Le monde de la politique grouille d’événements semeurs de désolation. Mais
il en est une catégorie que je trouve particulièrement affligeante. C’est
l’annonce de la fondation d’un nouveau parti dédié à la souveraineté ou
l’indépendance du Québec. Nous avions le Parti Québécois. S’est ajouté, le
4 février 2006, Québec Solidaire, comme jonction de deux embryons de parti.
Et maintenant se pointe le Parti Indépendantiste, nouveau-né du 3 février
2008. Et, un coup parti, pourquoi pas un autre à l’hiver 2010? Peut-être
même avant, si les deux têtes de Québec Solidaire en venaient à trouver la
cohabitation insatisfaisante…
Pourquoi est-ce si désolant? Pas du tout parce que les objectifs ou les
idéaux poursuivis par ces partis manquent de noblesse. Au contraire, leurs
déclarations de principes sont tout à fait défendables et louables. Il y va
plutôt d’une question d’opportunité. Ça déjà été dit. On l’a répété. Mais
je ne peux plus me retenir. Il me faut aussi le dire.
Les deux derniers partis se sont constitués soi-disant pour remédier aux
défaillances du Parti Québécois. Tout en ne se privant pas de critiques
acerbes à son endroit. C’est un vieux parti dépassé. -- Pourtant il n’a
qu’une trentaine d’années --. Pas assez de gauche, pas suffisamment
indépendantiste, trop provincialiste, irrésolu, etc. Critiques qui, par
ailleurs, peuvent avoir quelque fondement. Mais tout cela légitime-t-il
l’apparition de nouveaux partis? Est-ce utile, bienfaisant dans la
situation politique présente? Il y a vraiment lieu d’en douter.
Représentons-nous le plus lucidement possible l’image que cette
prolifération de partis projette dans la population. Au moins deux éléments
du panorama ne peuvent échapper à l’observation.
Au premier plan, c’est l’agitation d’une débandade. Spectacle tellement
réjouissant et réconfortant pour les adversaires politiques, mais combien
navrant pour ceux qui veulent un pays pour le Québec. Des bataillons épars
tirant à gauche et à droite, sans tête commune, se prenant même
réciproquement pour cibles. Que peut en penser le peuple, seule instance
qui pourrait faire advenir la souveraineté? Il se demande tout simplement
s’il peut faire confiance à ces bagarreurs indisciplinés, ces escadrons de
l’impatience, qui prétendent tous, chacun de son côté, l’amener à l’état de
pleine réalisation, d’achèvement comme pays. Le peuple a déjà signifié
cette interrogation, ce doute, à quelques reprises, mais plus distinctement
encore lors des dernières élections générales.
Et deuxièmement, plus grave encore, c’est comme toile de fond la
dépréciation de la cause elle-même. La cause, c’est le pays à nous donner.
Mais on dirait que ce pays s’éloigne dans le brouillard au fur et à mesure
que naissent ces partis. Il faut garder bien présents en mémoire les
résultats des dernières élections. Non seulement Québec Solidaire a dû se
contenter d’un maigre 3.6% du vote, mais aussi le Parti Québécois s’est
retrouvé, tout penaud, confiné dans le coin obscur d’un troisième parti à
l’Assemblée nationale. Alors, qu’est-ce que le peuple a bien pu penser pour
se décider à faire un tel choix? Sans doute quelque chose comme ceci : si
l’idée du pays pour le Québec n’est pas capable d’unir, de maintenir
rassemblés, ceux-mêmes qui en font la promotion et qui apparemment le
désirent le plus intensément, c’est peut-être qu’il s’agit là d’une utopie,
d’un beau rêve peut-être, mais rien qu’un rêve somme toute. Alors, il faut
sonner le réveil et passer à autre chose. Et le réveil fut cauchemardesque
pour les souverainistes.
Et peut-on penser que l’avènement du Parti Indépendantiste va améliorer
les choses? À supposer que son discours contribue à sensibiliser quelques
personnes à la souveraineté et lui permette de glaner un certain nombre de
votes, ce ne sera en bout de ligne qu’une autre contribution à disperser
les forces et à maintenir le mouvement souverainiste encore plus loin de la
possibilité de faire advenir effectivement la souveraineté. On n’a pas le
choix d’agir ainsi, dira-t-on, parce que le Parti Québécois, justement, a
trahi la cause. Mais vous faites erreur, faut-il répliquer, parce qu’il y a
de fait un choix. Et ce choix il apparaît quand on va au fond des choses.
Vers la démocratie.
