Peu satisfaits de leurs rôles d’économistes-caniches du gouvernement lors de la publication du premier fascicule sur les finances publiques, les soi-disant économistes Luc Godbout, Pierre Fortin, Claude Montmarquette et Robert Gagné récidivent dans un numéro digne des meilleurs saltimbanques. Les clowns entrent en scène: préparez-vous, madame, monsieur, ils vous feront rire!
On se demande bien comment ces économistes, tous identifiés soit aux Lucides, soit à la droite radicale, soit dans des think-tanks néolibéraux, peuvent encore apparaître en public sans provoquer immédiatement l’hilarité. Il suffit de les voir, sérieux, avec leur petit attaché-case, l’air grave, venant nous annoncer les pires cataclysmes si le Québec ne se dépêche pas d’adopter leurs mesures économiques. L’apocalypse, ce n’est rien à côté de ce qui nous attend, ô pauvre peuple, si on ne se hâte pas d’introduire plus de privé dans l’éducation, de hausser les taxes et de réduire les impôts. Payez, payez, petit peuple, faites votre prière et vous survivrez peut-être!
Ils sont presque attachants, en fait, lorsqu’on les regarde. On a vraiment l’impression qu’ils y croient. Ils nous présentent leur rapport, ce petit dépliant de la bonne pensée libérale et nous expliquent, sans broncher, les petits lunettes de Fortin sur le bout du nez, qu’en éducation, « la coexistence d’un système public et d’un système privé introduit une concurrence qui bénéficie aux citoyens ». Qu’importe si les chercheurs Claude Lessard, Pierre-David Desjardins et Jean Guy Blais ont démontré, en septembre dernier, que la concurrence entre les réseaux public et privé « mène au déclin du public et non à son redressement ». Qu’importe si des collèges privées expulsent leurs élèves au premier faux-pas et gardent ensuite la subvention. Non, non, vous n’avez rien compris. Les clowns vous ont demandé de rire, allez, riez! Riez pour votre bien!
Véritables clowns-tristes, ils font piteux avec leur petit air du style « on n’y peut rien » ou « ce n’est pas de notre faute ». Il faudrait hausser les taxes et baisser les impôts non pas parce qu’on fait le choix de ne plus participer équitablement à la redistribution de la richesse, mais parce que nous serions obligés de nous lancer dans la même aventure que d’autres pays qui ont vu leur niveau de vie diminuer. Le Canada est un des pays qui impose le moins ses mieux-nantis, mais il ne faudrait surtout pas s’attaquer à ce déséquilibre, non non. Il y a un lien direct entre un taux d’imposition plus élevé et des écarts sociaux réduits, mais n’y pensez surtout pas. Regardez le clown, et riez de ses pitreries.
Dans une même grimace, les éclownomistes nous lancent un véritable plaidoyer en faveur de hausses de tarifs. Qu’importe si une telle hausse favoriserait la dislocation sociale et la pauvreté. Qu’importe si la hausse des tarifs d’électricité, par exemple, affecterait principalement les plus démunis. Vous n’avez toujours rien compris. Les clowns veulent votre bien. Le concept d’utilisateur-payeur, malgré ses insuccès généralisés et son incapacité à assurer une nécessaire redistribution de la richesse, doit être imposé coûte que coûte. Riez, chers amis.
Ce ne sont pas tant les idées de ces éclownomistes qui sont à blâmer. Celles-là, nous les connaissons; nous y sommes habitués. Cela fait au moins vingt-cinq ans qu’on nous rabâche les oreilles avec le petit catéchisme du moins d’État, plus de privé, moins d’impôts, plus de tarifs. Et plus on suit les principes, moins ça va, et moins ça va, plus on nous demande de suivre les principes. Nous sommes en crise à cause de ce système économique déficient, nous sommes en déficit à cause notamment des baisses d’impôts de plusieurs milliards de dollars accordées aux mieux-nantis, et on nous propose davantage de la même chose. On donnerait un quarante onces de gin à un alcoolo pour le guérir de sa dépendance qu’on ne ferait pas mieux. Non, ces idées, on les connaît.
Ce qui est inacceptable, cependant, ce qui insulte l’intelligence du citoyen, c’est de voir un gouvernement trop couillon pour affirmer haut et fort ses croyances en un ordre social créateur de pauvreté et s’arranger plutôt, en choisissant des éclownomistes autant identifiés aux idées néolibérales qu’Hulk Hogan l’est pour la lutte, pour mieux paraître lorsqu’il proposera sensiblement les mêmes propositions vieillottes.
Dans le cirque libéral, les clowns se présentent en premier, et le prestidigitateur, celui qui fait disparaître toutes nos économies, agit ensuite. Lorsque le spectacle est terminé, les spectateurs rentrent à la maison, plus pauvres, mais satisfaits du divertissement. On leur a donné l’impression qu’ils y participaient de plein gré alors que, dès le début, la dépossession de leurs biens était planifiée.
Et si on enlevait les masques de ces éclownomistes dès maintenant et qu’on révélait, derrière leurs inoffensives expressions, leur vraie nature de carnassiers plus préoccupés par leur gloire personnelle et l’application de leurs complexes théories que par le bien-être de la classe moyenne et des moins favorisés?
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