Parmi les opposants à la loi 21, des Québécois de souche nous avaient mis en garde : avec cette loi, nous allions déchirer le Québec en deux.
Gérard Bouchard, du tristement célèbre duo Bouchard-Taylor, nous avait annoncé, mine de rien, que notre image serait ternie sur la scène internationale. Nous passerions pour des racistes. Cette loi était donc mauvaise et nuisible à notre réputation collective. Rien de cela ne se produit, sauf dans des critiques émanant de pays anglo-saxons branchés sur la presse du Canada anglais.
Les militants antilaïcité et ceux des droits de la personne avaient menacé d’une part de ne pas respecter la loi, mais aussi d’utiliser les tribunaux pour la casser. Les premiers à concrétiser leur menace sont les membres du Conseil national des musulmans canadiens, qui ont mis à l’avant-plan une étudiante en éducation, inquiète et traumatisée, semble-t-il, par l’idée de devoir faire le deuil d’une profession dont elle rêve. Mais personne ne l’empêchera d’enseigner avec son hijab dans des écoles musulmanes ou dans le secteur privé.
Punir
Les adversaires donc de cette laïcité si chèrement débattue et votée à la majorité de l’Assemblée nationale, légalement, répétons-le, nous souhaitent le pire, c’est-à-dire une sorte de chaos. En fait, plusieurs rêvent de nous punir de cette audace collective, entérinée par le seul gouvernement au Canada qui représente la majorité francophone, le gouvernement du Québec.
Et que penser de la réaction de la Commission scolaire de Montréal, opposée à cette loi depuis le début et qui sans coup férir décide maintenant d’appliquer un moratoire jusqu’en 2020 ? Sa présidente, Catherine Harel-Bourdon, la fille de Louise Harel, ancienne ministre péquiste, a hérité de la fougue de sa mère, mais pas de sa souplesse à chercher le compromis.
La CSDM se croit-elle souveraine en la matière ? Ses dirigeants sont de ceux qui rêvent que Montréal devienne un État dans l’État, comme tous ces citoyens cosmopolites qui définissent leur appartenance par la ville où ils vivent. Ce sont des mondialistes avant tout qui regardent de haut la petite province de Québec.
Surveillance
Nous sommes donc un peuple ciblé, sous surveillance d’un Big Brother communautariste. Certaines de nos élites, elles, nous considèrent en régression. La laïcité conquise serait une expression de repli collectif et d’un sentiment antidémocratique inspiré par notre « obsession » identitaire. Autrement dit, nous serions en train de retourner à nos réflexes de « tricotés serrés » et de fermeture à l’Autre, l’étranger d’abord. Cette laïcité imposée serait en contradiction avec les forces d’inclusion et d’ouverture du Canada tout entier.
À bien y penser, cette laïcité fait des Québécois des séparatistes nouveau genre, qui perturbent les voies lumineuses de notre avenir au sein de la confédération en marche vers un accomplissement postnational.
Le combat pour faire triompher notre laïcité se déroulera donc devant les tribunaux. Nous serons ainsi tributaires des décisions de cour qui pourraient à la limite renvoyer cette loi dans le grenier des artefacts de notre nationalisme toujours folklorique et ethnique. Le Québec doit rester à sa place, c’est-à-dire docile et silencieux.