Ce qui est formidable, avec Pierre Karl Péladeau, c'est qu'il nous fait tous rajeunir. Son enthousiasme politique juvénile nous ramène 40 ans en arrière, à l'époque où l'on ne reculait pas devant les comparaisons les plus outrancières. Les policiers montréalais étaient comparés aux «SS», et les Québécois aux «nègres blancs». On pourfendait les «fédérastes», fine allusion aux «pédérastes».
C'était l'époque où les archéo-indépendantistes avaient toujours le mot «traître» à la bouche. Traîtres, les Canadiens français qui allaient travailler à Ottawa. Traîtres, les francophones encore attachés au Canada. Traîtres, ceux qui avaient des amis parmi les «maudits anglais». On invoquait les saintes Écritures du chanoine Groulx et les théoriciens de la violence révolutionnaire, on collait les timbres avec la photo de la reine la tête en bas... Pendant que les «Chevaliers de l'Indépendance» brandissaient les drapeaux des Patriotes, les tribuns levaient le poing pour sonner le rappel des troupes, comme PKP en mars dernier, lors d'une scène mémorable où ne manquait que le slogan «Nous vaincrons!».
Depuis cette époque heureusement révolue, les moeurs politiques ont changé. Il a fallu l'influence modératrice de René Lévesque - un homme qui connaissait le sens des mots - et l'émergence d'un grand parti de gouvernement, pour que les indépendantistes ôtent leurs tuques de patriotes et retombent dans la réalité. À un moment donné, il ne restait plus que le cinéaste Pierre Falardeau pour incarner l'époque de tous les délires verbaux. Celui-là même qui salua la mort de Claude Ryan par une diatribe haineuse qui se terminait par: «Salut, pourriture!»
PKP était un grand admirateur de Falardeau. Ce dernier lui aurait-il passé le flambeau? Attachez vos ceintures fléchées! On retrouve la même passion, façon années 60, dans certaines interventions du patron de Québecor. Le style est moins imagé, le ton beaucoup plus poli, mais le contenu reste empreint d'exagérations grandiloquentes qui, si elles étaient dites dans un forum international plutôt que dans le fourre-tout grotesque des réseaux sociaux, couvriraient leur auteur de ridicule.
Ainsi, le voilà qui compare le rapatriement de la constitution aux accords de Yalta qui ont assujetti l'Allemagne de l'Est au joug communiste... Quand le président allemand a lu ces lignes qui lui étaient destinées, il a dû s'étouffer dans sa choucroute.
Il faut dire que M. Péladeau s'enfièvre facilement au sujet de ce fameux rapatriement, lui qui voudrait mettre les drapeaux en berne tous les 17 avril!
Nous ne sommes pas au bout de nos surprises, avec PKP. Après avoir pourfendu Radio-Canada sans relâche pendant 20 ans, il est devenu plus radio-canadien que Joël Le Bigot. Tout au plus reproche-t-il au CRTC de nous imposer la période des questions au Parlement fédéral. Il y en a qui diraient qu'après tout on paie des impôts à Ottawa et qu'un peu d'information ne fait de mal à personne, mais n'allons pas gâcher son bel emportement par des questions de détail.
Nul ne sait où mènera la métamorphose de PKP, laquelle est encore plus spectaculaire que celle qui a changé Michel Blanc en femme. Celui qui avait à son crédit le record de la dureté patronale (voir les lock-out qui ont atomisé les salles de nouvelles de ses journaux), l'inflexible capitaliste qui a longtemps fustigé l'abus des dépenses publiques, est devenu un doux social-démocrate qui carbure à la compassion!
Plus fort encore, l'entrepreneur qui a obtenu à force de pressions que les contribuables financent à hauteur de 400 millions son amphithéâtre Québecor, s'oppose vertueusement à ce que le gouvernement injecte de l'argent pour y faire venir les Nordiques!
En tout cas, avec lui on ne va pas s'ennuyer.
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