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Les règles floues de Fitzgibbon

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Le joueur clé des réseaux affairistes libéraux


Ce qu’on veut éviter, justement, c’est ce que dénonce la Vérificatrice générale du Québec dans son rapport sur l’aide d’urgence aux entreprises.


Qu’un fonctionnaire, un élu, un ministre verse de l’argent public à un tiers sur des bases floues, qui ouvrent la porte aux décisions subjectives ou, pire, au copinage.


En même temps, ce qu’on veut éviter, dans une période d’urgence comme celle de 2020, c’est que les règles trop strictes de la machine gouvernementale fassent rater l’objectif ultime, soit la survie des entreprises.


Le contexte devrait donc permettre au ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, et à Investissement Québec de s’en tirer indemnes. En temps normal, les problèmes sérieux soulevés par le VG dans son rapport sur l’aide aux entreprises auraient été inadmissibles. De telles incartades ne passeront pas la prochaine fois…


De quoi s’agit-il au juste ? Dans son rapport déposé mercredi, la VG a constaté que les dossiers de dizaines d’entreprises qui avaient reçu une aide d’urgence ne respectaient pas les critères d’admissibilité rendus publics. Les fonds ont tout de même été avancés parce qu’à l’interne figurait une règle qui prévoyait que les modalités pouvaient « être ajustées par le ministre selon les besoins des dossiers ». Ah bon ?


Dans le contexte des récents reproches formulés par la commissaire à l’éthique de l’Assemblée nationale à Pierre Fitzgibbon, l’arbitraire du programme d’urgence relevé par la VG aurait pu soulever un tollé.


L’aide financière pandémique a été majeure. En tout, des prêts et garanties de prêt ont été accordés à près de 10 000 entreprises par le gouvernement du Québec. Le principal programme, destiné aux moyennes et aux grandes entreprises, s’appelle le PACTE (Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises). Quelque 850 millions de dollars d’aides ont été versés à un millier d’entreprises en vertu du PACTE.





Et dans ce groupe du PACTE, la part du lion a été accordée à 27 entreprises, qui avaient reçu chacune plus de 5 millions au 31 mars 2021, pour un total de 374 millions.




Or, la VG a vérifié 22 des dossiers du PACTE, dont 12 des dossiers majeurs de plus de 5 millions, justement. Résultat : 45 % des 22 dossiers ont été autorisés même si les demandes ne respectaient pas tous les critères d’admissibilité prévus au programme. Bref, près de la moitié des gros dossiers vérifiés ont reçu des fonds sur la base d’une décision arbitraire du ministre Pierre Fitzgibbon.


« Le ministre a autorisé ces 10 prêts sur la base de recommandations produites par [Investissement Québec], en accord avec le ministère de l’Économie. Les analyses recommandaient d’aider ces entreprises jugées stratégiques pour l’économie du Québec », est-il expliqué dans le rapport de la VG.


La VG dit ne pas remettre en question la pertinence de l’attribution de ces prêts parce que ce n’était pas son mandat. Il reste que certains des cas étudiés soulèvent des questions.


Dans le premier des 10 prêts analysés, l’autorisation indique que la demande de l’entreprise, en difficulté, « n’est pas du tout liée à la pandémie » ! Et quelques mois après avoir obtenu le prêt, l’entreprise s’est placée sous la protection de la loi pour éviter la faillite.


Dans un autre cas, un prêt a été accordé par une entreprise qui connaissait de sérieuses difficultés financières trois ans avant la pandémie. Ces difficultés auraient dû l’exclure automatiquement, la crise sanitaire devant avoir provoqué les problèmes d’une entreprise pour qu’elle soit admissible au programme.


Autre exemple : une entreprise de construction présentait un déficit de fonds de roulement de plusieurs millions en février 2020, soit avant la pandémie. Elle frôlait la faillite. « De plus, constate la VG, 75 % des dépenses financées par ce prêt ne sont pas admissibles. Il s’agit d’un projet de construction et d’un remboursement de dette. »


La VG déplore le manque de transparence des règles du PACTE. Pourquoi ? Parce que d’autres entreprises auraient pu présenter des demandes si elles avaient su qu’il n’était pas nécessaire de respecter tous les critères.


Le rapport ne dévoile pas les noms des entreprises qui ont reçu des fonds, mais nous avons obtenu la liste en vertu d’une demande d’accès à l’information demandé par un tiers. La liste englobe tous les prêts, pas seulement ceux qui ont été vérifiés par la VG (voir le tableau des principaux prêts à la fin du texte).


Le deuxième programme d’aide d’urgence passé au crible par la VG concernait les PME auxquelles on a prêté moins de 50 000 $ (Programme d’aide d’urgence aux petites et moyennes entreprises ou PAUPME). Cette aide était accordée après une analyse de chacun des bureaux de la région où se trouvait l’entreprise.


Le hic ? Les critères d’attribution ont été appliqués différemment selon les bureaux régionaux. Dans une des municipalités régionales de comté (MRC) analysées, le taux d’acceptation est de 98 %, contre seulement 65 % dans une autre.


La raison ? Le représentant du premier bureau jugeait qu’il fallait être réactif et flexible, vu l’urgence, tandis que celui du deuxième bureau s’est assuré d’appliquer les directives du programme « de façon stricte et rigoureuse ».


Autre faille : les critères de décision ont été variables selon les régions. Certains bureaux se concentraient principalement sur la situation financière, tandis que d’autres avaient une grille de pointage sur la base de divers critères, dont quelques-uns ont été ajoutés (retombées économiques, rayonnement de l’entreprise, notoriété, etc.).


En réplique aux critiques concernant le PACTE, le ministère de l’Économie juge que son intervention a été un succès. Quant aux critères discrétionnaires du programme – et non publics –, il affirme qu’on a invité les entrepreneurs du Québec à contacter leurs mandataires et promis un accompagnement adapté à leurs situations.


De son côté, Investissement Québec reconnaît qu’on aurait dû inclure dans les critères l’importance stratégique d’une entreprise pour l’économie. Le ministère de l’Économie s’engage à ce que chaque futur dossier soit justifié adéquatement en fonction des normes.




 





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