SNC-Lavalin, Hydro-Québec et la filière nucléaire

Les deux grosses pattes dans l'assiette au beurre

Un « deal » pourri pour le Québec et les Québécois

Chronique de Richard Le Hir


Au cours des derniers mois, j'ai eu l'occasion de me pencher sur le
cas d'Hydro-Québec, de ses ambitions au Nouveau-Brunswick, et des appétits
que suscitait chez certains la perspective d'une privatisation éventuelle.
Certaines informations glanées ici et là m'ont amené à m'intéresser à une
autre facette des activités d'Hydro-Québec, soit la production d'énergie
nucléaire.
Il faut dire dès le départ que rien ne justifiait à l'origine le choix de
construire au Québec une centrale nucléaire. Ayant la chance de pouvoir
compter en abondance sur une source d'énergie propre et au coût
relativement abordable, l'hydro-électricité, le Québec était dans une
situation bien différente et bien plus avantageuse que l'Ontario qui
n'avait pour sa part guère le choix de se tourner vers le nucléaire,
d'autant plus qu'on avait découvert dans cette province d'importants
gisements d'uranium pour lesquels des centrales nucléaires pouvaient
constituer un débouché.
Malgré cela, après avoir exploité pendant quelques années sur le site de
Gentilly I une centrale nucléaire qui appartenait à Énergie atomique du
Canada Ltée (EACL), une société de la couronne fédérale, Hydro-Québec
entreprit de se doter de sa propre centrale nucléaire, Gentilly II, qui
allait entrer en opération en 1983 et dont la capacité correspond à 3% de
la puissance installée du réseau d'Hydro-Québec, c'est-à-dire presque rien.
Il est important de souligner que toute l'expérience d'Hydro-Québec avec le
nucléaire est une longue histoire de dépassements de coûts, de délais et de
frustrations de tous ordres. En cela, elle se compare à l'expérience des
autres producteurs d'énergie nucléaire qui utilisent la technologie Candu,
mise au point par EACL et qui utilise de l'eau lourde, alors que la
technologie mondiale a choisi la voie de l'eau légère. Et malgré l'énorme
investissement consenti dans le nucléaire avec 20 réacteurs et 50 % de sa
production d'électricité provenant de cette source, l'Ontario estime que
les coûts de réfection de ses centrales sont beaucoup trop élevés et
investit présentement dans des sources alternatives de production telles
que l'éolien et le solaire.
Dans ces conditions, on est en droit de se demander pourquoi a décidé d'investir près de 2 milliards $ dans la réfection de sa centrale de
Gentilly alors que tous les experts s'accordent à prédire qu'elle finira
par lui en coûter de 3 à 5 fois ce prix, ce qui se traduira par un coût de
revient de près 0,40 $ le kWh alors qu'il est de cinq à six fois plus bas
en moyenne dans ses centrales hydro-électriques.
Pour vous aider à vous y retrouver dans le dédale de ces notions de coût et
de prix, je vous cite un extrait d'un article de Hélène Baril paru dans La
Presse du 20 avril dernier :
« En 2009, Hydro-Québec a obtenu un prix moyen de 6,8 cents par
kilowattheure exporté. Ce prix lui permet de dire que ses exportations sont
rentables, parce que son coût moyen de production est très bas, soit autour
de 2 cents le kilowattheure produit par ses anciennes centrales. »
http://lapresseaffaires.cyberpresse...
Pour le Québec et Hydro-Québec, il est donc très clair que la production
d'énergie nucléaire n'a aucun sens. Alors que fait donc Hydro-Québec dans
la production d'énergie nucléaire ? Si sa présence dans ce secteur ne sert
ni les intérêts du Québec ni les siens, se pourrait-il qu'elle serve
d'autres intérêts ? Lesquels ? Et comment se ferait-il alors que des fonds
publics (deux milliards, c'est pas d'la tarte !) soient affectés au service
d'intérêts privés ?
***
Voilà autant de questions qui mériteraient des réponses claires de la part
du gouvernement et d'Hydro-Québec. Mais comme il n'est pas dans les
habitudes du gouvernement Charest et d'Hydro-Québec de fournir des réponses
claires aux questions qui concernent pourtant au premier chef les Québécois
à qui Hydro-Québec appartenait encore aux dernières nouvelles, nous en
sommes réduits à chercher nous-mêmes les réponses à ces questions.
Et si Hydro-Québec servait seulement de tremplin aux intérêts d'un grand
groupe qui cherche à se positionner dans le nucléaire ? Encore faudrait-il
qu'il y ait au Québec un tel groupe. Or justement, il y en a un. Voici ce
qu'écrivait à ce propos la journaliste Hélène Baril le 23 octobre 2008
http://lapresseaffaires.cyberpresse... :
« Jacques Lamarre n'en fait pas un mystère. SNC-Lavalin (T.SNC) sautera sur
l'occasion d'acquérir en tout ou en partie Énergie atomique du Canada, si
le gouvernement fédéral décide de privatiser la société d'État. »
Et justement, le gouvernement fédéral a pris la décision de privatiser
EACL. Voici ce que rapportait Le Devoir à ce sujet le 2 juin 2009 :
http://www.ledevoir.com/societe/253...
Énergie atomique du Canada - « Vente de feu » dans le nucléaire canadien
Après 18 mois d'étude, le « rapport sommaire » de l'examen d'Énergie
atomique du Canada limitée (EACL) a été rendu public jeudi dernier par le
ministère des Ressources naturelles. Ce rapport de 36 pages propose la
privatisation de la Division réacteurs CANDU de EACL (qui vend les
centrales CANDU à travers le monde), alors que la Division recherche et
technologie resterait publique et financée par l'État. En d'autres termes,
le centre de profit d'EACL serait remis aux mains du privé, et le public
conserverait le centre de coût.
***
Ainsi donc, la tactique est la même au fédéral qu'au provincial : on
privatise les centres de profit, et le public conserve les centres de coût.
On a d'ailleurs employé une variante de la même technique lors de la crise
financière. Les pays ont accepté de mutualiser les pertes avec de l'argent
public pour que les banques ne s'effondrent pas. Et les banques gardent
leurs profits.
Vous vous dites « Ça se peut pas, c'est trop gros ! ». Ben oui ça se peut.
Devinez qui a obtenu le contrat d'ingénierie pour la réfection de la
centrale de Gentilly ? Serez-vous très surpris si je vous dis SNC-Lavalin
! http://www.slnuclear.com/Gentilly.html
Deux milliards de dollars pour que SNC-Lavalin se positionne dans le
nucléaire en vue de faire l'acquisition d'Énergie atomique du Canada Ltée.
C'est un excellent « deal » pour les actionnaires de SNC-Lavalin. Pour le
Québec, les Québécois et Hydro-Québec, c'est un « deal » pourri.


