Politique québécoise

La tentation caquiste

CAQ - c'est parti



On avait l'habitude de dire qu'on entre en politique comme en religion. Ce qui est implicite dans cette affirmation c'est que, dans l'Église comme au parti, ce sont les hommes qui appartiennent au pouvoir, et non l'inverse.
Pouvoir, savoir et vérité vont ensemble dans le domaine religieux comme dans le domaine politique. Le pouvoir impose un savoir et le savoir du pouvoir, dans sa nudité, c'est la vérité. Or en politique, la vérité, c'est le rapport de force. C'est une donne, et pour bien des penseurs, c'est l'équivalent du rapport des intérêts. On peut introduire les nuances appropriées.
Ce rapport suppose une multitude de déterminations difficiles à circonscrire. À cause de cette difficulté, il y a une part de liberté, et donc d'éthos, qui est laissée aux hommes et aux femmes concernant le découpage symbolique du «territoire» politique: ses intérêts, ses repères, son identité, mais surtout, sa parole souveraine. L'inadéquation du symbole et du rapport ouvre une brèche sur le réel, sur ce territoire qui nous échappe, comme ce fut le cas pour l'élection dans Bonaventure à en croire les réactions incrédules de certains députés péquistes.
Vite, une nouvelle option!
Ces quelques considérations permettent peut-être d'évaluer la pertinence possible de la Coalition avenir Québec (CAQ) sous un autre angle. Le constat posé par un nombre substantiel d'électeurs, en d'autres mots, concerne le rejet du territoire politique actuel, de sa rigidité qui favorise la machine rouge et ses clientèles. Une machine, précisément, quant à son refus de la liberté et du symbole.
Ces Québécois sont à la recherche d'une nouvelle option. D'une part, on sait que le Parti libéral s'occupe en priorité de lui-même. Il n'y a rien de nouveau là-dedans. D'autre part, l'opposition a failli à son devoir moral, devant la vérité, de juguler une administration clanique et détestée. Que reste-t-il sinon la possibilité d'une refondation?
La plupart des Québécois se reconnaissent une identité commune et sont conséquemment plus ou moins nationalistes. Cette «chose» commune supporte une compréhension politique, par moments invoquée et évoquée efficacement par nos dirigeants nationalistes. Une autre faute des derniers chefs péquistes, à mon sens, a été justement leur mauvaise compréhension du rôle de l'identité et de ses exigences. Ça non plus, ce n'est pas nouveau. Le Parti québécois a souvent voulu, soit contraindre, soit devancer l'identité commune.
Intérêts constitutionnels
Les gens mentionnent différentes raisons pour rejeter les grands partis, quant à leur façon d'administrer les fonds publics ou les hôpitaux par exemple. Il me semble que ces raisons se situent en aval, ou pour le dire autrement, elles sont conjoncturelles. En amont, il y a toujours une idée du territoire et de ses déterminations. Il me semble qu'on touche ici au point faible de la Coalition avenir Québec, à laquelle l'ADQ vient de se greffer. Le pragmatisme affiché de François Legault n'a rien de rassurant sur le plan formel. Son réformisme est de facture managériale: il offre aux Québécois davantage une option de gestion que de gouvernement.
Or la gestion n'atteint pas le niveau nécessaire pour un redécoupage du territoire politique. En clair, on reconduit l'essentiel de nos vieux problèmes, à moins que l'on renonce simplement à se territorialiser. Le langage administratif remplacera-t-il la parole politique? On verra, comme dit l'autre.
Pour l'instant, la coalition se dit nationaliste. Mais avant de s'engager dans ce pouvoir-savoir-vérité, si l'on est soi-même nationaliste, il serait sans doute prudent d'attendre que le brouillard soit levé sur sa conception des principes constitutifs, voire des intérêts constitutionnels, de notre territoire.
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Simon Couillard - Professeur de philosophie au cégep de Drummondville


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