QUÉBEC – Après avoir épuisé ses recours judiciaires, Yves Michaud, aujourd’hui âgé de 86 ans, en appelle à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Il estime que la motion de blâme adoptée contre lui en l’an 2000 constitue une atteinte grave à ses droits fondamentaux.
L'avocat du groupe Solidarité Yves Michaud, Me François Côté, a déposé son argumentaire à la commission lundi. Une réponse est attendue au courant de la semaine.
Le 14 décembre 2000, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité une motion condamnant des propos d’Yves Michaud jugés antisémites. Toutefois, le vote a eu lieu dans la précipitation, sans que les élus aient reçu une copie des propos d’Yves Michaud et sans que celui-ci ait eu l’occasion de se défendre. Une cinquantaine d’élus de l’époque ont depuis exprimé leur regret d’avoir adopté la motion.
«D'emblée, nous soumettons respectueusement à la Commission que, nonobstant les privilèges parlementaires protégeant les propos des députés de l'Assemblée nationale et ses règles de procédure, plaçant ces derniers a priori au-delà de tout contrôle judiciaire, d'un point de vue objectif, la motion du 14 décembre 2000 a effectivement porté atteinte grave aux droits fondamentaux d'Yves Michaud», peut-on lire dans l’argumentaire dont Le Huffington Post Québec a obtenu copie.
«Nous affirmons aussi que cette motion n'avait aucun fondement factuel et qu'elle a ainsi au surplus enfreint le droit fondamental d'Yves Michaud au respect de sa dignité, de son honneur et de sa réputation», poursuit Me François Côté.
En refusant d’entendre Yves Michaud avant d’adopter la motion, l’Assemblée nationale a contrevenu à la Charte des droits et libertés de la personne, qui garantit le droit à une «audition publique et impartiale de sa cause par un tribunal indépendant», estime l’auteur.
Bien que l’Assemblée nationale ne soit pas un tribunal, elle a enfreint un «principe de droit», précise-t-il.
Le document plaide également que la motion a nié le droit d’Yves Michaud à la «sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation», tel que prévu par la Charte.
L'auteur formule trois «recommandations», soit : demander des excuses officielles à l’Assemblée nationale, modifier le règlement pour qu’une telle motion ne puisse être à nouveau adoptée sans entendre au préalable la personne visée, et inviter l’Assemblée nationale et les élus de l’époque à verser volontairement une compensation à Yves Michaud. Dans ce dernier cas, Yves Michaud s'engage à verser les fonds à un organisme de bienfaisance.
15 ans de bataille judiciaire
Yves Michaud tente depuis quinze ans de laver sa réputation de cette «motion scélérate», comme il l’a déjà qualifiée.
Il a été débouté par la Cour supérieure en 2005, puis la Cour d’appel en 2006, qui ont jugé que l’Assemblée nationale avait le droit d’adopter la motion. La Cour suprême a refusé de l’entendre.
Comme le rapportait le quotidien Le Devoir en décembre dernier, Solidarité Yves Michaud envisage également de porter sa plainte devant le Conseil des droits de l'homme de l'ONU.
Les propos reprochés à Yves Michaud ont été prononcés lors des États généraux de la langue française, le 13 décembre 2000.
En voici le passage principal :«Mes propres concitoyens devraient suivre l'exemple de ce que le chanoine Groulx disait à propos du peuple juif. Le chanoine Groulx disait et nous invitait, et je le cite, ‘’à posséder, comme les Juifs, leur âpre volonté de survivance, leur invincible esprit de solidarité, leur impérissable armature morale’’.
Et l'historien donnait alors l'exemple du peuple juif comme modèle à suivre pour que les Québécois affirment leur propre identité nationale et assument, et assument pleinement, l'héritage de leur histoire, ajoutant que l'antisémitisme était ‘’une attitude antichrétienne et que les chrétiens sont, en un sens, spirituellement des Sémites’’. Fin de la citation.
Ce chanoine Groulx, qui est un des maîtres à penser de deux générations de Québécois et dont on a voulu débaptiser la station Lionel-Groulx il y a quelques années, sans doute pour la remplacer par station Mordecai-Richler, le boulevard René-Lévesque par le boulevard, sans doute, Ariel Sharon, la Place Jacques-Cartier par la Place Galganov, et ainsi de suite.
C'est un peu satirique, c'est en boutade un peu que je dis cela, mais je pense qu'il en est qui exagèrent et qui poussent le bouchon un peu trop loin.»
Quelques jours auparavant, il avait également déclaré à propos du peuple juif lors d’une entrevue à la station de radio CKAC : «Ce n'est jamais pareil pour eux. Alors j'ai dit: ce n'est pas pareil? Les Arméniens n'ont pas souffert, les Palestiniens ne souffrent pas, les Rwandais ne souffrent pas ? J'ai dit: c'est toujours vous autres. Vous êtes le seul peuple au monde qui avez souffert dans l'histoire de l'humanité».
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