Libre opinion - Paul Rose enfin libre

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L'ignominie des moyens est venue ternir la noblesse de la finalité

Le 28 décembre 1970 prenait fin la Crise d’octobre, alors que les trois membres en cavale de la cellule Chénier du FLQ étaient arrêtés dans un tunnel qu’ils avaient creusé sous une maison de Saint-Luc-sur-Richelieu. C’est Paul Rose, leader du groupe, qui écopera le plus, avec deux peines d’emprisonnement à vie pour l’enlèvement et le meurtre de Pierre Laporte. C’est aussi lui qui sortira de prison le dernier, en décembre 1982.
Pourtant, en 1971, à l’enquête de coroner et au procès de Francis Simard, il avait été mis en preuve que Paul Rose n’était pas présent à Saint-Hubert au moment de la mort du ministre Laporte. Mais en septembre 1972, la demande d’en appeler à la condamnation pour meurtre logée par Paul Rose sera tout de même rejetée, à trois juges contre deux, sur une question de droit plutôt que sur la valeur des nouveaux faits.
L’absence de Paul Rose les 16 et 17 octobre 1970 lors de la prétendue « exécution » de Laporte sera aussi démontrée lors des audiences de la commission Duchaîne, en 1980. On a même appris en septembre dernier l’existence d’un enregistrement effectué en janvier 1971 par écoute électronique en prison où Jacques Rose confie à l’avocat Robert Lemieux que la mort de Laporte a été accidentelle (Radio-Canada, 24 septembre 2010).
Bien sûr, l’enlèvement et la séquestration de Laporte constituent déjà un crime très grave, sans toutefois justifier l’abjecte promulgation de la Loi sur les mesures de guerre. Mais il demeure que Rose a vécu les 42 dernières années en étant considéré par la justice comme l’assassin de Laporte alors qu’il n’en est rien. Toutes ces années, il aurait pu le clamer haut et fort. Mais par solidarité extrême envers ses complices ou par dogmatisme idéologique, ou les deux, Paul Rose est resté prisonnier de sa propre rhétorique révolutionnaire. Cet entêtement était manifeste le 1er octobre 2010, alors que Radio-Canada diffusait une entrevue accordée à Bernard Derome par un Paul Rose visiblement tendu et nerveux, malgré les quatre décennies écoulées depuis les sombres événements.
« Un accident ? », demande le journaliste. « Ce n’était pas ça l’objectif. […] Ce n’est pas totalement accidentel, c’est certain. Mais ce n’est pas non plus totalement gratuit. […] Jamais au départ on n’avait l’intention d’en finir de cette façon-là », confirme pour une rare fois l’ex-felquiste. « On a fait ça [l’enlèvement] parce qu’on croyait à l’avancement de la société. Alors, peut-être qu’on a fait une erreur. Peut-être. On n’est pas nécessairement à l’abri de toute vérité ou pas. Peut-être. On fait des choix dans la vie. Mais on pourra jamais nous dire qu’on n’a pas essayé », explique Rose, en des mots qui ont des airs de regrets qu’il refuse de s’admettre à lui-même.
Derome tend alors une perche à son invité : « Vous avez payé votre dette à la société. Je crois comprendre que vous vous êtes pardonné à vous-même. » Mais Paul Rose retourne aussitôt dans sa geôle mentale en répondant : « Pour se pardonner, il faut quand même qu’il y ait eu quelque chose à pardonner. Vous comprenez ? Je sais qu’en disant ça, il y a beaucoup de monde qui va sursauter, mais c’est la réalité. » Bernard Derome revient à la charge : « Êtes-vous en paix avec vous-même ? » « Je l’ai toujours été », conclut un Paul Rose non repentant. Il y a bien sûr une bonne part d’instinct de survie dans cette attitude. La forte domination économique et politique vécue par les francophones du Québec de l’époque a clairement été démontrée par la commission Laurendeau-Dunton. Cette situation postcoloniale peut aussi expliquer, sans la justifier, l’émergence d’une telle violence. Mais n’aurait-il pas été temps pour Paul Rose d’admettre avant sa mort qu’en recourant aux enlèvements, le FLQ a franchi une limite qu’il n’aurait pas dû dépasser ? Qu’il a cédé à une impatience excessive qui a nui à la cause qu’il défendait ? N’aurait-il pas été temps pour Paul Rose, sincère militant progressiste, d’être enfin libre ?

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Christian Gagnon138 articles

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CHRISTIAN GAGNON, ing.
_ L’auteur a été président régional du Parti Québécois de Montréal-Centre d’octobre 2002 à décembre 2005





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