Pourquoi la monarchie m’énerve

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Et pourtant, la monarchie est le système politique le plus stable

Toute cette fébrilité autour du mariage royal, en Angleterre, du prince Harry et de Meghan Markle, s’explique aisément.


La monarchie, c’est clinquant, fastueux. Ce sont des symboles forts. Cette sorte de gouvernement a des bases communes avec celles des sectes : le dirigeant ou la dirigeante a un lien direct avec le divin.


À une certaine époque, le pouvoir était fondé et transmis de « droit divin ».


Évidemment, il y a eu évolution : en Angleterre, après la « Glorieuse Révolution » (1688-1689), la couronne a lentement perdu sa capacité à gouverner dans les faits.


La monarchie est progressivement devenue « constitutionnelle », le monarque étant forcé de respecter une foule de coutumes et d’usages.


Depuis des siècles, donc, la couronne règne, mais ne gouverne pas. C’est un symbole non partisan de l’unité du pays.


Stade infantile du politique


Et la monarchie, les familles royales continuent de fasciner. Les membres de ces dynasties sont aussi, sinon plus connus que des célébrités du cinéma.


C’est l’effet d’envoûtement de la grande richesse. Il y a peut-être plus intéressant : l’aspect anachronique fait en sorte de relier les contemporains au passé lointain de leur nation.


Il reste que la monarchie représente le stade infantile du politique. D’abord et avant tout parce que c’est simple : une personne règne, voilà tout. Ses enfants prendront la relève. La politique, dans son aspect débat, division, déchirement, est dissimulée sous le faste.


Aussi, on est spontanément monarchiste avec les enfants. Les histoires qui les captivent impliquent souvent des rois, des princesses et des princes.


« La couronne royale stimule l’imaginaire plus facilement que l’urne électorale », écrivait le politologue (et ami) Pierre Skilling, dans son livre Mort aux tyrans ! Tintin, les enfants, la politique (Nota Bene, 2002).


Prenons le Roi Lion : « On ne penserait pas à présenter aux enfants un “président” ou un “premier ministre” Lion ! » avait illustré Skilling en entrevue, il y a quelques années.


Éducation à la démocratie


On me répondra que cette fascination est sans conséquence de nos jours. Et que cela n’a plus vraiment d’effet aujourd’hui puisque nos monarchies sont constitutionnelles.


Il y a tout de même des effets politiques bien réels au fait que nous vivions en monarchie. Notamment celui-ci : nos référendums sont consultatifs et non exécutoires. Chez nous, c’est le parlement qui a hérité de la souveraineté royale. Encore que... sans une sanction du souverain (ou de son représentant), une loi ne peut avoir d’effet.


L’esprit monarchique semble « pas tuable » : certains réflexes reviennent constamment, même dans les vieilles démocraties.


Le réflexe dynastique : pourquoi le fils ou la fille d’un grand politicien du passé, Trudeau ou Mulroney, par exemple, devraient-ils être considérés en priorité ou retenir plus d’attention que les autres candidats ?


Au cœur même de la république américaine, le réflexe dynastique est fort : pensons à la lignée des Bush. Et que dire de celle des Kennedy ? Parions que les Trump n’ont pas fini d’occuper le devant de la scène politique.


Certes, avoir le bon sang ne garantit pas le succès électoral : des Bush ont perdu leurs élections ; des Kennedy aussi, évidemment. N’empêche, pour plusieurs, même en démocratie, le fait de porter certains gènes vous donne une longueur d’avance.


Le mot « république » chez nous fait référence à une « idée suspecte » (Marc Chevrier l’explique admirablement dans La République québécoise, Hommages à une idée suspecte, Boréal, 2012). Le mot et l’idée semblent avoir été entachés chez nous par l’adjectif « bananière » ou l’épithète « de banane », voire d’« opérette ».


Le fait qu’un personnage aussi catastrophique que Martine Ouellet tente de la promouvoir n’aide pas la cause républicaine.


Mais pendant ce temps-là, on fait l’impasse sur le ridicule de notre fascination béate et collective face à tout ce qui est royal.


Le carnet de la semaine


Lapsus de Lamarre


Il est très drôle, au Salon bleu, d’entendre un député qui, voulant pourfendre un adversaire, commet un lapsus l’amenant au contraire à le flatter. En 2009, le libéral Tony Tomassi avait lancé en chambre : « Sous le Parti québécois, le Québec est devenu le paradis des familles ! » Son leader avait demandé à ce qu’il « retire ses paroles ». Réplique du député : « J’admets avoir induit la chambre en erreur. » Jeudi, Diane Lamarre, critique péquiste en matière de santé, en visant le ministre Barrette a involontairement vanté la CAQ : « Le ministre a clairement échoué à mettre son pouvoir au service des patients [...]. Il a perdu le contrôle pendant que la CAQ, elle, veut prioriser la santé... euh... veut privatiser la santé. »




Piège à ours, pas à dauphins


Pour commenter l’attaque d’Alexandre Taillefer, nouveau président de la campagne électorale libérale, contre les journalistes de Québecor, le chef péquiste Jean-François Lisée a eu ce commentaire : « Au premier jour de sa vie politique, il tombe dans des pièges à ours que chacun devrait connaître. » Lorsque les journalistes se sont tournés vers le ministre libéral Pierre Moreau pour qu’il commente, ce dernier en a profité pour égratigner subtilement son éventuel et potentiel rival à la chefferie (Taillefer) en ces termes : « J’ai entendu M. Lisée dire qu’il s’agissait d’un piège à ours. Vous ne pensez quand même pas que je vais sauter dedans. » C’était donc bien un piège à ours, pas à dauphins.




Commissaire ressuscité


La surprise de la semaine, c’est sans doute la résurrection du poste de Commissaire à la santé. Créé par Philippe Couillard à l’ère Charest, ce commissaire devait étudier le système de santé afin d’en donner une vision objective. Or, dans ses nombreuses réformes, Gaétan Barrette avait annoncé son abolition. Le commissaire et ses employés ont donc cessé de travailler en décembre. Coup de théâtre jeudi : au moment de le confirmer dans la loi, le gouvernement a reculé ! Le commissaire reprendra vie ! Deuxième étonnement, Gaétan Barrette, adoptant un langage à la Laurent Lessard, s’est expliqué ainsi : « C’est une décision avec laquelle je n’étais pas en faveur. » Le ministre avait pourtant l’air très convaincu au moment de l’annonce de l’abolition. Mystère de la résurrection !



LA CITATION DE LA SEMAINE


« Je ne suis pas le superman de la politique. »


– Alexandre Taillefer, entrepreneur et président de la campagne électorale du Parti libéral (PLQ), 15 mai 2018