sur toile de fond du G-20

Ouverture sur le monde et aliénation intergénérationnelle

Par ailleurs, le gouvernement d'Ottawa ne s'est jamais gêné quand venait le temps de violer les droits individuels et collectifs des Québécoises et des Québécois

Tribune libre 2010

Ça fait longtemps que je me questionne à savoir pourquoi beaucoup de jeunes québécois ne se sentent pas interpellés par la question de la libération du Québec ? Pourquoi est-ce que les jeunes québécois ne s'impliquent pas dans ce combat pour notre patrie qui est encore assujettie à une monarchie constitutionnelle archaïque, gouvernée par une classe politique arrogante, tyrannique et prédatrice ?
Je crois avoir eu une partie de la réponse le mardi 29 juin en lisant un texte d'un journal, une lettre ouverte qui levait le voile sur le penchant de certains parents montréalais ouverts sur le monde, qui se sont détournés sans état d'âme de l'affirmation québécoise dans leur cheminement idéologique.
L'ouverture sur le monde est un concept passe-partout avec lequel certains parents inculquent à leurs enfants des notions et des idéaux fort louables, comme le recyclage, la consommation équitable, la justice sociale, un avenir plus vert, même la solidarité entre les peuples.
Cependant, ces parents semblent béatement inconscients du fait que l'ouverture sur le monde est un dogme qui mène nulle part. De plus, ils abandonnent leur progéniture dans cet univers qui se décline d'abord et avant tout en anglais. L'ouverture sur le monde va de pair avec la mondialisation et elles doivent être combattues.
Jumelées, ces deux fléaux sont des rouleaux compresseurs par lesquels l'hégémonie d'une culture et d'une oligarchie économique s'impose à beaucoup d'autres. Ce modus operandi bien rôdé par l'empire de l'anglosphère opère impunément sur le terrain de la négation des droits des cultures nationales par le biais des états fantoches. Les nations sont sacrifiées à l'autel de l'ouverture sur le monde qui sert si bien le pillage qui va de pair avec la mondialisation. Les peuples se voient abandonnés par leurs élites respectives et dépouillés de leurs ressources au seul bénéfice d'une petite minorité anonyme.
Dans un texte portant le titre « L'espoir seul face au risque », publié par deux quotidiens montréalais, une mère de famille, Mme Brigitte de Margerie, nous brosse le tableau de son planétarisme aliénant qui illustre abondamment son feu sacré d'innocence pour l'ouverture sur le monde et sa fermeture sur ses origines, surtout dans l'extrait suivant :

« Ils partaient donc ce matin là, sourire aux lèvres, conscients de faire partie d'un mouvement solidaire mondial de protestation. Ils partaient à 5h30, alors que Montréal dormait encore, conscients qu'une vaste majorité de citoyens demeurent indolents sans voir le péril de notre consommation frénétique. La veille, c'était la St-Jean, non ? Dix jeunes, les mains chargées d'espoir, n'avaient rien à faire d'un party de la St-Jean bien arrosé. Pour eux, la vraie cause n'est plus de débattre, en ce 24 juin, du sort du Québec dans l'échiquier canadien. »

Ensuite, elle écrit que « Ces dix jeunes, et d'innombrables autres personnes à travers le pays, ont compris que nos frontières sont désormais beaucoup plus vastes, sur le plan géographique, mais beaucoup plus restreintes sur le plan des idéaux. Ils ont une pensée planétaire qui les rend sensibles à l'urgence de la souveraineté alimentaire des peuples, à l'oppression des femmes par les hommes, à l'esprit colonialiste des exploitants économiques de ce monde, à l'hégémonie du pétrole, à la dilapidation des ressources naturelles qui sont l'eau, le sol et l'air au profit d'une poignée d'individus assoiffés de pouvoir, aux idéologies conservatrices anti-avortement, à la destruction de nos océans par l'industrie sauvage de la pêche, aux semences stériles imposées aux agriculteurs qui nourrissent la planète, à l'invasion incontrôlée de produits toxiques dans l'environnement, aux manigances commerciales qui convainquent tout un chacun de rester jeune, d'avoir des dents plus blanches
et de la nécessité de s'offrir une cuvette de toilette plus confortable… et j'en passe. Aller toujours plus vite, plus loin, vers le mur. »