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10 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    14 juin 2010

    Fermer et déconstruire la centrale nucléaire civile de Gentilly 2
    [« Le gouvernement du Québec a décider de rénover sa seule centrale nucléaire,Gentilly 2,au coût de plusieurs milliards,argent qu’il devra emprunter.
    Nous devons absolument arrêter ce projet.Il n’est pas trop tard pour agir. Les seules choses sur lesquelles Hydro-Québec travaille en ce moment sont l’agrandissement de l’aire de stockage de déchets, qui est nécessaire de toute façon, et la préparation ultérieure du projet de reconstruction.
    À l’encontre de la croyance populaire, un réacteur nucléaire n’est pas essentiel pour la production d’isotopes radioactifs médicaux.
    Des accélérateurs/cyclotrons situés à proximité des hôpitaux pourraient alternativement être construits à moins du dixième du coût requis par un réacteur nucléaire. Ils ne génèrent pas de déchets nucléaires et n’utilisent pas d’uranium hautement enrichi.
    L’Université de Sherbrooke possède d’ailleurs son propre cyclotron et a démontré sa capacité de produire les isotopes médicaux.
    Il n’y a au monde aucune solution satisfaisante pour le stockage à long terme des déchets nucléaires.
    L’énergie nucléaire n’est pas une énergie verte . »]
    Source ; Éric Notebaert Md et une trentaine de Co-signataires ,l’Aut’Journal,1 juin 2010

  • Archives de Vigile Répondre

    9 juin 2010

    Information complémentaire:
    (...)
    "« Il est absurde et anormal que les clients d’Hydro-Québec, que sont les Québécois, ne puissent savoir qui construit leurs barrages. Hydro-Québec investit des milliards de dollars chaque année et la moindre des choses, c’est de savoir à qui bénéficient ces sommes », a déclaré Sylvain Gaudreault.
    Depuis des semaines, l’opposition officielle tente, sans succès, d’obtenir la liste des contrats qu’a signés Hydro‑Québec et les montants en cause avec les entreprises pour les chantiers comme Gentilly, Chute‑Allard/Rapide‑des-Cœurs, Eastmain, La Romaine, pour ne nommer que ceux-là. La demande d’accès à l’information formelle et conforme faite par le Parti Québécois s’est conclue par un refus catégorique de la part d’Hydro-Québec, championne pour entretenir l’opacité dans sa gestion. Rappelons par ailleurs qu’Hydro‑Québec s’est méritée le prix « Noirceur » de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec."
    (...)
    http://www.ameriquebec.net/actualites/2010/06/08/le-pq-critique-le-manque-de-transparence-chez-hydro-quebec-3740.qc
    .....
    JCPomerleau
    P.s L'opposition et Quebecor Media sont sur le cas d'Hydro Québec... Enfin

