Marche contre l'islamophobie : l'insoutenable légèreté de la gauche avec les réseaux de l'islam politique

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La gauche suivra les changements démographiques : elle sera de plus en plus soumise à l'islam

Nader Abou Anas, prédicateur salafiste qui jugeait il y a quelques années que "les femmes vertueuses sont obéissantes à leur mari" et justifiait le viol conjugal - on nous assure qu'il a depuis changé d'avis sur la question - ne sera pas présent, ce dimanche 10 novembre, à la "marche contre l'islamophobie". Il a annulé sa venue devant l'exhumation de ses éructations. Mais les manifestants qui défileront de la Gare du Nord à la place de la Nation seront tout de même en bonne compagnie. Parmi les signataires de la tribune à l'origine de la marche, on trouve par exemple Rachid Eljay, ex-imam de Brest qui demandait en 2015 aux enfants de ne pas écouter de musique sous peine d'être changés en singes et en porcs, et justifiait lui aussi le viol des femmes "sans honneur" (comprendre : celles qui sortent de chez elles sans hijab). Lui aussi est paraît-il devenu doux comme un agneau.


Voilà Eljay Rachid (Imam, conférencier)qui justifiait le viol de femmes non-voilées!

le prêcheur aux côtés de qui vont défiler bras dessous bras dessus LFI, le PCF, EELV, LA CGT et consorts , avec qui ils ont co signé la tribune contre l'islamophobie Dimanche prochain: pic.twitter.com/hNvOee9Pfd

— Waleed Al-husseini (@W_Alhusseini) November 6, 2019


Mais est-ce le cas d'Elias d'Imlazène, fondateur du site salafiste Islam & Info, fiché S qui recommande aux musulmans de retirer leurs enfants de l'école publique ? De Nabil Ennasri, admirateur du théologien phare des Frères musulmans et animateur des "journées de retrait de l'école" contre la "théorie du genre" en 2014 ? D'Ismahane Chouder, militante pro-voile, anti-IVG et représentante d'un mouvement islamiste au Maroc ? De Chakil Omarjee, prédicateur fondamentaliste pour qui "le modèle parfait pour les sociétés futures sont les femmes en hijab" ? De Feïza Ben Mohamed, activiste partisane farouche de l'islamiste Erdogan ? On pourrait continuer la liste longtemps. Contrairement à ce qu'ont écrit certains confrères, la polémique autour des signataires est très loin de se résumer au cas de Nader Abou Anas.


Et encore, on oublie de mentionner l'habituel aréopage d'universitaires et militants indigénistes, qui justifient de pousser les musulmans à revendiquer une vision fondamentaliste de leur religion au nom de la "lutte des races". Eux ont évidemment signé la tribune, ils sont à leur aise avec les islamistes. Le Parti des Indigènes de la République, par la voix de sa porte-parole Houria Bouteldja, a indiqué qu'il soutenait la marche et serait présent le 10, même s'il a été exclu des signataires. Mais que font les nombreux hommes et femmes politiques de gauche dans cette galère ?


Leur participation n'est pas anodine. Olivier Besancenot, du NPA, Benoît Hamon de Génération.s, Elsa Faucillon, Stéphane Peu et Ian Brossat du PCF, Yannick Jadot, Esther Benbassa et David Cormand d'EELV, mais également Lutte Ouvrière, Jean-Luc Mélenchon et tous les députés de la France insoumise - c'est une nouveauté - ont signé le texte. L'appel ne se contente pas de compter de nombreux islamistes parmi ses signataires. Il est également initiée par eux : le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF) et la plateforme L.E.S. Musulmans (contrôlée par l'ex-dirigeant du CCIF Marwan Muhammad), sont deux organes étroitement liés aux Frères musulmans. Ils sont à l'origine de la tribune et de la marche. Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis acquis aux thèses indigénistes, ainsi que Taha Bouhafs, jeune journaliste et militant, ont fait le trait d'union entre le monde de la gauche pétitionnaire et celui des associations fréristes. Symbole important, l'association Musulmans de France, l'ex-UOIF, appendice principal des Frères musulmans en France, a appelé à participer à la marche ce 10 novembre. La tenue d'un "rassemblement majeur contre l'islamophobie, réunissant toutes les bonnes volontés" est le treizième point du "plan de lutte" de l'organisation L.E.S. Musulmans.


