samedi 15 et dimanche 16 janvier 2005
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«L'intolérance du Québec a encore frappé», s'indignait Ezra Levant, du Calgary Sun, cette semaine. En effet, «le gouvernement libéral du Québec de Jean Charest vient de congédier deux infirmières du Jewish General Hospital parce qu'elles ont échoué à un examen de français écrit». Pourtant, insiste le chroniqueur, «les deux parlaient un excellent français». Elizabeth Davantes et Eulin Gumbs ont travaillé pendant trois ans. Les patients étaient «satisfaits», soutient Levant. À l'hôpital, on les aimait bien. Mais «Charest, cherchant à être plus séparatiste que les séparatistes, avait besoin de quelques boucs émissaires anglophones pour augmenter ses appuis dans l'opinion publique». Sacré Ezra, toujours «le complot pour rire»!
Mais non, le chroniqueur ne rigole pas : en effet, ces deux infirmières devront «quitter le Québec» pour se trouver du travail : elles ont perdu jusqu'à leur «permis de pratique». Or «elles parlaient le français couramment, mais à l'écrit, leur grammaire n'était pas assez bonne pour satisfaire les inquisiteurs de l'Office de la langue Francais [sic] de Charest». («langue Francais» : heureusement pour Levant que les «inquisiteurs» linguistiques ne peuvent pas aller brûler des journalistes du côté du Calgary Sun.)
Évidemment, si cet «acte de bigoterie» avait été perpétré par le Parti québécois ou le Bloc (hein ?), Paul Martin «serait déjà sur un pied de guerre». Mais non, le responsable est Jean Charest, un libéral, alors «Ottawa ne dit pratiquement rien». Et si «un gouvernement d'ailleurs au Canada traitait des infirmières francophones de cette façon ? [...] Ce serait la première nouvelle à la CBC pendant une semaine», soutient le chroniqueur.
Le Canada a un commissaire aux langues officielles qui s'emploie à «embêter quiconque n'utilise pas le français, même dans des situations bizarres». Un exemple ? «Il y a peu de choses aussi étranges, par exemple, que de prendre un vol de Vancouver à Calgary -- sur lequel l'anglais est parlé par la quasi-totalité des passagers, par les Chinois et les autres-- et d'entendre les avertissements faits en français. Aussi, les radios françaises sont subventionnées partout dans les Prairies, où l'allemand et l'ukrainien sont plus souvent parlés que le français.»
Et que donne le Québec en retour ? De l'intolérance ! Et c'est pire lorsque les libéraux sont au pouvoir, affirme Levant, «car il est nécessaire de se rappeler que les pires excès du Québec en matière linguistique ont été le fait des libéraux et non des séparatistes du PQ. La loi 101 d'où découle la règle que Charest applique de façon impitoyable, tout ça, c'est le Parti libéral. [ !] La société distincte aussi, c'était une de leurs idées».
Cette histoire prouve, affirme le chroniqueur, que Charest est vraiment un renégat «car il n'a jamais été populaire auprès des francophones». Il ne doit sa victoire «qu'aux anglophones qui ont dévotement voté libéral». Et le voilà qui condamne deux infirmières anglophones alors que le Québec «en aurait besoin d'au moins 1500 de plus».
Selon Ezra, les «passionnés de la Charte des droits» devraient monter au créneau. En effet, pour procéder au congédiement «inconstitutionnel» de ces infirmières, Charest utilise la clause nonobstant et réduit ainsi les médias au silence. «Pourtant, Stephen Harper a été accablé de reproches pendant la dernière campagne électorale parce qu'il songeait à utiliser cette clause» sur la question du mariage homosexuel. Cela, il ne faudrait pas l'oublier, se fâche Levant, «la prochaine fois que des libéraux, des Québécois ou des libéraux du Québec se permettront de parler de tolérance, de liberté et de clause nonobstant».
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[«We Are tous Québécois»,->490] claironnait The Economist cette semaine. (Permettez cette incursion dans une publication du ROW, le «rest of the world».) En effet, les «Québécois anglophones apprennent à vivre en français et à aimer cette langue», se réjouissait le grand magazine britannique la semaine dernière. La minorité anglophone au Québec était traditionnellement plutôt refermée sur elle-même, dit The Economist. «Ce n'est plus le cas. Aujourd'hui, plus des deux tiers des 750 000 anglophones peuvent aussi parler français, une proportion deux fois plus grande que dans les années 70.» On citait Jack Jedwab, directeur général de l'Association d'études canadiennes, qui a produit un rapport sur la question : «Le stéréotype [de l'anglophone refermé] a évolué. C'était une réalité, ça tient maintenant de l'épouvantail.» Même dans les «ghettos cossus» de l'ouest de Montréal, le français est parlé «presque autant que l'anglais».
Le rapport faisait état de plusieurs autres signes d'intégration. D'abord, parce qu'ils ont appris à parler français plus jeune et mieux, les «anglos» «choisissent fréquemment d'étudier dans des écoles françaises». Conséquence : une explosion de mariages et de concubinages interethniques. Aujourd'hui, 40 % des anglos ont un partenaire non anglophone et un quart d'entre eux ont fréquenté des francophones. Conclusion : les «deux solitudes» sont de moins en moins... seules, et même «les militants anglophones -- baptisés les "angryphones" -- ne semblent plus tellement scandalisés par les efforts du gouvernement provincial pour promouvoir le français». Bien sûr, note The Economist au passage, «quelques causes contre la loi 101 sont encore pendantes».
Cette loi 101, rappelle The Economist, a fait du français un «incitatif économique pour apprendre le français. Sans cet atout, un anglophone court deux fois plus de risques d'être sans emploi; aussi, s'il a un emploi mais n'est pas bilingue, son revenu équivaudra à 65 % de celui de ses collègues bilingues». La loi 101 a aussi entraîné le déclin de plusieurs institutions francophones. Les inscriptions aux écoles anglaises ont chuté de 60 %. Une douzaine ont fermé leurs portes ou sont passées au français. Le seul journal de langue anglaise du Québec, The Gazette, a vu son tirage du samedi chuter de 280 000 exemplaires à 163 000 aujourd'hui. Conclusion : les nationalistes ont gagné et les souverainistes doivent se trouver un autre cheval de bataille. «Avec les tensions linguistiques qui disparaissent, ils devront se trouver une autre cause», dit The Economist en citant la professeure Deirdre Meintel, une anthropologue de l'Université de Montréal. «L'ouverture des anglophones a pour contrepartie moins de chauvinisme francophone, et la société devient plus inclusive.»
Revue de presse
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