  • Archives de Vigile Répondre

    8 juin 2010

    Tout dans le gouvernement Charest est suspect en commençant par sa première élection.
    Imaginer qu'on puisse donner un milliard de réductions d'impôts par année pendant cinq ans et sans rire, c'est cruel et pathétique.
    Les citoyens y ont crus et se font bernés, ils ont tellement été frustrés par les politiciens et les jeux de médias et de commandites qu'ils n'osent même plus aller voter alors que la solution elle est là justement. Pendant ce temps tous les sympathisants fédéraux ne manque pas une élection, il le font (en bloc).
    M. Le Hire, si vous avez une formule pour ramener les citoyens aux urnes avec le sentiment d'être utile, dites le nous.
    Les femmes sont les plus difficiles à convaincre, elles ne savent pas encore que leurs enfants vont en souffrir très largement.
    Merci d'être là.
    Jean-Pierre Plourde.
    saglacweb.blogspot.com

  • Archives de Vigile Répondre

    8 juin 2010

    @J.Noël : Pour la petite histoire...
    Au tournant des années 1970, le Parti Québécois n'avait aucune politique touchant l'énergie nucléaire.
    Arrive à l'UQTR un nouveau jeune professeur très ambitieux, frais émoulu d'une grand école d'ingénieurs étatsunienne avec un doctorat en génie nucléaire.
    Étant plutôt souverainiste, il occupe rapidement une place importante au PQ et fait copain-copain avec les dirigeants, impressionnés par sa forte personnalité à laquelle peu d'obstacles résistent, tout en faisant la promotion de l'énergie nucléaire.
    Apparemment, Jacques Parizeau lui-même se laisse convaincre que le Québec doit développer le domaine des centrales d'énergie nucléaire.
    Candidat défait du Parti Québécois à l'élection de 1973, le jeune homme ne tarde pas à s'éloigner de la cause québécoise et se retrouve bientôt à des postes de commande à Ottawa et Toronto où il fera carrière...
    Assez vite après l'élection perdue de 1973, le PQ rayera l'énergie nucléaire de son programme. René Lévesque a vite compris l'erreur : quand on a tant à faire avec les immenses ressources du Québec dont il faut reprendre le contrôle, on n'investit pas dans ce domaine empoisonné...

  • Archives de Vigile Répondre

    8 juin 2010

    S'il est vrai qu'Hydro-Québec a un plan machiavélique contre les intérêts du Québec;
    Où sont les preuves infaillibles des vigiliens qui affirment cela ?
    Pourquoi depuis tant d'années les employés et syndicats HQ se ferment la gueule se contentant d'encaisser des grosses paies,le bonus annuel et autres avantages?

  • Archives de Vigile Répondre

    8 juin 2010

    Je suis rendu avec des ulcères d'entomac et la cause prend sa source chez Jean Charest et sa gang, il est plus que temps que les québécois se réveille, nous assistons à un vol des richesses qui appartiennent aux québécois par des crapules qui nous gouverne et que nous n'aurions jamais mit en place car ce n'est pas cela que les québécois veulent, Charest est en train d'envoyer le peuple québécois en plein tiers monde. Vite réveille-toi et va dans la rue manifester ta colère mon peuple québécois car bientôt ta consience t'interdira de prononcer "je suis fier d'être québécois".

