Commémorations du Débarquement : l'incompréhensible non-invitation de la Russie

B2da251dc33e6a583a829d509f6f545b

Ce sont les tensions actuelles de l'OTAN avec la Russie qui expliquent l'absence de Poutine

Quand la géopolitique contemporaine s'invite dans la mémoire historique. Ce mercredi 5 juin au soir, le 75e anniversaire du Débarquement des Alliés en Normandie était célébré à Portsmouth, dans le sud de l'Angleterre, le port duquel plus de 150.000 soldats ont pris la mer pour attaquer les soldats nazis sur le sol français. Les chefs d'Etat et de gouvernement des pays concernés étaient presque tous là : le président français Emmanuel Macron, les Premiers ministres canadien et australien Justin Trudeau et Scott Morrison, le président américain Donald Trump, la reine d'Angleterre Elizabeth II, la cheffe du gouvernement britannique Theresa May… Presque tous là, car la cérémonie comptait un absent de marque : Vladimir Poutine, le président russe, n'a pas été invité.


Certes, l'URSS n'a pas directement participé au Débarquement du 6 juin. Mais c'est elle qui a payé, et de très loin, le plus lourd tribut durant la Seconde guerre mondiale, qui a vu près de 27 millions de Soviétiques pour combattre l'Allemagne nazie (contre environ 400.000 soldats américains tués). Un sacrifice sans lequel le Débarquement n'aurait probablement pas été possible. Autre élément qui interpelle : alors que Vladimir Poutine n'a pas été convié, Angela Merkel, la Chancelière allemande, était bien présente lors des cérémonies, où elle a signé la déclaration des chefs d'Etat appelant à " faire en sorte que les sacrifices du passé ne soient jamais vains et jamais oubliés". A noter toutefois que la cheffe du gouvernement allemand n'est pas présente ce jeudi 6 juin aux commémorations qui ont lieu en France.


Pourquoi le président russe n'a pas été invité au 75e anniversaire du Débarquement ? L'Elysée, interrogé par le Figaro, élude : "C’est un choix qui a été fait. Il y a eu beaucoup d’occasions et de grandes et belles cérémonies, comme le 11-Novembre". On ajoute que Vladimir Poutine serait uniquement sollicité pour les "années en 4", célébrant les anniversaires en dizaine... Raison qui expliquerait la présence du chef de l'Etat de l'ex-URSS aux cérémonies de juin 2014. Reste que la décision d'oublier la Russie des commémorations a créé un regain de tension diplomatique : la porte-parole diplomatique russe Maria Zakharova a tenu ce mercredi une conférence de presse dans laquelle elle critique une "réécriture catastrophique de l’Histoire", appelant à ne pas "exagérer" l'importance du Débarquement en minimisant l'importance "des efforts titanesques de l’Union soviétique, sans laquelle cette victoire n’existerait tout simplement pas".


Pour Denis Peschanski, historien spécialiste de la Seconde guerre mondiale cité par le Figaro, "l’absence d’invitation [à Vladimir Poutine] est un signe fort qui va à l’encontre de la réalité historique" et constitue "une humiliation pour les peuples russes et anciennement soviétique, compte tenu de l’ampleur des souffrances et de la force de la contribution des troupes soviétiques" à la victoire des Alliés.


Le conflit de mémoire autour du deuxième conflit mondial est bien illustré par un sondage de l'Ifop, demandant aux Français quel pays avait "le plus contribué à la défaite de l'Allemagne en 1945" : juste après la fin de la guerre, 57% répondaient l'URSS, 20% les Etats-Unis et 12% le Royaume-Uni. En 2015, les pourcentages sont inversés avec 54% des Français sondés plaçant les Etats-Unis en tête, contre seulement 23% mettant au premier plan le rôle de l'Union soviétique. Signe que le contexte diplomatique tendu entre les démocraties occidentales et la Russie entache ces commémorations, Vladimir Poutine a lui décidé de remplacer sa présence aux cérémonies du D-Day par une réception officielle du président de la Chine, Xi Jinping.