La controverse entourant un crucifix retiré de l’hôpital Saint-Sacrement de Québec se poursuit ces jours-ci.
On répète, chez les mondains, que cette histoire de crucifix est insignifiante. On la regarde même avec un peu de mépris.
Pourtant, elle est peut-être plus importante qu’on ne le croit. À travers cette querelle symbolique, les Québécois parlent de choses essentielles.
Culture
Posons clairement la question: pourquoi les Québécois semblent-ils autant attachés à ce symbole venu d’une religion qu’ils ont rejetée en bloc il y a cinquante ans?
Comment se fait-il qu’un peuple qui ne sait plus comment faire son signe de croix à l’église et qui peine à réciter son Notre Père tremble soudainement d’effroi lorsqu’on retire un crucifix d’un mur d’hôpital?
Qu’a-t-il l’impression de se faire enlever? Pourquoi se sent-il dépossédé?
La première raison est culturelle.
Il fallait, au moment de la Révolution tranquille, contester l’emprise de l’Église sur notre société. Elle nous avait peut-être protégés. Elle en était venue à nous étouffer.
Mais ce congédiement fut brutal.
Après les années d’euphorie, on a commencé à comprendre qu’un peuple qui arrache ses racines se condamne à la sécheresse identitaire.
Une question nous hante: avons-nous jeté le bébé avec l’eau du bain? Alors, on s’accroche maintenant aux derniers symboles de notre passé catholique, comme si nous le revendiquions enfin. Ce crucifix fait le pont avec notre vieil héritage, il le représente.
La deuxième raison est politique.
Dans un Québec soumis à la logique des accommodements raisonnables, les Québécois ont l’impression d’avoir trop souvent cédé.
Et devant l’immigration massive, ils veulent réaffirmer qui ils sont.
Pour le meilleur et pour le pire, dans notre monde, les identités religieuses resurgissent. Rappeler l’importance du crucifix, dans les circonstances, cela veut dire rappeler aux immigrants qu’ils sont ici en Occident, et que le christianisme n’est pas une ici une religion parmi d’autres.
C’est celle qui a formé notre civilisation. Tous doivent l’accepter.
Religion
La troisième raison est peut-être spirituelle.
L’homme peut-il vivre sans religion? Peut-il traverser son existence sans l’espérance que donnait autrefois la foi? Dans quelle mesure peut-il abolir toute préoccupation spirituelle?
On nous dira qu’il ne faut pas mélanger religion et spiritualité, mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Une spiritualité ancrée dans l’histoire et la culture, cela donne une religion.
Un peuple qui renonce à sa religion risque de se tourner vers des spiritualités compensatoires comme les cristaux, le new age ou les religions étrangères.
Chesterton le disait de manière amusante. «Quand l’homme cesse de croire en Dieu, ce n’est pas pour ne croire en rien, c’est pour croire à n’importe quoi.»
Plus sérieusement, se pourrait-il que dans un hôpital, les Québécois veuillent conserver la présence de la croix, pour s’agenouiller devant elle et prier lorsqu’il le faut, comme si elle témoignait d’une aspiration noble à un monde moins cruel que le nôtre?
On peut vouloir conserver le crucifix ou le décrocher. Les deux positions sont légitimes. Mais, qu’on ne fasse pas l’erreur d’y voir une querelle superficielle.
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