parti québécois devrait prendre acte que l’objectif d’un pays souverain […] ne lui appartient plus uniquement, il faudrait qu’il réalise ça, qu’il y a d’autres partis politiques sur la patinoire, dont l’un s’appelle Québec solidaire », dit-elle. Et le parti semble avoir de plus en plus de partisans : en deux ans, il est passé de 7000 à 15 000 membres. « On n’a pas fait tout ce travail de mise sur pied d’un parti politique en 2006, pour se saborder quelques années plus tard », tranche Mme David.
Signes de faiblesse au PQ
Les militants péquistes n’ont pas manqué de relever les signes d’affaiblissement du PQ. Pour Marc Laviolette, le président de l’association péquiste de Beauharnois, le gouvernement Marois a pris de bonnes décisions, mais d’autres lui ont fait du tort. « C’est comme si on n’avait pas tiré de leçons du passé au sujet de l’austérité », croit l’ex-syndicaliste. « Tu frappes les assistés sociaux, ça ne t’aide pas. Tu ramasses les garderies ; ça s’est réglé par la négociation, mais ça ne t’aide pas ». Mais M. Laviolette estime que, lors de leur dernier congrès, les solidaires se sont radicalisés. « Je pense qu’électoralement, ça va leur nuire. Et la cible principale de leurs affaires, c’est le PQ. Ils chassent sur nos terres », explique-t-il. Pierre Dubuc, du SPQ libre, s’en prend à Québec solidaire et à Option nationale, qui minent, selon lui, les appuis au PQ. « C’est comme si l’histoire se déroulait à l’envers : le PQ se défait et on est en train de recréer le RIN avec Option nationale et Québec solidaire. C’est la même histoire que les groupes ML [marxistes-léninistes] des années 70 », se désole-t-il.
Mais il est parfois difficile de tirer des conclusions historiques chez les indépendantistes. Pierre Bourgault lui-même avait affirmé qu’il ne savait pas s’il avait pris la bonne décision. « C’est une chose sur laquelle je n’arrive pas à me faire une idée précise; quand je suis déprimé, que je trouve que les choses ne vont pas très bien […], je me dis que nous n’aurions pas dû saborder le RIN », expliquait-il, lors d’une entrevue qu’il avait donnée douze ans après avoir dissous son parti.


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