Pourquoi christianisme et république périclitent en même temps ?

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Une nouvelle spiritualité laïque à venir ?


Les Français (surtout les plus âgés, qui ont des éléments de comparaison) s'alarment de l’effondrement rapide de leur pays. Ce sont aussi bien les valeurs et pratiques du christianisme que celles de la République qui sombrent. Les églises se vident en même temps que les bureaux de vote. Cette anomie est-elle un simple concours de circonstances ou s'agit-il d'une coïncidence avec les mêmes symptômes et la même origine ? Relisons l'Histoire.


Une des grandes innovations du christianisme fut de s'affirmer, dès l'origine et pour la première fois de l'Histoire, comme une « sorte de spiritualité laïque », indépendante de tout pouvoir politique. « Mon Royaume n'est pas de ce monde. » Le monde de Dieu n'est pas celui de César. Entre les juifs conservateurs du Sanhédrin, les juifs hellénistes, les juifs nationalistes revendiquant la révolte des Maccabées, mais aussi sous le joug impérial romain, la voie purement spirituelle montrée par Jésus ne pouvait que le mener à sa mort, mais aussi à l'immense succès de sa prédication.


Du premier siècle jusqu'à la fin du XVIIIe, le monde n'a connu que des monarchies et des empires, une fois oubliées la démocratie athénienne et la république romaine. La grande force du christianisme est non seulement de s'être affirmé comme indépendant du pouvoir politique mais encore comme supérieur à lui. Non sans crises, le christianisme a fini par ployer la barbarie germanique initiale, et à lui imposer peu à peu ses valeurs : trêve et paix de Dieu, droit d'asile. Il sauve les arts, les lettres et les sciences, sacralise le mariage et la famille, protège les plus faibles, défriche, organise l'espace, l'école, le droit…


Les Lumières et la première Constitution ne furent pas hostiles au christianisme (mais un peu plus à l'Église) et ce n'est que l'erreur (la faute) de la fuite à Varennes (un roi ne fuit pas son peuple) qui déclencha la montée de la Terreur et les persécutions religieuses dont la France ne s'est pas encore totalement remise. L'Église alors, au cours du XIXe siècle, se raidit. Vatican I attisa les tensions - y compris au sein du clergé - en affirmant le dogme de « l'infaillibilité pontificale », après avoir condamné « l'idée moderne de liberté de conscience » au nom de la « suprématie du fait religieux sur l'ordre temporel ». Auparavant, Pie IX - par un ex cathedra sans concile - avait proclamé le dogme de l'Immaculée Conception de Marie. Il en résulta le petit schisme toujours actif de l'Église vieille catholique. Quoi qu'il en soit de ces tensions entre laïcards ou franc-maçons et calotins, un modus vivendi finit par être trouvé par la loi de 1905, bien que celle ci proclame la « liberté de conscience ».


Or, voici que les piliers fondamentaux de la française se fissurent. Les principes majeurs de la République - Liberté, Égalité, Fraternité, laïcité, État de droit, liberté de conscience et d'opinion, séparation des pouvoirs, gouvernement du peuple par le peuple - sont amoindris de façon alarmante, tant par des pratiques de gouvernement que par des pressions médiatiques, judiciaires et sociales. Ces reculs gravissimes rejoignent ceux que subit le christianisme : « enseignez toutes les nations », « aimez-vous les uns les autres », la foi, l'espérance et la charité, et surtout « mon royaume n'est pas de ce monde », sont bien fanés.


La cause de cette anomie est commune à la République et à l'Église : l'ignorance par les techno-structures des préoccupations et de l'opinion des populations, et l'abandon des principes fondateurs. Pape François n'a pas compris que le principe « enseignez les nations » ne veut pas dire « laissez disparaître vos nations par la dissolution de leur essence ». Le cardinal Sarah, plein de bon sens, qui connaît bien, lui, les pays d'émigration, le problème du développement du tiers-monde et l'islam, a donné de bien meilleures réponses. Mais un peu isolées. La Conférence des évêques de France n'a cessé de décevoir les fidèles. Et les gouvernements successifs ont accéléré la ruine de la démocratie, notamment en s'abstenant, depuis quinze ans, de recourir à des référendums sur des points majeurs et en gouvernant de façon autoritaire. Rendez la parole aux citoyens et aux fidèles !