Montréal et la patente à gosses

Montréal, métropole culturelle


Les interventions du gouvernement Charest, depuis son arrivée au pouvoir, en 2003, ont eu un effet désastreux pour Montréal. Et ont contribué à rendre la métropole encore plus éclatée et encore plus ingérable.

Les libéraux ont rouvert le déchirant débat sur les fusions municipales. Ils ont déclenché des référendums, qui se sont soldés par le départ de 14 petites municipalités de l'île. Comme on pouvait s'y attendre, les relations sont depuis très difficiles entre la ville-centre et ces 14 autres villes de l'île, et les pathétiques efforts pour trouver des mécanismes qui leur permettraient de travailler ensemble n'ont pas donné de résultats.
Le gouvernement Charest a fait un pas de plus, hier, pour rendre ce monstre bureaucratique encore un peu plus monstrueux, en ajoutant une autre structure, un secrétariat d'agglomération, une véritable patente à gosses qui accroîtra la division et la paralysie.
Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, en était venu à la conclusion qu'il fallait, pour simplifier la gouvernance, abolir le conseil d'agglomération, cette instance supra-municipale où se rencontrent les élus de Montréal et des 14 municipalités, pour traiter des sujets qui touchent toute l'île, le transport, les équipements communs. À l'inverse, les 14 petites villes se plaignaient du Conseil et l'ont même boycotté, parce qu'elles s'y sentaient écrasées par la grosse ville.
Au lieu d'abolir le conseil, le gouvernement lui ajoute un appendice qui le rendra encore plus dysfonctionnel. Dans le projet le loi 22 déposé hier, la ministre des Affaires municipales et des Régions, Nathalie Normandeau, précise que ce secrétariat d'agglomération n'est pas une instance décisionnelle, mais une sorte d'organisme consultatif qui peut commander des études et des recherches, amorcer des débats au conseil d'agglomération.
Dans sa première mouture, le projet de loi prévoyait que, dans ce Secrétariat de cinq membres, trois proviendraient des villes de banlieues, qui seraient donc majoritaires. Cet élément a heureusement été retiré à la dernière minute et sera soumis à une consultation prévue pour l'automne.
Villes défusionnées
Mais il est clair qu'avec ce secrétariat, la balance penche un peu plus en faveur des villes défusionnées. Et que la ministre exprime un évident préjugé favorable à leur égard. On cherche à comprendre pourquoi le gouvernement donnerait la majorité dans une instance commune à des villes qui ne représentent que 13% de la population. Cela échappe tellement à toute cohérence économique, administrative ou démocratique qu'il est difficile de ne pas y voir un simple calcul politique d'un gouvernement dont le bastion se retrouve justement dans l'ouest de l'île où se concentrent les champions des défusions.
Ce n'est pas un débat théorique. Avec tout ce raboudinage administratif, la cohésion si nécessaire pour le succès d'une métropole est difficile à trouver, sa capacité de décider et d'agir est sans cesse compromise. Et ce secrétariat, en donnant plus de pouvoir aux petites villes, risque d'empirer les choses.
Au delà des calculs politiques, le préjugé favorable du gouvernement libéral envers les villes défusionnées repose sur des prémisses fausses. Ce dont elles se plaignent maintenant faisait partie des règles du jeu. On peut comprendre pourquoi des villes, surtout anglophones, ont voulu défusionner. Pour ne pas perdre leur identité, pour garder le seul outil de représentation politique qui leur reste, pour préserver leur vie communautaire. C'est dommage, mais c'est légitime. Mais, dès le départ, il était clair qu'il y avait un prix à payer.
En choisissant d'être autonomes et de quitter la grande ville, ces municipalités acceptaient, par définition, d'être petites. Avec ce que cela comporte, c'est-à-dire une perte d'influence sur les décisions de la grande ville que l'on a quitté, et l'absence de rapport de forces par rapport à la ville centrale qui compte 87% de la population. C'était un choix, qu'il faut assumer, et c'est ce que les libéraux devraient leur rappeler.
Au lieu de cela, le gouvernement Charest s'est livré à un jeu de marchandage vraiment «cheap» envers Montréal et le maire Tremblay. On lui donne le pouvoir habilitant qu'il demandait, c'est-à-dire le droit de taxer dans plusieurs champs, mais ce droit est inclus dans le même projet de loi qui lui impose des structures qui défavorisent la ville-centre.
Tous ces gestes ont un coût: ils compromettent le développement d'une métropole sans laquelle le succès du Québec ne sera pas possible. Et cela mène encore une fois à constater qu'il semble y avoir un blocage au sein du gouvernement Charest, une incompréhension de ce qui est la dynamique d'une grande ville et une incapacité pathologique à soutenir correctement la métropole du Québec.


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