Réplique au professeur Christian Agbobli et à son article « Quand la radicalisation n’est pas celle qu’on attendait », 8 février 2017.
L'article de mon collègue et ami le professeur Christian Agbobli m’a interpellé. […] Ma vision du Canada et du Québec est claire. Et l’exprimer haut et fort ne signifie pas que je sois intolérant, raciste et islamophobe. Je suis fier du Canada et du Québec, et j’estime que notre société est accueillante, ouverte, tolérante et soucieuse des préoccupations des nouveaux arrivants et des communautés culturelles. Certes, nous devons faire mieux car, oui, le racisme, la discrimination, le profilage et l’islamophobie existent bel et bien, mais penser que le Québec entretient le « racisme systémique » est pour le moins… Comment dire ? Surprenant ? Si tel est le cas, comment devons-nous qualifier d’autres sociétés au nord comme au sud ?
Et assez de rectitude politique ! Nous sommes ici aussi, et j’inclus dans ce « nous » toutes les communautés culturelles du Québec. D’emblée, « certains » nouveaux arrivants et « certains » représentants des communautés culturelles, et je dis bien « certains », doivent comprendre que le Québec est une société distincte au sein du Canada (un régime fédéral), que celle-ci rejette en grande partie le retour du religieux, que bien des femmes, qui ont lutté pour l’émancipation et l’égalité entre les hommes et les femmes, ont des difficultés viscérales avec le voile islamique et que d’autres encore associent ce voile à un symbole d’asservissement, comme c’est le cas dans bien des pays, notamment en Afghanistan et en Irak, et que, pour beaucoup, femmes et hommes, le voile intégral et la burka sortent tout droit de l’obscurantisme.
La nuance est de rigueur des deux côtés
[…] Par quelle étrangeté le premier ministre du Canada a-t-il accepté que ses ministres se voilent et se rendent au deuxième étage d’une mosquée au Canada, là où les femmes et les enfants doivent se regrouper pour prier ? Et nous devrions rester muets, par respect, pour… la ségrégation ? Par quelle étrangeté, encore, le premier ministre du Québec peut-il concevoir que le voile intégral et la burka soient des vêtements « féminins » neutres ?
J’aimerais rappeler que l’horreur survenue à la mosquée de Québec ne peut être attribuée à tous les Québécois, tout comme les actes de barbarie du groupe État islamique ou des islamistes radicaux ne peuvent être attribués à tous les musulmans. La nuance est de rigueur des deux côtés. […]
Mon ami Christian fait référence à la charte de la laïcité. Je rappelle que cette charte visait à assurer la neutralité de l’État en matière religieuse et non à légiférer contre le port de signes ostentatoires en société. Non, la charte ne demandait pas aux musulmans, aux chrétiens, ni à qui que ce soit d’ailleurs, de se départir de tout signe religieux dans l’espace public, mais bien de le faire en tant que fonctionnaire ou employé de l’État. Et pourquoi pas ?
Le Québec a depuis longtemps délaissé la religion… Il a même déconfessionnalisé ses écoles. Pourquoi revenir dans le passé ? Roger Tassé, ancien sous-ministre et considéré comme l’un des architectes de la Charte des droits et libertés canadienne, a très clairement dit que « la charte de la laïcité interdit simplement le port de signes religieux » (Le Devoir, 31 décembre 2013) et énoncé « que le gouvernement québécois peut légitimement espérer que sa charte des valeurs sorte gagnante d’un “combat des Chartes” si elle était contestée » (ici.radio-canada.ca, 29 décembre 2013). Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, ne pourra plus réciter de prière avant la rencontre du conseil municipal car cette pratique, selon la Cour suprême du Canada, porte atteinte au « principe de neutralité religieuse de l’État » (Le Devoir, 12 février 2017). Peut-on m’expliquer pourquoi les Québécois, dans leur grande majorité, devraient se plier aux désirs du maire ou de « certains » qui ne veulent pas retirer leur signe religieux pendant les heures de travail ? Qui fait preuve d’intransigeance ici ?
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