  • François A. Lachapelle Répondre

    7 juin 2010

    Bonjour Monsieur Le Hir,
    1. Gentilly-2 avec une puissance de 675MW représente moins de 3% de la puissance installée du parc d'Hydro-Québec. Selon le dernier rapport annuel, Gentilly-2 représente 1,8% de cette puissance installée. Puisque les chiffres réels de production d'électricité de Gentilly-2 depuis sa mise en service en 1983 sont gardés secrets, le public québécois n'a pas le droit de savoir quelle a été la réelle productivité de cette centrale et quel est le coût de production par kilowatt/heure depuis 1983. Pourquoi ce secret ?
    2. Le commentaire de Jean-Paul Tellier se termine sur ces mots: «Il faudrait cesser de jouer au bonhomme sept heure en imaginant qu’Hydro-Québec a un plan machiavélique secret contre les intérêts du Québec.» J'aimerais que vous ayez raison Monsieur Tellier, mais il faudrait le prouver aux québécois avec les vrais chiffres et les vrais documents. Pouvez-vous produire les documents d'Hydro-Québec qui justifient la rénovation de Gentilly-2? Monsieur Tellier, si vous croyez tout ce que notre PM vous dit sans preuves, vous êtes irresponsable. Les citoyens ont le devoir de demander des preuves écrites de leurs politiciens. Ceux qui veulent jouer à la cachette doivent rester dans le privé. Actuellement, on nous triche en pleine face, à répétition, c'est révoltant.
    3. Personnellement, j'ai encore le 40 G $ de pertes de 2008 de Henri-Paul Rousseau dans la gorge, de l'argent du petit cochon des québécois. Depuis l'annonce le 29 octobre 2009 du projet d'achat d'Énergie NB par Hydro-Québec au coût de 4,75 G $, j'ai étudié ce projet, je l'ai dénoncé bien avant l'annonce de son annulation le 24 mars 2010. Son promoteur le PM du Québec nous a mené en galère avec ce projet qui heureusement a été annulé. Un administrateur compétent et consciencieux ne joue pas avec les milliards $ des québécois en allant à la pêche. C'est un comportement indigne pour ne pas dire pire.
    François A. Lachapelle, retraité d'Hydro-Québec

  • Archives de Vigile Répondre

    7 juin 2010

    [ «Avec l’énergie hydraulique les québécois ont 90 % des retombées économiques chez eux.
    Avec l’énergie nucléaire les ontariens ont 20-25 % des retombées chez eux. »]
    Source ; Michel Corbeil,Le Soleil,6 juin 2010
    SNC-Lavalin fait seulement 9 % de son chiffre d'affaire annuel avec des activités au Québec.
    Gentilly 2 pourrait servir à fabriquer et exporter des isotopes médicaux.c'est beaucoup plus payant que la productin d'électricité.
    En R&D,Hydro-Québec pourrait développer des technologies pour solutionner le problème mondial d'élimination des déchets nucléaires.Une autre source intéressante de $$$$$.
    Il faudrait cesser de jouer au bonhomme sept heure en imaginant qu'Hydro-Québec a un plan machiavélique secret contre les intérêts du Québec.

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    7 juin 2010

    M Le Hir, vous faites une contribution essentiel pour que l'on comprenne la vrai nature du régime libéral: Ils ont franchi la ligne rouge entre la corruption et la trahison des intérêts supérieurs du Québec dans le cas de la Caisse de dépôt et de l'Hydro Québec.
    J'aimerais ajouter cette information concernant les coûts de réfections:
    Les coûts de réfection de Gentilly 2 a été volontairement sous estimé pour faire accepter le projet. En fait, selon M Daniel Breton, critique en matière de politique en matière d'énergie (il a produit avec le collectif MCN21) le plan pour l'indépendance énergétique du Québec), le coût final de Gentlily 2 sera de l'ordre de 6 milliards de dollars !
    On trouve cette information dans ce livre:
    http://mcn21.org/le-livre-mcn21/
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    7 juin 2010

    Faut se rappeler qu'au début, le PQ était très "nucléaire" alors que Bourassa était très "barrage". La maudite bêtise du jeu de l'Opposition qui consiste à toujours s'opposer au gouvernement juste parce que c'est la job de l'Opposition.
    Faut dire que le nuclaire était très IN au début des années 70. Il aura fallu Three Mile Island (1979) et surtout Tchernobyl (1986) pour réaliser que Boubou avait fait le bon choix.
    Depuis, le nucléaire a quand mêne tenu le coup. Il n'y a plus eu d'autres Tchernobyl (comme il n'y aura plus de BP?) Dans les pays européens, à peu d'eau et beaucoup de consommateurs, le nucléaire est essentiel. Mais icite, avec nos rivières et seulement 8 millions de consommateurs, qu'est-ce qu'on fout encore dans le nucléaire?
    Avec l'ouverture des frontières, on peut aller chercher n'importe quand chez les voisins, les précieux Kw qui manquent le 23 décembre au soir, à -30. Alors pourquoi ne pas fermer Gentilly?