Beaucoup perçoivent les élections comme une confrontation entre chefs, et le résultat comme un jugement populaire sur leurs qualités de «leadership». Cette perception trahit une méconnaissance du système politique canadien.
Contrairement aux élections américaines, où la personnalité des candidats est l'élément crucial, notre système met l'accent sur les partis et sur leurs programmes. Nous élisons toujours un parlement et non pas un individu.
Toutes les études démontrent que les Canadiens se situent au centre gauche de l'échiquier, c'est-à-dire qu'ils veulent maintenir notre haut niveau de justice sociale et de liberté individuelle. Conscients de certaines difficultés graves au sein de notre système, les Canadiens favorisent néanmoins l'assurance maladie publique. Ils croient dans l'égalité des homosexuels, favorisent la liberté d'avorter et s'opposent à la réouverture du débat sur la peine de mort. Ils désapprouvent des aventures militaires et préfèrent dépenser pour la culture que pour l'armée. Il existe un consensus sur la nécessité d'agir immédiatement pour sauver l'environnement.
Il est vrai que le public se laisse parfois séduire par les promesses de baisses d'impôt, surtout quand les conséquences pour le système social sont minimisées. Il est vrai aussi que la propagande intarissable en faveur du capitalisme libéral a réussi à susciter une méfiance envers les dépenses publiques.
Manifestement, l'échec du nouveau capitalisme illustré par les déboires de Wall Street n'est pas encore généralement compris. Malgré ces bémols, l'opinion publique canadienne a été largement épargnée par la vague de droite qui a déferlé sur l'Occident depuis 1980.
PAS LES CONSERVATEURS
Les conservateurs de Steven Harper ne semblent pas faire partie de ce paysage. Issus du Reform Party, un mouvement de droite dure, les conservateurs ont à maintes reprises manifesté leurs réticences face les droits des homosexuels et à l'abolition de la peine de mort. Ils n'arrêtent pas de promouvoir un rôle pour le privé en matière de santé, sans spécifier l'importance de ce rôle. Il est certain qu'ils se seraient impliqués en Irak s'ils avaient été au pouvoir en 2005. Ils ont enterré le traité de Kyoto sur l'environnement, ont coupé les subventions à la culture et ont déclenché une hystérie injustifiable au sujet de la criminalité. Ils ont montré des instincts de censure et du puritanisme et ont manifesté une grande méfiance envers les journalistes et l'accès à l'information. Ils ont réduit les impôts de la façon la plus favorable aux riches et puissants.
Toutefois, beaucoup de commentateurs insistent pour dire que les conservateurs ont viré au centre et qu'il n'y a rien à craindre d'un gouvernement majoritaire.
Bien évidemment, M. Harper ne fait pas campagne sur l'abolition de l'assurance maladie ou sur l'avortement, car ce serait suicidaire. Il est cependant étonnant de voir jusqu'à quel point les conservateurs gouvernaient à droite, même dans une situation minoritaire. De plus, leur programme est rempli de phrases idéologiques vagues sur l'économie de marché qui seraient sûrement dépoussiérées pour démontrer l'existence d'un mandat pour privatiser l'assurance maladie ou Radio-Canada ou pour adopter d'autres mesures ultra-conservatrices.
Au Québec, les conservateurs jouent habilement la carte du nationalisme symbolique qui n'apporte rien à la population afin de masquer leurs politiques culturelles, qui représentent un désastre pour la francophonie. Il faut donc comprendre que nous sommes devant un virage à droite radical, mais sournois. C'est une erreur de penser que les conservateurs se sont modérés. Si jamais un gouvernement méritait d'être mis à la porte péremptoirement, c'est bien celui-ci.
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