Sur le fond également, la signature massive de la gauche pose question. Le texte reste prudent et évacue le débat autour du terme "islamophobie" en indiquant qu'il "ne s’agit plus ici de débats d’idées ou de critique des religions mais d’une forme de racisme explicite qui vise des personnes en raison de leur foi". Mais il évoque tout de même, après la mention de l'attentat de Bayonne et de l'incident du conseil régional en Bourgogne, des "lois liberticides" visant les musulmans. Sans éviter la victimisation, la tribune parle également de "criminalisation pure et simple de la pratique religieuse", de "délations abusives jusqu’au plus haut niveau de l’Etat contre des musulmans", et semble s'insurger contre les licenciements de salariés convaincus de radicalisation religieuse.


Depuis la publication de l'appel le 1er novembre, c'est comme si nombre de responsables de gauche découvraient le contenu du texte autant que ses signataires. Ils s'embourbent dans des justifications plus ou moins alambiquées. Les députés LFI Adrien Quatennens et Alexis Corbière ont ainsi indiqué qu'ils pensaient que l'appel venait de la Ligue des droits de l'homme, le premier déclarant qu'un texte rédigé par LFI "n'aurait pas été le même". Yannick Jadot, lui, affirme qu'il "ne valide pas l'ensemble du texte" qui aurait "très mal circulé" mais "sa philosophie". Aucun de ceux-là ne marchera dimanche, malgré leur signature de la tribune. Tout comme François Ruffin : sur France Inter, le député Insoumis a raconté qu'il "mangeait des gaufres avec [ses] enfants" quand il a pris connaissance de l'appel, et qu'il n'irait pas à la manifestation car il "joue au foot" à ce moment-là !


Sur Inter, Ruffin n’assume pas sa signature de l’appel controversé contre l’islamophobie (il l’aurait signé distraitement : « Je mangeais des gaufres avec mes enfants ») et explique qu'il n'ira pas à la manif dimanche : "Pas mon truc. Je joue au foot, comme tous les dimanches" pic.twitter.com/2keTc33RQq

— Pascal Riché (@pascalriche) November 6, 2019


David Cormand, lui, sera en Finlande. Quant à la militante féministe Caroline De Haas, elle a demandé à retirer sa signature "parce qu’il y a dans cette listes des personnes qui ont tenu des propos d’une violence sidérante à l’encontre des femmes" mais… sera présente au rassemblement. Bref, entre ceux qui signent sans marcher et ceux qui marchent sans signer, la cacophonie est patente. Seul le Parti socialiste a été clair sur le sujet, en refusant de s'associer "à certains des initiateurs de l'appel" tout en rejetant les "mots d'ordre qui présentent les lois laïques en vigueur comme 'liberticides'". La formation d'Olivier Faure tente de mettre sur pied une manifestation alternative "contre la haine des musulmans".


1/3 Le bureau national du PS condamne unanimement l’attentat de #Bayonne ainsi que toutes les formes de haine vis-a-vis de nos concitoyens de confession #musulmane. Nous condamnons toutes celles et tous ceux qui arment par leurs discours la haine à leur encontre. pic.twitter.com/aWIAUTaqfF

— Parti socialiste (@partisocialiste) November 6, 2019


Certains assument plus que d'autres leur participation, ceci dit. C'est notamment le cas de Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de la France insoumise. La signature du député de Marseille et de l'intégralité du groupe parlementaire LFI a constitué une surprise : le mouvement est connu pour son attachement à la laïcité et a connu une polémique cet été mettant en lumière son refus d'utiliser l'ambigu terme "islamophobie". En 2015, Mélenchon rejetait explicitement le concept, prononçant même un vibrant hommage à Charb, son ami journaliste à Charlie Hebdo qui avait dénoncé les "escrocs de l'islamophobie". En 2010, il estimait dans un entretien pour Marianne que "le mouvement ouvrier [avait] toujours payé le passage à la religion et à l'ostentation", qualifiant le voile de "signe de soumission patriarcale". Aujourd'hui, le double candidat à la présidentielle doit se justifier longuement d'avoir signé une tribune aux côtés du CCIF et d'islamistes en tous genres.


