En permettant à Emmanuel Macron et Marine Le Pen de se qualifier pour le second tour, les Français ont décidé de tourner une page. Ils ont tout d’abord sanctionné les deux grands partis de gouvernement. Benoît Hamon a perdu trois semaines dans des négociations avec Europe-Ecologie et en a récolté le résultat en adoptant le score qui va avec. Aujourd’hui, le PS est en état de mort clinique. Les Républicains ne se portent pas beaucoup mieux : ils se retrouvent aujourd’hui sans tête.
Pendant toute la soirée, les déclarations d’intentions de vote en faveur d’Emmanuel Macron de la part des dignitaires LR se sont succédé.
Seul Laurent Wauquiez a souhaité passer par-dessus le second tour de la présidentielle pour ne voir que les élections législatives, unique moyen pour son parti de survivre, voire même de prendre une revanche rapide. Dans cette optique, il manque un chef. Je m’étais amusé il y a quelques jours à imaginer le retour de Nicolas Sarkozy pour cette occasion dans une politique-fiction. Et si j’avais vu juste ?
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L’échec du PS et de LR dès ce premier tour est aussi celui des primaires. Leurs vainqueurs parviennent à peine à eux deux à réunir un quart des électeurs. Il y a cinq ans, ce système nous avait donné un très mauvais président, nous savons maintenant qu’il peut aussi sélectionner de très mauvais candidats. Echaudée par l’expérience, cette classe politique abandonnera peut-être ce système aussi délétère qu’inefficace et reviendra à une lecture gaullienne de cette élection, celle de la rencontre d’un homme et d’un peuple, au-delà des structures partisanes. Jean-Luc Mélenchon, qui a pratiquement doublé son score de 2012, Emmanuel Macron, qui n’avait même pas de parti politique à son service, et Marine Le Pen, qui avait éliminé le sigle de son parti de tous ses documents de campagne, l’ont compris.
“On est gentils” vs. “On est chez nous”
Ce second tour matérialise-t-il la recomposition attendue depuis des années autour du clivage sur la mondialisation ? C’est en tout cas ce que souhaitent les deux qualifiés du jour. C’est sur cette base qu’ils se sont choisis comme adversaires. Personnellement, je regrette que cette recomposition ne soit pas intervenue plus tôt avec des personnalités moins caricaturales. Après Maastricht, par exemple, ou en 2002 au moment où une candidature avait tenté de faire « turbuler le système ». On a toujours tort d’avoir raison trop tôt disait Edgar Faure. Cette recomposition se produit dans un contexte où la société française est plus que jamais radicalisée. Comme l’a expliqué Henri Guaino pendant des semaines, il n’y a pas de droitisation mais de la radicalisation, dans tous les partis politiques, dans la rue, dans les banlieues et même dans les stades.
Même la candidature d’Emmanuel Macron comporte une forme de radicalisation: j’avançais, il y a quelques jours, qu’il incarnait un « bisounoursisme radicalisé ». Car si les smartphones des « helpers » d’En Marche ! le lui avaient ordonné, l’assistance aurait bien scandé « on est gentils ! ». « On est gentils » versus « on est chez nous », tel est donc le combat radicalisé auquel nous allons assister maintenant. Ceux qui pensent que l’affaire est déjà pliée devraient être prudents. Le scientifique Serge Galam qui avait vu venir les victoires du Brexit et de Trump les a mis en garde récemment. Florian Philippot draguait, hier soir, les électeurs de Mélenchon sur France 2, pendant que Marion Maréchal-Le Pen faisait de même avec ceux de François Fillon sur TF1. Le rêve de Marine Le Pen, reconstituer derrière la France du Non au TCE n’est pas inaccessible. Nicolas Dupont-Aignan lui annoncera peut-être dans quelques jours son soutien, et Jean-Luc Mélenchon refuse, pour l’heure, de donner une consigne de vote. Quant aux électeurs des Républicains, comment pourraient-ils suivre aveuglément les consignes de leur candidat pour le second tour alors qu’on les a conviés à choisir leur candidat pour le premier ? N’assistera-t-on pas à l’occasion à une nouvelle manifestation de la déconnexion des leaders de la droite avec leur électorat, radicalisé lui aussi ? Marine Le Pen en est fort consciente, elle qui a fustigé le candidat de « l’Argent-roi ». Cette bataille n’est pas jouée et pourrait réserver des surprises : la campagne la plus incroyable de la Ve République n’a pas encore livré toutes ses vérités.
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