C’est un euphémisme de dire que le mouvement souverainiste est en panne et qu’il a besoin de réfléchir, comme l’a déclaré Pauline Marois sur les ondes de QUB radio. Après l’hécatombe du 1er octobre dernier, le Parti québécois ne peut plus fermer les yeux sur une désaffection progressive qu’il a préféré ignorer pendant vingt ans. Quant au Bloc québécois, la crise de l’an dernier a simplement été le reflet d’une recherche d’identité qui est demeurée vaine depuis que la vague orange de 2011 a révélé qu’un grand nombre de Québécois ne le tiennent plus pour essentiel.
L’annonce du décès de Bernard Landry a sans doute été un moment de tristesse pour de nombreux souverainistes, même si plusieurs de ceux qui chantent aujourd’hui ses louanges avaient été soulagés de le voir quitter la scène en juin 2005, comme cela avait été le cas pour René Lévesque.
Dans cette tristesse, il y avait aussi une part de nostalgie, celle d’une époque où la souveraineté semblait encore être une possibilité bien réelle, plutôt qu’une sorte de rêve dont on souhaite toujours aussi ardemment la réalisation, mais auquel on croit de moins en moins.
En rétrospective, il est presque hallucinant de penser que les délégués au congrès de juin 2005 avaient donné à M. Landry un appui si timide qu’il avait décidé de démissionner, alors que le Oui atteignait un sommet de 55 % dans les sondages. C’est dès ce moment-là que le PQ aurait dû faire un sérieux examen de conscience.
Ce n’est pas d’hier qu’on parle d’une « refondation ». Jean-Martin Aussant, qui a relancé l’idée en fin de semaine dernière lors d’un colloque de l’Institut de recherche sur le Québec, en avait déjà fait la suggestion dans une lettre ouverte publiée dans Le Devoir en septembre 2014.
« Non pas un congrès du PQ ouvert à tous, mais bien un congrès de refondation duquel naîtrait un nouveau grand parti souverainiste avec des gens de tous les horizons et toutes les ressources regroupées en son sein. Parce que la majorité nécessaire au projet ne se trouvera jamais dans l’un ou l’autre des sous-groupes (gauche, droite, jeunes, vieux) mais seulement dans l’ensemble », écrivait-il.
M. Aussant croit maintenant que ce parti refondé devrait porter un autre nom que celui de Parti québécois, qui demeure associé à la charte des valeurs, que ses adversaires peuvent trop facilement présenter comme du racisme.
De son côté, le chef intérimaire du Bloc québécois, Mario Beaulieu, a annoncé lundi que son parti allait aussi se refonder, comme l’aile jeunesse en avait fait la proposition en avril dernier, alors que le Bloc semblait au bord de l’implosion.
« Tout est sur la table », a dit M. Beaulieu, y compris le nom du parti. Tout sauf l’essentiel, devrait-on dire. La défense des intérêts du Québec et la promotion de l’indépendance doivent demeurer sa mission première. Bien entendu, un éventuel sabordage n’est pas à l’ordre du jour, même si son fondateur voyait le Bloc comme un expédient provisoire.
Tout cela semble un peu précipité. On peut comprendre que le Bloc fait face à une échéance électorale qui ne lui laisse pas beaucoup de temps, mais les diverses composantes du mouvement souverainiste ne peuvent plus s’offrir le luxe d’agir en vases clos.
Le plus urgent pour le Bloc est de se trouver un nouveau chef, mais on voit mal comment il pourrait se redéfinir sans savoir ce qu’il adviendra du PQ, qui devra prendre le temps nécessaire pour réfléchir à son avenir. La conférence des président(e)s qui se réunira dans deux semaines pour faire l’analyse de la campagne électorale ne peut être qu’un premier pas.
Il est évident que l’équilibre des forces au sein du mouvement souverainiste n’est plus le même qu’avant l’élection du 1er octobre. Pierre Karl Péladeau a été le premier chef à reconnaître que le PQ n’avait plus le monopole de l’indépendance, mais il se perçoit encore comme le navire amiral.
L’époque de Bernard Landry est bel et bien révolue. Le PQ et Québec solidaire ont eu des résultats semblables, mais il n’est pas difficile de voir lequel des deux est en ascension et lequel est en chute. Si le dialogue doit reprendre, il devra s’établir à tout le moins sur une base d’égal à égal. Une modification du mode de scrutin faciliterait évidemment les choses, mais cela ne réglerait pas tout.