De la recherche à l'université? Certainement! Toutes les recherches? C'est à voir. On constate un virage de l'université qui l'amène à se définir en relation plus étroite avec la société qui l'accueille.
Ils et elles sont de toutes les tribunes. Il ne se produit pas une crise sans qu'on les voie débarquer dans leur rôle d'analystes: ce sont les universitaires chercheurs, avec ou sans chaire de recherche à la clé. Une guerre quelque part, et les voilà normalement, sauf sur certains canaux télévisuels populaires qui, décidant de faire «big», copient nos voisins du sud et donnent la parole à quelque militaire à la retraite. Pour le reste, en politique, en santé, lors d'une découverte, on les retrouve à l'autre bout du micro.
On pourrait se demander si, pour l'une ou l'autre de ces vedettes instantanées, il y a place pour l'enseignement dans leur tâche de travail! À coup sûr, ils sont cependant fort utiles pour donner l'heure juste, en ayant des points de vue qui vont plus loin que le «moi là, je...».
Réorientation
Ainsi, parlons-nous d'universités que nous découvrons que les secteurs de recherche y sont prioritaires. Et les tableaux de classement, dont se gaussent les institutions qui y figurent en bonne place, sont d'ailleurs établis en bonne partie en se fondant sur la part accordée à la recherche, et les crédits qui y sont consacrés.
Ainsi Concordia, l'université montréalaise, se réoriente. «Jusqu'à récemment, l'université ne s'était pas donné d'outils cohérents pour encourager la recherche, souligne ainsi Louise Dandurand, vice-rectrice à la recherche et aux études supérieures, à son cinquième semestre en poste. C'est ce que j'ai fait depuis mon entrée en fonction. J'ai travaillé à mettre en place une panoplie de programmes d'encouragement et d'aide à la recherche. Avec l'évolution de l'université a émergé une intensité de recherche tout à fait nouvelle. Il s'en faisait déjà il y a quelques années, mais il n'y avait pas une aussi grande volonté institutionnelle de l'appuyer, de la structurer, de l'encourager et de la mettre en valeur.»
Valeur ajoutée
Et ce qui se passe dans cette institution se retrouve ailleurs, même à Bishop, l'université à l'origine anglophone de Sherbrooke, qui pourtant n'a que des programmes de premier cycle à offrir à ses 2000 étudiants. La politique d'embauche favorise ainsi quiconque se déclare professeur-chercheur et dont l'autorité est suffisante pour recevoir un appui financier venant d'un organisme subventionnaire, que ce dernier soit public ou privé.
Et la recherche permet même d'ajouter à la panoplie de programmes qu'une université propose. Il n'y a pas de médecine ou de génie à l'UQAM, qu'à cela ne tienne! NanoQAM débarque et ce centre de recherche sur les nanomatériaux et l'énergie compte déjà quatre laboratoires, utilise des équipements dont la valeur avoisine les huit millions de dollars, abrite onze professeurs, dont sept ont été embauchés récemment. Et la recherche s'opère sur ces nanomatériaux qui sont utiles dans la lutte contre le cancer ou nécessaires dans la recherche de nouvelles sources d'énergie.
En fait, l'université et l'école spécialisée s'affichent comme des lieux «utiles». Si certains professeurs avaient exprimé leurs doutes quand fut créée l'ETS, l'École de technologie supérieure, au point que l'UQAM n'avait pas vu l'intérêt d'accueillir cette institution dans son giron quand celle-ci était en difficulté quelques années après sa création, il est certain que plus d'un recteur a par la suite regretté une telle décision. L'ETS, qui se déclare un partenaire du monde industriel, est devenue un modèle dans l'établissement d'un projet qui lie université et recherche. À Toronto, le Ryerson Polytechnical Institute jouit d'une même renommée.
Pratique et «pratique»
On dira qu'une telle attitude vaut surtout pour les écoles techniques. Mais attention, l'utilitaire a aujourd'hui la cote. Revenons vers le cégep, là où les programmes en philosophie se veulent de plus axés sur des contenus éthiques: la Société d'assurance automobile du Québec se réjouissait ainsi de voir qu'un cours, le quatrième du cursus obligatoire au niveau collégial, insistait sur la relation quotidienne de l'«être» avec ses obligations civiles.
Et l'université fait sienne une telle démarche. Les propos d'Alain Létourneau, directeur du département de philosophie de l'Université de Sherbrooke, démontrent même que des secteurs que l'on croyait ésotériques deviennent de plus en plus terre à terre. S'il s'interroge: «La question que l'on doit se poser est la suivante: avons-nous besoin d'une autre thèse sur Emmanuel Kant?», il semblerait que la réponse soit «non», car «nous essayons de travailler aujourd'hui en éthique sur des terrains concrets, explique ce professeur, et de réfléchir sur des secteurs de pratiques et d'actions. Par exemple, nous avons une recherche qui porte sur l'éthique de l'accompagnement thérapeutique en fin de vie et une autre sur l'éthique de l'enquête en cas de harcèlement sexuel.»
Et la «caverne» comme le monde des idées d'un Platon sont ainsi mis dans l'ombre au même moment où l'université McGill s'interroge sur la nécessité de maintenir des programmes dont le contenu serait le grec ancien. En fait, quand les universités manquent d'argent -- et c'est après 400 millions que les institutions québécoises courent --, plus d'un programme subit une évaluation portant sur sa pertinence. À l'UQAM, le recteur Corbo s'est ainsi demandé s'il ne fallait pas se retirer, au propre et au figuré, de la danse.
L'avenir des universités, au moment où une baisse des inscriptions est annoncée, serait donc assuré par la mise en place de programmes de recherche. On ajoute ainsi des revenus et, surtout, on conserve intra muros des cohortes qui autrefois se seraient retrouvées, une fois diplômées, ailleurs.
Un étudiant qui poursuit des études postdoctorales ne vaut-il pas, en calcul élève-année, quatre, voire cinq étudiants dont les études se concluent par l'obtention d'un simple baccalauréat?
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L'utilitaire a aujourd'hui la cote
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