La victimisation, ce courant idéologique de notre époque, empoisonne nos sociétés et nos vies.
Limitons-nous ici à la victimisation féminine. Si les femmes sont par nature des victimes, il faut conclure qu’elles sont condamnées à subir leur vie déterminée par leur naissance. En d’autres termes, elles ne possèdent ni le libre arbitre ni la force de briser les chaînes qui les entravent. Elles n’ont ainsi d’avenir qu’à travers leurs bourreaux, car une victime est inexorablement tributaire de son bourreau. Jamais elles ne pourront accéder à l’égalité.
Le féminisme revendicateur qui nous a permis de gagner tant de batailles a été mené par des femmes articulées, combatives, affirmées, des femmes sans peur. Des femmes plus fortes que bien des hommes, qu’elles dominaient psychologiquement et intellectuellement.
Féminisme affaibli
Au Québec, notre féminisme joyeux impressionne les féministes occidentales, les Françaises en particulier. Ma très chère Benoîte Groulx, qui nous admirait tant, se référait constamment à notre façon de nous battre. Hélas, ce féminisme est en train de se liquéfier dans la victimisation.
S’afficher avant tout en tant que victime accorde aux hommes exploiteurs de femmes le pouvoir de nous humilier et de nous abuser. Il faut rompre avec cet héritage millénaire qui fait croire que nous sommes inférieures au sexe fort. C’est une erreur de penser que les femmes ne sont plus dépositaires de cette perception.
Il faut cesser d’excuser les femmes de leur faiblesse devant l’homme tout puissant. Il faut enseigner à nos filles non seulement la fierté d’être fille, mais l’obligation de se battre, de vaincre la peur et la culpabilité afin de vivre dans la jubilation, le plaisir, la séduction qui participent du bonheur au féminin.
Car se victimiser, c’est vivre dans l’inquiétude, la crainte, la honte et l’impuissance. Le « c’est peut-être de ma faute » qui habite tant de femmes sexuellement abusées ou physiquement violentées devrait justifier une campagne de sensibilisation populaire, car il s’agit à vrai dire d’extirper le mal à la racine.
Femmes fortes
À nos petites filles, il faut raconter l’histoire de leurs aïeules qui accouchaient dans les champs et retournaient à la maison, le bébé enveloppé dans leur longue robe, préparer le souper pour toute la famille. Elles étaient des victimes, certes, mais une force les habitait aussi. Les femmes d’antan, plus instruites que leur mari, imposaient leur autorité morale à la maison. C’étaient des battantes à leur manière. Mais il est interdit aujourd’hui de rappeler ce pan de notre histoire.
Les femmes héroïques sont celles de nos ancêtres qui ne se sont pas écrasées. Elles ont affronté la pauvreté, le joug de l’Église et ont rêvé d’un monde meilleur pour leurs descendantes.
Il faut apprendre aux filles à rire plutôt qu’à pleurer, à dominer plutôt qu’à se soumettre. À jouer de leur séduction non pas pour la subir, mais pour en faire une arme de défense contre les hommes grossiers, bêtes et méchants qui persistent dans leurs forfaits pathétiques.
Les féministes qui victimisent les femmes desservent leur cause. En fait, elles la font régresser.