Politique et vérité

La politique nous rassemble tout en nous opposant

Tribune libre 2010

La politique est là pour gérer et réguler nos égoïsmes. En soi, la politique ne peut pas prétendre détenir la vérité. La politique et la vérité ne font pas bon ménage. La vérité ne se juge pas, ne se défend pas, ne se vote pas, elle s'impose d'elle-même. Si la politique était « vraie », à quoi servirait la démocratie ? Il suffirait de remplacer les élections par des démonstrations « vraies » des études scientifiques, des sondages et bingo.
En conséquence, aucune politique ne peut prétendre détenir la « vérité ». Elle est la recherche du pouvoir. Le rôle de la politique n'est pas de trancher entre le bien et le mal, le vrai et le faux, entre des savoirs et des ignorances, ni même entre le passé et l'avenir. Que fait-elle alors ? La politique, en démocratie, gère des forces et des intérêts opposés.

La politique nous oblige à faire des choix
La politique oppose des forces, des égoïsmes, des groupes d'individus, des partis politiques, des valeurs, des options, pour ainsi nous amener à faire des choix. On vote pour celui ou celle dont on partage les idées politiques. On ne vote pas pour les plus intelligents, les plus instruits ou les plus intègres ! Tout cela pour dire que la politique n'appartient pas aux plus compétents ni aux plus vertueux. La politique appartient aux plus forts, aux plus rusés et aux plus nombreux. On ne gagne pas ses élections en disant « toute » la vérité. On préfère ce que l'on veut entendre de la bouche d'un politicien à la « vérité » proprement dite. Mais quand le mensonge devient trop apparent, en démocratie, les électeurs se vengent et votent en faveur d’un opposant qui n’est pas nécessairement sans reproche.

La politique socialise nos égoïsmes

Comme la politique est la gestion de l'équilibre entre des égoïsmes, des partis politiques, des conflits, des solidarités, des alliances, elle a comme rôle de soumettre les individus au bien commun. Comme nous sommes tous par nature antisociaux et égoïstes, pour vivre ensemble, nous avons besoin de la politique, du droit et de la police. La politique n'est pas à l'opposé de l'égoïsme, elle est l'égoïsme socialisé, tempéré et toujours conflictuel.
La politique nous recentre sur l’obligation du vivre ensemble
La politique fait appel à la solidarité (qui suppose des intérêts communs) et non à la générosité (qui suppose le désintéressement personnel). La solidarité n'est pas une vertu morale comme la générosité, mais un devoir social et une obligation du vivre ensemble. Voilà pourquoi, toute politique nous apparaît injuste et contraignante. Ce qui se dégage des consensus en politique, au niveau des lois, des ententes et des règlements, est toujours quelque chose que personne n'a voulu, mais qui, par la force des choses, nous rassemble en nous opposant.
En conclusion, la politique est un mal nécessaire. Elle protège le tissu social en gérant les conflits, en favorisant les alliances et en aménageant les solidarités.
Marius MORIN
mariusmorin@sympatico.ca

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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    4 janvier 2010

    Le texte de M. Morin présente un certain nombre d’affirmations comme autant d’axiomes à partir desquels il faudrait comprendre la politique, les lois et la démocratie. Le dernier de ces axiomes que j’ai retenu est : « Ce qui se dégage des consensus en politique, au niveau des lois, des ententes et des règlements, est toujours quelque chose que personne n’a voulu, mais qui, par la force des choses, nous rassemble en nous opposant. »
    Je pense que toute loi doit être considérée en fonction des intérêts de ceux pour lesquels elle a été rédigée. Il ne suffit pas d’être un Parlement élu par le peuple pour en être son fidèle représentant. Nous avons tous suffisamment d’expérience pour savoir que le pouvoir du peuple n’est pas toujours celui qui est l’inspiration des lois qui sont votées par nos représentants. Les bailleurs de fonds des partis politiques, les lobbies de certains gouvernements influents ont souvent la préséance dans les intérêts à privilégier. Un gouvernement, ainsi pris en otage, votera les lois qui sauront contraindre le peuple et libérer ceux de qui il est servile. Ces derniers ne verront pas la loi comme une contrainte.
    Un second axiome est celui qui dit : « Comme nous sommes tous par nature antisociaux et égoïstes, pour vivre ensemble, nous avons besoin de la politique, du droit et de la police. »
    Je ne saurais être aussi pessimiste sur la nature qui nous habite. Je penserais plutôt le contraire. Je crois que par nature nous sommes plus sociaux qu’antisociaux, que si l’égoïsme a une forte emprise elle a également une contrepartie de solidarité qui témoigne de la capacité de l’être humain de vaincre toutes ses résistances d’égoïsme pour se donner entièrement à la cause d’une humanité respectée dans ses membres, aimée dans ses personnes, juste et vraie dans ses relations.
    Un troisième axiome est teinté d’un pessimisme que je ne saurais partager, à tout le moins dans ces termes : « La politique appartient aux plus forts, aux plus rusés et aux plus nombreux." Je pense qu’il faudrait ajouter que la politique appartient d’abord et avant tout au peuple. S’il est vrai qu’il y a usurpation de pouvoir, grâce au mensonge, à la manipulation, à l’argent, à la fraude, il est également vrai qu’il y a des peuples qui reprennent en main ce pouvoir et font le grand ménage chez les fraudeurs et les usurpateurs. Pourquoi les oligarchies en Amérique Latine ont-elles tellement peur des « constituantes » dont veulent se prévaloir les peuples ? Parce que le jour où les lois fondamentales sur lesquelles reposeront les droits des individus, des corporations, des élus etc… ils perdront leurs prérogatives et devront comme tout le monde s’ajuster aux exigences du BIEN COMMUN, celui-là même qui aura été défini par le peuple.
    Je terminerai avec un quatrième axiome : « Le rôle de la politique n’est pas de trancher entre le bien et le mal, le vrai et le faux, entre des savoirs et des ignorances, ni même entre le passé et l’avenir. » La gestion de la cité, comme disaient les pères des premières démocraties, voit au bien commun de tous. Ce BIEN COMMUN répond d’abord et avant tout à tout ce que les personnes et les collectivités ont besoin pour se développer. La politique participative ne peut se soustraire à aucune de ces préoccupations et il lui revient d’en reconnaître les droits et d’en fixer les lois qui sauront en assurer le développement.
    Je remercie M. Morin d’avoir suscité ces premières réflexions que d’autres viendront compléter, corriger et questionner.J'y vois l'occasion d'un débat intéressant sur l'importance d'une constituante votée par le peuple et non pas uniquement sanctionnée par les parlements sans que le peuple n'ait son mot à dire.