Au-delà du discours confus de Mme Margerie sur « nos frontières désormais plus vastes », qui concernent la géographie, et ses idéaux qui relèvent de son idéologie sensiblement apatride menant à un cul-de-sac ou à un mur proverbial qu'elle semble vraiment incapable d'entrevoir, j'endosse tout de même une partie de son énumération de griefs, mais strictement dans une perspective de libération du Québec, en commençant par « l'urgence de la souveraineté alimentaire » et en allant jusqu'à « l'invasion incontrôlée de produits toxiques dans l'environnement ».
Cependant, le planétarisme de Mme De Margerie la positionne dans un vide d'affirmation ou de solidarité nationale au profit d'une solidarité internationale désincarnée, aveugle et sans assises tangibles.
La souveraineté alimentaire, autant que la souveraineté environnementale, passe par un Québec indépendant. Pour ce qui en est des affirmations de Mme de Margerie sur « rester jeune », sur les « dents plus blanches » et « la nécessité de s'offrir une toilette plus confortable », je ne vois pas ce que ça peut venir ajouter au débat, en dehors d'une tentative de culpabilisation mal ciblée, viciée par une analyse incomplète ou un mode d'expression irréfléchi, maladroit, voire bâclé.
Quand Mme Margerie déclare que « Pour eux, la vraie cause n'est plus de débattre sur le sort du Québec dans l'échiquier canadien », elle fait fausse route tout en posant mal le problème.
Le sort du Québec est débattu depuis 1760 par des élites civiles et cléricales obéissantes à l'affirmation minoritaire du régime royal et militaire au service des marchands écossais et anglais, ces pillards qui s'imposaient à nous dès lors. Ce régime militaire britannique s'est transformé en état policier canadian d'héritage loyaliste au fur et à mesure que les canadiens-français sont passés de la majorité à la minorité par ce lent procédé d'épuration ethnique.
De Toronto, dans les derniers jours, il a été rapporté qu'autour de cent vingt québécois, sur les deux cents qui ont été interpellés par les policiers, des montréalais pour la plupart, ont été arrêtés et accusés à la suite des manifestations anti G-20. Quelques jours avant le sommet du G-20, le Toronto Star a révélé l'existence d'une règle réclamée par le chef de police de Toronto, Bill Blair, adoptée en catimini en date du deux juin par l'assemblée législative ontarienne, permettant aux policiers d'arrêter quiconque s'approchait à cinq mètres ou moins de la barrière de sécurité et refusait de s'identifier. Tout contrevenant était passible de deux mois de prison ou 500 $ d'amende. On rapporte qu'un seul homme a été arrêté pour avoir transgressé ce règlement inusité pendant la tenue du G-20.
Lors des manifestations pacifiques qui ont été très mal représentées ou couvertes d'une manière très superficielle par les médias de masse lors de ce sommet du G-20, des sources nombreuses diffusent depuis quelques jours des fichiers photographiques et des vidéos sur internet qui rapportent assez éloquemment certains cas flagrants de brutalité policière pendant ce sommet à sécurité maximum. On y voit des charges sans provocations, des arrestations improvisées et des témoignages de détention par groupes entassés dans des cellules de prisons construites pour les circonstances. Plus de 900 personnes avaient été arrêtées lors des manifestations qui ont ponctué le G-20.
Les médias canadiens et américains se sont concentrés sur les quelques manifestants vêtus de noir qui avaient fracassé quelques vitrines. Ces médias se sont également attardés sur deux ou trois véhicules policiers qui ont été incendiés par le même type de manifestant. Ces quelques événements de casse ont été pas mal ignorés par les médias des autres pays. Ce grabuge somme toute mineur a été rapporté répétitivement dans les médias de l'Amérique du Nord pendant et après le sommet du G-20.
Par ailleurs, le gouvernement d'Ottawa ne s'est jamais gêné quand venait le temps de violer les droits individuels et collectifs des Québécoises et des Québécois. L'histoire de notre peuple en est jalonnée de multiples exemples. Entre autres, on se souvient que l'état policier canadian a cédé à la panique en octobre 1970, faisant adopter sa loi des mesures de guerre, ce qui a mené à une invasion militaire du Québec, à des milliers de perquisitions improvisées et à l'arrestation de 500 personnes reconnues pour leurs opinions politiques d'affirmation majoritaire, détenues pendant des mois pour être finalement relâchées sans que des accusations ne soient portées contre elles.
Le Canada se targue d'être un État de droit en se pétant les bretelles avec sa charte multiculturelle alambiquée. Ce serait plus précis de définir le Canada comme un état policier en temps normal et un état militaire en temps de crise. Surtout quand on l'évalue de notre terrain, qui est celui du Québec.
Avant d'aspirer à être solidaire avec d'autres peuples, un peuple doit s'être proclamé souverain, se définir par sa culture, s'affirmer dans sa langue et ce, sur un territoire avec des frontières reconnues.
Également, comme devoir de mémoire, nous nous devons d'être fidèles à l'héritage de nos ancêtres et c'est à cette condition de souveraineté propice à l'articulation d'une voix nationale unie qu'on peut envisager la solidarité entre les peuples qui ne peuvent s'épanouir harmonieusement qu'entre peuples souverains, de fait et de droit. Sans souveraineté affirmée, la solidarité avec d'autres peuples demeure un vœu pieu.
Daniel Sénéchal
Montréal
P.S. Texte transmis aux journaux Le Devoir et La Presse.
Auteur : Daniel Sénéchal


