Au soir du scrutin du 7 avril, quelques minutes avant que Pauline Marois n'annonce sa démission, trois hommes étaient au micro pour aider les partisans accablés à passer le temps avant l'arrivée de la première ministre : Pierre Karl Péladeau, Jean-François Lisée et Bernard Drainville.
L'apparition du trio laissait présager ce que tout le monde avait déjà deviné : c'est entre ces trois hommes que se ferait la course au leadership. Ils étaient d'ailleurs à l'instant même en train de commencer leurs campagnes respectives...
Six mois plus tard, la scène est étrangement vide. À tel point que l'on se demande si la lutte ne se fera pas entre PKP et... Martine Ouellet, auquel cas l'affaire est déjà réglée ! Ou encore, à supposer que PKP retire ses billes, si la couronne n'ira pas, par défaut, à Mme Ouellet ou à quelque autre figure mineure du parti.
À moins que Jean-Martin Aussant, dans le rôle du revenant, laisse tomber une carrière rémunératrice et les tout jeunes enfants auxquels il disait vouloir se consacrer pour se faire le sauveur du PQ - un scénario qui ravirait Jacques Parizeau, mais qui, pour l'instant, paraît improbable.
Chose certaine, la lutte à trois envisagée au lendemain des élections n'aura pas lieu.
Jean-François Lisée, qui était déjà assez impopulaire au sein du parti, s'est en quelque sorte éjecté lui-même de la scène en multipliant les attaques directes et indirectes contre ses deux principaux adversaires. PKP, en conflit d'intérêts permanent, serait « une bombe à retardement » ! Quant à Bernard Drainville, la charte de la laïcité qu'il a parrainée pendant six mois était si peu acceptable que lui, Lisée, aurait voté contre si elle n'avait pas été amendée sur un point central (le congédiement d'employés déjà en poste).
L'attaque contre M. Péladeau était directe - un coup de poing en plein front - , celle contre M. Drainville était aussi subtile que perfide... et d'autant plus étrange que M. Lisée, tout le temps qu'a duré l'acrimonieux débat sur la charte, loin de s'en dissocier, l'a défendue sur toutes les tribunes.
D'ailleurs, n'est-ce pas le même homme qui, en tant que stratège principal du PQ, a poussé le parti à embrasser le nationalisme identitaire dont la charte a été le sous-produit le plus détestable ?
Quoi qu'il en soit, il ne reste plus sur les rangs que PKP (au moins jusqu'à nouvel ordre) et Bernard Drainville, qui s'est empressé de défendre le meneur probable de la course - le conflit d'intérêts qui l'a amené à faire pression sur le gouvernement pour favoriser une transaction favorable à Québecor serait simplement dû, estime-t-il, à « l'inexpérience » politique...
M. Drainville, s'il fait campagne, ne le fera que mollement, en prenant bien soin de ne pas s'aliéner le meneur. D'ailleurs, l'ancien ministre n'a plus guère de capital à faire mousser. Son seul titre de gloire était d'avoir piloté la charte de la laïcité, qui est aujourd'hui discréditée jusque dans les rangs péquistes. Même d'anciens ministres s'en dissocient !
Question centrale : PKP se présentera-t-il officiellement au leadership, au risque de devoir placer une partie de ses actions en fiducie, ou préférera-t-il retourner à ses affaires ? Une fois chef de parti, il serait assujetti, politiquement sinon juridiquement, aux mêmes règles qui régissent le portefeuille des ministres.
Néanmoins, les pressions qu'il a exercées en faveur de Québecor dans le dossier des studios Mel's seront vite oubliées du grand public, et il sera difficile à ses adversaires de l'accuser de contrôler ses journaux d'une main de fer, car on y publie une bonne diversité d'opinions - et cela, même sur la carrière politique et la personnalité du grand patron. Les jeux ne sont pas faits.
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