Dans une note de blog, il avance plusieurs arguments : tout d'abord le fait qu'il n'y avait "aucune initiative, aucune proposition" de mobilisation contre la "persécution morale, psychologique et physique" des musulmans. Eric Coquerel, député LFI qui a fait le lien entre les Insoumis et les initiateurs de l'appel, utilise la même justification dans une tribune pour Libération : "S’il n’y avait pas eu cet appel pour une marche le 10 novembre, il n’y aurait eu aucune initiative de rassemblement contre cette forme particulière de racisme. Rien !" L'argument paraît un peu court : l'absence de mobilisation organisée n'oblige pas à s'acoquiner avec des adversaires déclarés de la République, pas plus qu'elle n'empêche de monter sur pied sa propre initiative. "Pour ma part je signe un texte pour ce qu’il y a dans le texte et pas en raison de ceux dont je découvre ensuite qu’ils l’ont également signé", balaie Mélenchon, pour qui "il faut savoir faire bloc quand l’essentiel est en jeu".


Répétant leur absence d'appétence pour le terme "islamophobie", les deux Insoumis estiment que le droit de critiquer les religions que souhaitent remettre en cause les islamistes n'est pas l'objet du texte. C'est juste. Ceci dit, la marche impose un peu plus dans le débat public le terme de prédilection des tenants d'un islam politique. Et s'agissant des "lois liberticides", l'esquive des Insoumis est peu convaincante. Mélenchon comme Coquerel invoquent les "lois sur l’état d’urgence qui permettent tous les abus" ou le projet de loi émanant du Sénat sur la neutralité des accompagnateurs de sorties scolaires.


On passera sur le fait que ces deux textes (dont l'un n'est pas une loi et a peu de chances de le devenir) concernent évidemment tous les citoyens et pas que musulmans. Les Insoumis feignent surtout de ne pas voir l'évidence : les "lois liberticides" visées par la tribune sont évidemment la loi de 2004 sur les signes religieux à l'école et celle de 2010 contre le voile intégral, deux textes honnis par les islamistes. Jawad Bachare, le directeur du CCIF, l'a confirmé à BFMTV. Madjid Messaoudene, élu de Saint-Denis à l'initiative de l'appel, a spontanément cité la loi de 2004 auprès de Quotidien.


En dehors de ces justifications, ce que révèle cet épisode est préoccupant pour presque tous les partis de gauche, de ceux qui assument entièrement leur soutien à ceux qui reculent sous la pression médiatique. Comment est-il envisageable, lorsque l'on aspire à gouverner le pays, de méconnaître à ce point le phénomène de l'islamisme que l'on en vient à s'associer au CCIF, l'un de ses principaux promoteurs en France ? Comment est-il possible d'être inconséquent au point de signer un texte évoquant des "lois liberticides" dirigées contre les musulmans avant d'affirmer qu'on ne l'a pas lu avec attention ? La lutte contre le climat de haine et les agressions à l'encontre de nos concitoyens de confession musulmane ne peut pas souffrir de telles approximations. Ces dernières servent avant tout les visées stratégiques des islamistes et de leurs alliés.


Ainsi Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République, a estimé sur Facebook que la marche du 10 novembre était "la preuve de l'éclatante victoire" du PIR, le résultat de "quinze ans de travail en amont pour obtenir ce résultat". Le ralliement de Jean-Luc Mélenchon constitue selon elle "un véritable acte politique". Les Insoumis, qui brandissent leur présence à la marche contre l'antisémitisme en mars 2018 pour s'étonner du tollé provoqué par celle de ce dimanche contre l'islamophobie, auraient justement été bien inspirés de se rappeler de l'échec de la mobilisation d'hommage à Mireille Knoll… en raison de sa politisation communautariste par le Crif.