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3 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juillet 2010

    Vous commençez à saisir le jeu, M. Sénéchal.
    Les "manifestants pacifiques" à Toronto ont été manipulés.
    Les "anarchistes casseurs" sont de conivence avec les autorités policières et tout était préparé pour justifier l'attaque contre les innocents pacifistes. C'est un spectacle essentiellement de manipulation de l'opinion public afin d'entretenir l'illusion que l'oligarchie est fasciste et que la gauche libérale est l'opposition pacifiste.
    En fait, l'oligarchie est communiste et les groupes de la gauche libérale servent leur plan (inconsciemment pour la pluspart des membres).
    C'est pourquoi la gauche libérale a le même discours idéologique que l'oligarchie (mondialisation, cosmopolitisme, ouverture sur le monde, anti-racisme, pro-immigration, laïcisme, anti-nationalisme, etc...). Ce sont en fait les porte-parole "crédibles" de l'oligarchie internationale.
    Lorsqu'on est conscient de ça, on commence à voir les contradictions dans le discours de cette gauche libérale. Par exemple dans les témoignages des victimes de Toronto qui font une référence constante aux nazis pour fasciser l'État. David Ker Thomson ira même jusqu'à évoquer le rôle courageux de sa mère au service de l'Empire britannique contre les nazis !
    "We went up Devonshire near the Munk Centre, past the meteorological building where during the war my mother did work to help England fight the Nazis" (Ker Thomson)
    C'est pourtant l'Empire btitannique qui a préparé et déclarer la guerre contre l'Allemagne et a tout fait pour l'escalader en guerre mondiale. Exactement comme se prépare à le faire aujourd'hui l'Empire américain.
    Même contradiction dans la demande de Québec Solidaire pour boycotter Québec-Israel mais qui en même temps légitimise le droit à l'État sioniste raciste d'exister !
    Pensez-y bien. La meilleure stratégie pour discréditer cette dépense obscène en sécurité à Toronto n'était-elle pas de s'abstenir de la justifier en ne s'y présentant pas ?
    Qu'avons-nous appris sur cette oligarchie ? Rien. Toute l'attention est sur l'État fédéral fasciste et ses policiers et les organisations de gauche libérale. C'est à dire la politique locale.
    Les oligarches se retirent comme ils sont venus.
    C'est la technique de la poudre aux yeux.

  • Archives de Vigile Répondre

    2 juillet 2010

    Notre ouverture au monde comme pays francophone est l'unique raison rentable qui peut soutenir l'importance de notre décolonisation et notre indépendance .
    contrairement à la propagande des fédéralistes le monde n'est pas anglophone mais est à 90% non anglophone . Même les Amériques sont majoritairement non anglophones.
    vive le Québec libre et ouvert sur le monde

  • Florent Marquis Répondre

    2 juillet 2010

    La principale faille dans l'argumentation de Mme de Margerie est qu'elle ne fait aucun lien entre le pillage des peuples qu'elle dénonce et la démission de leurs États devant l'oligarchie mondiale qui organise ce pillage systématique. Sans État pour s'opposer aux volontés de l'oligarchie, les peuples ne sont que des individus sans défense. Et ce ne sont pas les poignées d'individus qui s'organisent et manifestent dans les sommets du G8 ou du G20 qui vont pouvoir compenser pour la démission complice de ceux qui ont été élus pour défendre nos intérêts. Jacques Parizeau, à mon avis le seul Chef d'État que le Québec ait connu depuis des décennies, a souvent appelé à un renforcement de l'État pour faire contrepoids à la mondialisation. Malheureusement, la seule chose que bien des gens vont retenir de l'oeuvre de M. Parizeau, c'est sa déclaration malheureuse le soir du référendum de 1995.
    Florent Marquis
    Québec