Ce dimanche 25 avril 2010, les femmes auront une bonne pensée pour ce petit groupe de merveilleuses folles qui, pendant 18 ans d'affilée, malgré les quolibets peu flatteurs dont on les affublait, sont allées, la tête haute et la fierté au front, réclamer le droit de vote pour toutes les femmes du Québec. Elles se sont fait dire non chaque fois, sous tous les premiers ministres de l'époque, sauf en 1940.
Dix-huit ans de patience, de découragement aussi sûrement, avant que ce droit fondamental qui faisait d'elles des citoyennes à part entière ne leur soit finalement accordé par Adélard Godbout. Certains racontent même que c'est grâce à l'intervention discrète de madame Godbout, l'épouse du premier ministre en question, que nous devons le droit de voter, puisque c'est elle qui l'aurait convaincu qu'il commençait à avoir l'air ridicule.
Il faut relire les discours des députés de l'époque, comme les éditoriaux de Henri Bourassa dans Le Devoir, pour comprendre le mépris des femmes qu'on y exprimait. Il faut savoir ce que les ténors de l'Église catholique annonçaient comme catastrophe si les femmes devaient voter pour comprendre d'où nous sommes parties.
Une poignée de femmes, parmi lesquelles Marie Lacoste Gérin-Lajoie, Thérèse Casgrain et Idola St-Jean, ont mené leurs revendications malgré le fait que beaucoup de groupes de femmes refusaient de les appuyer, encore moins de les suivre. Des femmes qui étaient soumises aux curés des paroisses et aux ordres des époux ont été de farouches opposantes au droit de vote des femmes. Si bien qu'en 1940, ce ne sont pas toutes les femmes qui ont célébré la victoire des femmes. Plusieurs estimaient même qu'elles recevaient un droit dont elles ne voulaient pas. Elles se sont bien vengées en votant à l'élection suivante et en faisant battre Adélard Godbout qui venait de leur reconnaître le droit de voter et le droit d'être élues.
La suite de l'histoire tendrait à prouver que ce n'est pas parce qu'on a un droit qu'on sait s'en servir. Il y a encore aujourd'hui, 70 ans plus tard, des femmes qui ne sont jamais allées voter. Elles ne sont pas nombreuses, mais il y en a. Il y a eu pendant longtemps des femmes qui ont voté comme leur mari, convaincues qu'une femme ne doit jamais annuler par son vote le vote de son conjoint sans risquer une chicane de couple. Il y a des femmes qui, à travers les décennies, ont voté pour le candidat le plus beau comme s'il s'était agi d'un concours de beauté.
Beaucoup de femmes ont voté à tort et à travers sans trop s'informer des programmes des partis, des engagements des candidats, sans s'interroger non plus sur les besoins de la société et l'état de la démocratie. Des femmes ont mis du temps à réaliser à quel point un gouvernement jouait un grand rôle dans leur vie quotidienne à cause des décisions des élus en éducation, de son appétit pour les taxes et les impôts, leur rôle dans le domaine de la santé et de tout ce qui touche la vie des individus et des groupes sur notre territoire.
Les femmes ont mis du temps à se faire élire. Elles restent peu nombreuses, mais en politique comme ailleurs, elles continuent d'inventer, au fur et à mesure, comment survivre dans cet univers fait par des hommes pour des hommes et qu'elles sont déterminées à apprivoiser. Pas simple. Ce n'est pas pour rien qu'elles avancent à tâtons. Elles ont mis du temps à réaliser qu'elles ne pouvaient pas faire pire que les hommes. Souvent même, elles peuvent faire beaucoup mieux.
Madame Kathleen Weil, ministre de la Justice, a trébuché la fin de semaine dernière. Je voudrais, en ce 70e anniversaire du droit de vote des femmes, souligner que sa franchise au sujet de la méthode de nomination des juges va sans doute lui coûter cher, mais qu'elle était rafraîchissante dans le lot de mensonges et de demi-vérités que ses collègues avaient répétés ad nauseam depuis des jours et des jours. Elle n'a pas à baisser la tête. Au contraire. J'aime mieux une ministre sans trop d'expérience qui peut encore dire la vérité qu'un ministre expérimenté qui me ment en pleine face.
Les femmes sont des puissances de changement dans notre société. Je reste absolument convaincue que les femmes, en nombre suffisant, finiront par changer la façon de faire de la politique au Québec. Elles préconiseront une politique plus près des véritables besoins des citoyens et plus soucieuse de l'accès à la justice pour tous.
Nous avons appris beaucoup de choses en
70 ans. Heureusement. Les femmes n'ont jamais été aussi prêtes que maintenant à jouer un rôle déterminant dans la société. Elles ont un formidable sens des responsabilités et une envie folle de changer ce monde qu'elles trouvent bien malade. Elles devraient avoir, normalement, un droit sur la moitié de tous les pouvoirs: le religieux, l'économique ou le politique. Il y a du chemin à faire? Elles sont en marche. Elles ont fini de juste participer. Elles y vont pour gagner.
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