Les choses vont bien pour le PQ

Souveraineté et générations


Il n'est pas toujours facile de suivre les militants péquistes, de les suivre dans leur empressement et leurs émotions. C'est sans doute qu'ils entretiennent au quotidien une ambition peu banale. Mieux vaut ça que le cynisme ordinaire, parfois.
Pour ma part, je n'ai pas compris le rejet viscéral du concept de «gouvernance souverainiste»: à défaut de pouvoir faire l'indépendance à court terme, aussi bien mener le combat autrement et viser des gains potentiels. On préfère, pour toutes sortes de raisons, l'idée d'un Canada définitivement invivable. Quoi qu'il en soit, cette stratégie me semblait être une heureuse rupture, en principe, avec le Parti québécois des «conditions gagnantes».
Or, il apparaît que la donne change très rapidement depuis un temps: la Coalition avenir Québec est en selle, le leadership de Pauline Marois est maintenant solide, il ne reste plus de mou autour du noyau d'électeurs francophones du Parti libéral du Québec, une lutte à trois se profile au cours d'éventuelles élections qui ne sauraient tarder... mais l'humeur a quelque chose d'instable. La tactique électorale n'a jamais demandé autant de flexibilité au Québec!
En cette matière, les péquistes ont un avantage durable dans le sens où ils conçoivent une vérité qui conditionne immanquablement le réel: le statut constitutionnel du Québec est une question fondamentale. Précisément, il est au fondement de toute politique cohérente. La fatigue, malheureusement pour les fatigués, n'y peut rien.
La question nationale a toujours été, de Papineau à aujourd'hui, en passant par Mercier, Duplessis, Lesage, Johnson, Lévesque, Bourassa, etc., la bête à chevaucher. De nos jours, c'est l'ours dans le salon caquiste. Pourquoi les péquistes, parmi tous, laisseraient-ils l'animal dormir?
Si on interprète correctement les chiffres, il pourrait être éminemment rentable pour les souverainistes de sonner la charge. La raison est assez simple: la division des électeurs sur cette question, pour une fois, leur profiterait abondamment. Il importerait de forcer le jeu, ce qui est en soi, et particulièrement dans le contexte qui est le nôtre, un défi à l'art politique.
Il y a un autre avantage significatif pour les péquistes dans ce jeu: M. Legault a déjà montré ses cartes. Sa défense prévisible est connue: on ne veut pas en parler. Il ne peut plus en parler. À s'affirmer conséquemment nationaliste, il risquerait l'implosion de son parti.
Du côté du Parti québécois, la victoire ne saurait provenir du simple débat direct et bilatéral. Ce qui devient intéressant pour lui, c'est de voir M. Charest entrer dans le jeu et pousser le chef de la CAQ à se définir davantage: soit ce dernier privilégie l'unité du parti en multipliant les professions de foi fédéralistes, soit il privilégie son électorat francophone en s'engageant dans une définition plus précise des intérêts, forcément constitutionnels, du Québec, créant ainsi la confusion au sein du parti. S'il ne parle pas, on peut prévoir qu'on parlera à sa place.
Le pari qu'on pourrait faire sans trop de risques, advenant que le PQ emprunte cette voie frontale, c'est que M. Legault se conformera davantage au moule canadien. Ainsi, on peut prévoir une division du vote chez les fédéralistes: modeste dans les circonscriptions anglophones, fort risquée dans les circonscriptions francophones. Pour ces dernières, le Parti libéral est suffisamment loin derrière pour que l'effritement éventuel de la CAQ, même s'il bénéficiait davantage aux libéraux dans le cas peu probable où M. Legault se fasse champion de la cause québécoise, profite largement au Parti québécois. Il n'est pas non plus hasardeux de penser que le vote marginal pour QS diminue à son compte et qu'une proportion incertaine des abstentionnistes reprenne le chemin des urnes.
Peu importe ce qu'il adviendra, le projet réformiste et la main tendue de François Legault auront permis de déconstruire un temps la politique au Québec. Néanmoins, on devra constater, encore, qu'on ne peut faire disparaître la question nationale aussi magiquement dans nos têtes que dans la réalité.
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Simon Couillard - Professeur de philosophie au cégep de Drummondville


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