Pas d'indépendance du Québec sans l'accord d'une majorité de provinces, plaide Ottawa

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Dur réveil pour les référendistes : Ottawa ne nous laissera pas détruire sa belle confédération si facilement


Un mémoire déposé devant la Cour d'appel du Québec par les avocats du gouvernement fédéral et dont Radio-Canada a obtenu copie soulève l'indignation et l'incrédulité de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (SSJB). Ottawa soutient notamment qu'une éventuelle sécession du Québec serait « illégale et inconstitutionnelle » sans un amendement à la Constitution canadienne.




Cela pourrait donc signifier que, légalement, une majorité de provinces devraient approuver une éventuelle indépendance du Québec.


Le mémoire a été soumis dans le cadre de la contestation de la loi 99 sur l’autodétermination, adoptée par Québec en 2000, pour accorder aux Québécois le droit de décider seuls s'ils veulent se séparer du Canada.


Il y a près d’un an, en avril 2018, la Cour supérieure a donné raison au gouvernement du Québec et à la SSJB qui défendent la constitutionalité de cette loi. La décision a été portée en appel et la cause pourrait être entendue sur le fond l’an prochain devant la Cour d’appel.



En attendant, les parties impliquées, dont le gouvernement du Canada, doivent soumettre au tribunal un mémoire dans lequel elles exposent leur argumentaire. Selon le document d’une centaine de pages transmis par les avocats du fédéral le 20 février dernier, la sécession légale du Québec nécessiterait un amendement constitutionnel selon les critères énoncés dans la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982.


Aux yeux de Maxime Laporte, président de la SSJB, l’argument du nécessaire amendement constitutionnel, s’il est accepté par la Cour d’appel, aurait pour effet de « rendre techniquement irréalisable en droit l’accession du Québec à la liberté politique ».


Selon l’interprétation de la SSJB, l’indépendance du Québec serait alors assujettie à l’appui de 7 provinces représentant 50 % de la population canadienne, ou peut-être même à l’accord unanime des provinces.


M. Laporte dresse un parallèle avec la Catalogne, dont la déclaration d’indépendance est jugée illégale par le gouvernement espagnol. Il accuse le premier ministre Justin Trudeau de vouloir s’inspirer de cette situation pour rendre l’indépendance du Québec impossible sur le plan constitutionnel.


Ottawa défend sa position


Le cabinet du ministre fédéral de la Justice, David Lametti, a déclaré qu'il était « résolu à faire respecter la Constitution », en ajoutant que « la position du procureur général du Canada et du gouvernement du Canada est claire : la loi 99 n'est constitutionnelle que si elle est interprétée conformément au cadre de la Constitution du Canada et à l'intérieur des pouvoirs législatifs du Québec ».


Des sources fédérales ont mentionné que le gouvernement et ses avocats se basent sur l'avis de la Cour suprême sur le renvoi relatif à la sécession du Québec, en 1998. Le plus haut tribunal du pays affirmait alors que « la sécession d'une province du Canada doit être considérée, en termes juridiques, comme requérant une modification de la Constitution, qui exige forcément une négociation ».


Les principes de la négociation et du nécessaire amendement constitutionnel à la suite d'un référendum gagnant sur l'indépendance sont donc reconnus, selon ces interlocuteurs.


Dans le même avis, la Cour suprême ajoutait que, « selon la règle de prudence requise en matière constitutionnelle, [elle s'abstient] de toute conclusion quant à l'application possible d'une procédure précise pour faire sécession tant qu'il n'existe pas suffisamment de faits clairs soulevant une question justiciable. »


Cet extrait fait dire à la Société Saint-Jean-Baptiste que la question de la nécessité de l'amendement constitutionnel n'a pas été tranchée.


« Digne des matraques espagnoles »


Aux yeux de Sol Zanetti, porte-parole de Québec solidaire en matière de souveraineté et de relations intergouvernementales canadiennes, le mémoire déposé par le gouvernement fédéral évoque la réponse plus que musclée de Madrid face aux indépendantistes catalans.


« On voit où ce gouvernement-là peut mener; la tentative de référendum en Catalogne, ça a fini avec la matraque. Au Canada, on est en train de faire la même chose », a soutenu le politicien en mêlée de presse.


Dans un communiqué publié sur Facebook, M. Zanetti n'est pas passé par quatre chemins : « Que l'indépendance du Québec soit anticonstitutionnelle pour le Canada, on s'en balance. »



Le jour où nous voudrons décider de notre avenir par nous-mêmes, nous n’aurons de permission à demander à personne. La démocratie québécoise prime les lois constitutionnelles canadiennes. Il est important de ne jamais l’oublier.


Sol Zanetti, député de Jean-Lesage, Québec solidaire


De son côté, le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, « lance un avertissement très sérieux » à Ottawa : « Ce n'est pas vrai que les provinces du Canada vont décider de l'avenir du Québec. Il faut le réitérer en 2019, et on va le faire avec force très prochainement. »


M. Bérubé entend déposer jeudi une motion à l'Assemblée nationale pour « dénoncer cette attaque du fédéral envers le droit du Québec à disposer de son propre avenir ». Sur Twitter, il a invité tous ses collègues de l'Assemblée nationale à appuyer ladite motion.


De passage à Shawinigan, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, estime qu'« Ottawa nie le droit du Québec de décider lui-même de son avenir en tentant de mettre sous tutelle fédérale l’indépendance du Québec ».


« Les Québécoises et les Québécois sont les seuls qui doivent décider de l’indépendance. La seule permission nécessaire, c’est celle de la population québécoise », a-t-il ajouté.


La ministre québécoise de la Justice, Sonia LeBel, a indiqué que son gouvernement « n'était pas d'accord » avec l'argument avancé par Ottawa.



Je pense que le Québec peut prendre ses décisions.


La ministre Sonia LeBel


Mme LeBel n'a toutefois pas voulu se prononcer à savoir si le Québec disposait du droit de déclarer unilatéralement son indépendance, advenant un nouveau référendum.


Pour la ministre, enfin, il n'y a pas grand cas à faire du fait que le mémoire du fédéral a été présenté uniquement dans la langue de Shakespeare.


« Au Québec, on peut plaider dans la langue de notre choix, c'est ce que les tribunaux ont décidé, c'est dans la Constitution. Est-ce qu'on peut penser que ça aurait été aimable de la part d'Ottawa de déposer un mémoire au moins bilingue devant la Cour d'appel du Québec? La réponse est oui, mais si vous parlez si juridiquement, ils avaient le droit de le faire, la réponse est oui également », a-t-elle déclaré.


Ce choix de présenter la position du gouvernement fédéral en anglais seulement a cependant ulcéré la SSJB, qui qualifie ce geste d'« insulte ajoutée à l'injure ».


« Le Canada entend rajouter une nouvelle couche à la chape de plomb constitutionnelle qu’il nous a imposée de force, en meublant à son avantage les silences de l’Avis rendu en 1998 par la Cour suprême pour rendre techniquement irréalisable en droit l’accession du Québec à la liberté politique », plaide encore la SSJB par voie de communiqué.


Avec la collaboration d'Hugo Prévost




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