Qu’on se retrouve aujourd’hui avec des pénuries possibles de masques médicaux en pleine crise de la COVID-19 n’est pas surprenant.
Le scénario de pandémie mondiale, comme celle qui est en train de tuer des milliers d’êtres humains partout sur la Terre tout en suspendant totalement nos vies et détruisant nos économies, n’a jamais été vraiment pris au sérieux par nos gouvernements.
Citoyens indulgents
Les citoyens ont pourtant tendance à être indulgents. Ils apprécient de voir tous les jours nos élus prendre la crise à bras-le-corps, annoncer des mesures d’aide, offrir leurs condoléances, marteler leurs consignes.
Et c’est évidemment impressionnant. Mais l’indulgence qui en découle conduit plusieurs citoyens à trouver déplacée toute interrogation un peu trop insistante de la part des journalistes.
Pourtant ouvertement désabusés de la politique il y a quelques semaines, les électeurs se muent, en cette période de grave crise, en des défenseurs inconditionnels de leurs « chefs ».
Quand on traverse une zone de turbulence, on veut sans doute croire au leadership : on espère qu’un pilote tient bien les commandes. Que ceux qui questionnent se taisent !
Avertissements
La démocratie n’est pourtant pas un avion ! Et on a le droit d’y poser des questions. C’est la beauté de ce régime fondé sur des contre-pouvoirs.
Or, une question s’impose ces jours-ci : pourquoi le risque de pandémie n’a-t-il pas été davantage pris au sérieux ?
Les avertissements avaient été nombreux. Il faut revoir entre autres les écrits du Conseil mondial de suivi de la préparation, un instrument créé entre autres par l’Organisation mondiale de la santé après l’éclosion de l’Ebola, en 2016. Le but était d’identifier les « lacunes critiques » des systèmes qui auraient à faire face à un épisode du genre.
Dans le premier rapport annuel du Conseil, publié en septembre 2019, il souligne la multiplication des événements épidémiques observés par l’OMS entre 2011 et 2018 : 1483 dans 172 pays. Conclusion : les États ne se préparent pas suffisamment à affronter une pandémie.
Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, répétait depuis des mois que les États consacrent « des milliards de dollars pour se préparer à une attaque terroriste, mais relativement peu d’argent pour se préparer à une attaque virale, qui peut s’avérer bien plus meurtrière et faire des dégâts bien plus grands sur les plans économique, politique et social ».
Menace réelle, le terrorisme a pourtant occasionné des dépenses folles depuis 20 ans. Pensons aux aéroports où des armées d’agents bien payés nous font pratiquement nous dévêtir dans le but de contrer des événements très peu probables : que tel ou tel passager traîne un coupe-ongles létal, une quantité explosive de crème pour les mains, ou encore un talon truqué.
Pendant ce temps, virus et bactéries voyagent librement et aucun vaccin n’a été développé contre le SRAS. On déplace à grands frais des camions bélier partout dans tous les rassemblements, mais on manque de sous pour stocker une quantité suffisante de masques en prévision d’une pandémie.