Jean-Louis Fortin - La condamnation d'Air Canada à verser 12 000 $ en dommages et intérêts à un couple d'Ottawa qui n'a pu être servi en français a semé l'émoi et provoqué des tensions à travers tout le pays, hier.
En remportant leur bataille judiciaire face au transporteur aérien, Michel Thibodeau et son épouse ont ravivé le débat sur la cohabitation du français et de l'anglais comme les deux langues officielles.
Dans le Canada anglais, plusieurs commentaires méprisants envers la cause du bilinguisme ont déferlé sur les sites Web d'information, les médias sociaux et les tribunes téléphoniques.
Ces réactions rappellent un texte d'opinion publié au début des années 2000 par le premier ministre du Canada, Stephen Harper, dans lequel il remettait en question la place du français au pays.
Dans sa missive, publiée dans le Calgary Sun le 6 mai 2001, celui qui allait devenir chef de l'Alliance canadienne quelques mois après décrivait le bilinguisme comme un «dieu déchu» qui «a coûté des millions aux contribuables canadiens» (voir extraits).
«Parasites»
Hier, on retrouvait des propos semblables partout sur la toile. Plusieurs n'ont pas hésité à aller plus loin et s'en prendre à l'ensemble des Québécois.
«Les idiots comme ce gars et sa femme sont des parasites. Ils sont la raison pourquoi le reste de la planète n'aime pas les Québécois», a écrit un lecteur, en anglais, sur le site du Ottawa Sun.
«En tant que Canadien francophone, je voudrais remercier monsieur Thibodeau [de] nous avoir embarrassés et d'avoir donné une mauvaise image des Canadiens francophones, une fois de plus», a lancé quelqu'un d'autre.
Dans la section des commentaires du site Web du quotidien The Globe and Mail, la teneur des propos était semblable.
«Écoutez tout le monde. Allons tous au Québec et poursuivons-les lorsqu'ils n'accepteront pas nos commandes en anglais au restaurant. Qui embarque avec moi?», a écrit un homme.
«Lorsque je me suis mariée, je me suis débarrassée de mon nom de famille en français pour une bonne raison. Ce cas est un exemple dégoûtant de gaspillage, d'arrogance et d'intolérance», a même témoigné une lectrice.
Haine
Certains propos incitaient même franchement à la haine.
«C'est dégoûtant. Débarrassons-nous du Québec. Mettons fins à ce fiasco», a-t-on aussi pu lire sur le site Web du Globe and Mail.
Pour se défendre, Michel Thibodeau a déclaré que sa poursuite contre Air Canada n'avait pas été menée dans le but de s'enrichir, mais bien qu'il s'agissait d'une question de principe.
«Sur une base quotidienne, si je ne suis pas servi en français, je perds mon droit», a-t-il plaidé sur les ondes de Sun News.
EXTRAITS D'UNE LETTRE D'OPINION DE STEPHEN HARPER ÉCRITE EN 2001
«Le bilinguisme officiel au Canada n'est pas seulement une politique. Il s'est élevé au rang d'une véritable religion. C'est un dogme que tous doivent accepter sans poser de questions.»
«Alors qu'il tente à répétition et sans succès de faire la promotion du français à l'extérieur du Québec, le gouvernement fédéral cède de plus en plus aux volontés des activistes de l'unilinguisme officiel au Québec. »
«La discrimination contre les anglophones et les institutions anglophones par les lois linguistiques du Québec est bien documentée.»
«Comme religion, le bilinguisme est un dieu déchu. Il a produit de l'iniquité, n'a pas stimulé l'unité canadienne et il a coûté des millions aux contribuables canadiens. C'est, j'imagine, ce qui se produit quand vous mêlez la religion et l'État.»
Polémique
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé