L'élection de Nicolas Sarkozy est un signe des temps. C'est une France en déclin, tombée au 28e rang pour sa compétitivité, qui semble avoir trouvé en lui une solution à sa marginalisation. Le nouveau président étale d'ailleurs des valeurs qui sonnent juste: une action commune vers un même objectif, construire, risquer et rejeter l'immobilisme. De quoi redonner confiance aux Français.
Mais si la France a décidé de prendre le taureau par les cornes, qu'en est-il du Québec? Sommes-nous au-dessus de ce genre de défi? Le problème, c'est qu'il n'y a pas chez nous de structure intellectuelle prête pour la mondialisation. Pour comprendre ce qui se passe, nous devons nous donner une grille de lecture pertinente.
De fait, il faudrait une troisième voie à côté de celles des Lucides et des Solidaires. Car pour les «Mondialistes» québécois à venir le débat ne peut plus se limiter à une controverse sur les coûts de l'État-providence et les vertus du libre marché. La nouvelle question est plutôt de savoir si le Québec peut faire face aux nouveaux défis qui pèsent sur son avenir.
Comprendre
La mondialisation a fini par atteindre le Québec. Une première phase, inconsciente, a consisté en une intensification importante du commerce international. De 1981 à 2006 en effet, les exportations internationales du Québec ont littéralement explosé, augmentant de 350 % en dollars constants. Elles sont passées de 26,9 milliards de dollars en 1981 à 92,4 milliards en 2006, et de 19,4 % du PIB à 37,6 % devenant ainsi le principal facteur de notre enrichissement. Durant cette période, le Québec s'est aussi doté d'un imposant holding en industries de pointe. Des noms comme Bombardier, Quebecor, SNC-Lavalin, CGI, le Cirque du Soleil, la Caisse de dépôt, etc. font figure de nouvelle avant-garde. Le Québec exporte aussi 44 % de la haute technologie canadienne. Un autre fait d'armes.
Mais à la suite de cette période facile, des défis de taille se profilent à l'horizon. Selon certains organismes internationaux, c'est à ce moment-là que les pays commencent à comprendre qu'ils sont en mondialisation. Parce que l'essentiel de leur industrie est tourné vers les exportations internationales. Parce que la productivité devient le nerf de la guerre. Parce que de nouveaux concurrents de taille bouleversent les marchés extérieurs. À ce moment se pose la question de réagir à la nouvelle situation. Le Québec en est rendu là aujourd'hui.
Ses locomotives économiques sont vendues à des intérêts hors Québec. Alcan et BCE sont les dernières de la liste, mais il y a eu Falconbridge, Molson, Domtar, Seagram, Dofasco, Biochem-pharma, etc. Des entreprises stratégiques qui deviennent des succursales de production sans pouvoir décisionnel, tout en brisant les réseaux locaux de sous-traitance.
La nouvelle concurrence chinoise est une surprise de taille. Avec ses 174 millions de travailleurs industriels, la Chine exporte déjà dans le monde 30 % de plus que le Japon et gruge graduellement les marchés du Québec aux États-Unis.
La dévastation de notre secteur industriel a aussi de quoi inquiéter. À 43 % seulement du nombre des entreprises ontariennes, le secteur a subi un désinvestissement grave de 17,5 % depuis 2003. Déjà handicapé par une proportion insuffisante d'industries complexes, le Québec fait aussi face à la délocalisation et aux fermetures.
Finalement nos facteurs de compétitivité ne s'améliorent guère: la productivité par travailleur québécois était encore inférieure de 10,4 % à celle de l'Ontario en 2004. La création d'entreprises était aussi estimée dix fois moindre que celle du Canada en 2004. Et le Québec n'aurait reçu que 14,4 % des nouveaux investissements faits au Canada depuis 2002. L'innovation n'irait bien que dans certains secteurs seulement. Le dollar québécois ne vaudrait enfin que 73 cents s'il existait dit-on. Comparé à 1,20 $ pour les provinces de l'ouest.
Réagir
Devant ces défis, il ne faut pas rester figé. Sur le plan des grandes orientations, il faudrait commencer par admettre que l'aire d'action économique principale du Québec est désormais internationale. La conquête des marchés extérieurs devient essentielle. La compétitivité et l'efficacité à tous les niveaux devraient être l'affaire de tous. Le travail et les travailleurs devraient être revalorisés. Il faudrait faire plus de place au privé. Une mondialisation responsable toutefois qui maintiendrait la protection sociale, culturelle et environnementale.
Les politiques économiques viseront forcément à renforcer notre compétitivité. Faudra-t-il une agence de réindustrialisation? Une politique de délocalisations partielles? La recherche de nouveaux marchés étrangers et de nouveaux créneaux de production deviendra vite nécessaire. Il faudra consolider nos efforts en innovation. Et revoir nos facteurs de compétitivité: création d'entreprises , investissements, rendement au travail . Nous devrons nous inspirer des meilleures pratiques de l'étranger, mais faire aussi des analyses détaillées.
Conscientiser
Mais en définitive c'est l'appui de la population à une vision particulière qui sera la meilleure garantie de sa réalisation. L'exemple des Lucides de Lucien Bouchard et de l'IEDM (Institut économique de Montréal) est clair à cet égard. Dans une province majoritairement solidaire, ils ont réussi à marquer des points et à influencer les principaux partis du Québec. Pour mobiliser les citoyens en faveur de la mondialisation, on devra agir de même: multiplier les communications sur le développement, lutter contre les sentiments anti-croissance et la peur du risque. En appeler aux nouvelles grandes tendances des jeunes: technologie, entrepreneuriat, mercantilisme. Et par-dessus tout prêcher l'audace et la fierté.
Soutenir
Un virage vers la mondialisation ne peut se faire sans suivi. Les prises de position ponctuelles ne suffisent pas. Elles sont vite oubliées. En l'absence d'un leadership ou organisme continu pour étayer une vision et proposer des lignes directrices, toute l'entreprise risque de tomber dans le vide. Il faut un champion de la cause.
Dans cet ordre d'idée, plusieurs pays et provinces ont développé des forums de la compétitivité. Près de chez nous, notons le Council on competitiveness américain, l'Institute on competitiveness and prosperity ontarien et le Forum sur la compétitivité du Conseil économique des provinces atlantiques. Ces forums servent de conseils d'orientation économique pour la mondialisation avec dossiers, communications et contacts politiques.
En somme, pour se donner une politique de la mondialisation devenue incontournable, le Québec aurait avantage à avoir un Conseil national de la compétitivité.
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Michel Magnant, Montréal Stratégique
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