La démocratie surgit quand le dèmos, le peuple, prend en main sa propre
gouverne et se reconnaît comme le seul auteur de ses lois. Cela, c’est la
souveraineté du peuple. C’est le peuple refusant que ses lois lui soit
dictées par une autorité extérieure, qu’elle soit celle d’un roi, d’un
tyran, d’un autre peuple ou d’un dieu. Cela, c’est aussi l’indépendance du
peuple. C’est le peuple qui ne veut pas dépendre d’un autre pour la
détermination de l’économie de sa propre gouverne. Aussi longtemps qu’un
peuple n’a pas cette souveraineté ou indépendance, il n’est pas à
proprement parler, pleinement, authentiquement démocratique : sa propre
gouverne lui échappant en tout ou en partie.
Ceci étant, il est clair que seul le peuple, notre peuple, pourra décider
du pays. Mais pour ce faire, il lui faut prendre la route qui y mène. Et
cette route est celle du langage, de la voix, de la voix démocratique.
Celle qui dira effectivement le pays, i.e. la souveraineté et
l’indépendance en Assemblée nationale. Mais elle doit d’abord entrer dans
ce lieu avec la puissance déclaratrice, nominatrice ou créatrice
nécessaire. Et dans les circonstances politiques qui sont les nôtres, elle
ne peut y entrer que par un seul parti. Pourquoi? Très évidemment parce que
la pluralité des partis divisent les chemins et les voix souverainistes et
condamnent pour l’avenir prévisible à l’impuissance à l’Assemblée… et du
fait même à ne pas pouvoir affirmer le pays. C’est élémentaire. Alors le
choix, quel est-il donc?
Simple. Au lieu de constituer des partis qui dispersent les efforts et
annulent les moyens, il faudrait s’engager auprès du peuple dans des
mouvements qui annoncent, préparent et font le pays. Mouvements qui font
cheminer, pas à pas, mots à mots, d’espoirs en espoirs, de réalisations en
réalisations, de lumières en convictions et résolutions vers
l’accomplissement, l’achèvement de notre être démocratique, de notre
stature de peuple. Ici, il y a besoin, il y a nécessité d’une multiplicité
de discours qui dessinent, fassent apparaître les différentes facettes du
pays souhaité. Qui rendent le pays désirable pour le plus grand nombre
possible. Un pays pour humains n’est pas un truc unidimensionnel. Il doit
être pluriel. Et le nôtre le serait magnifiquement, richement, présentant
un visage aux traits vivants et attirants, si les voix qui se font entendre
maintenant dans les partis nouveau-nés, au lieu de présenter des
alternatives en apparence exclusives, se laissaient d’abord guider par
l’unicité de la tâche, par l’unique tâche à accomplir présentement. Et si,
conséquemment, ces voix, continuant de se faire entendre par tous les
citoyens à la grandeur du territoire avec les sonorités diverses et
l’ardeur particulière dont elles font montre déjà, participaient du même
coup à maintenir la bonne forme morale, intellectuelle et organisationnelle
du premier parti qui, depuis trois décennies, œuvre sur le terrain et à
l’Assemblée nationale dans la perspective de la souveraineté. Et quand même
avec un certain succès et de bonnes réussites malgré les déboires et les
défaillances. Donc, tout le monde réuni pour l’avènement de notre peuple à
la souveraineté ou l’indépendance, c’est-à-dire à sa maturité démocratique.
Ce serait le pays.
Voilà le choix. C’est celui du rassemblement. Celui de la solidarité
fondamentale. Celui de la durance. Le seul qui a de l’avenir.
Fernand Couturier
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Stratégie problématique : entre désarroi et dispersion
Les escadrons de l’impatience
Voilà le choix. C’est celui du rassemblement. Celui de la solidarité fondamentale. Celui de la durance. Le seul qui a de l’avenir.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
2 mars 2008Très logique mais, les purs de l'indépendance croient dur comme fer que le PQ et le mot souverainiste sont des leurres, principalement si on y adjoint l'association ou le partenariat. Ils croient que, même M. Lévesque n'a jamais voulu faire la souveraineté, parce que ça ne va pas assez vite à leur goût, voient des complots fédéralistes partout et croient que les députés du PQ sont plus intéressés par leurs chèques de paie que par l'indépendance du Québec vu qu'ils n'en parlent pas 24 heures par jours, 7 jours par semaine pour provoquer une "écoeurantite indépendantiste aigue chez le Québécois qui ne fait pas que penser à ça".
Les purs et durs de l'indépendance, pour éviter tous ces faux-fuyants du PQ, selon eux, se fondent des partis pour vrais indépendantistes "all dressed". Il aurait même l'UDIQ "un autre parti indépendantiste" qui s'en viendrait bientôt. Chaque indépendantiste pourrait avoir son propre parti indépendantiste, selon le principe que, dès qu'une chose n'est pas à son goût, on s'en forme un, taillé à son image et à sa ressemblance.
Si les nationalistes veulent que des changements constitutionnels arrivent un jour, une coalition du PQ avec l'ADQ à ce sujet vaudrait bien mieux que la division actuelle des partis indépendantistes/souverainites qui se critiquent les uns les autres les Palestiniens le font face aux Israéliens.