Jack a l’air sympathique et il tient un discours généreux.
Photo : Jacques Nadeau - Le Devoir
Quiconque a à cœur le destin du Québec et en tête la justice constate bien la tristesse de la situation politique dans laquelle nous nous trouvons, surtout quand vient le temps (encore) des élections fédérales.
Cette fois, c'est la faveur spontanée dont jouit le NPD ici, depuis deux semaines, qui anime l'espace public et les discussions. Cette faveur a pris son envol avec le passage de son chef à une émission de variétés. Ce n'est que récemment que les médias et la population elle-même se sont mis à s'intéresser au programme et aux candidats de ce parti. À moins d'être complètement cynique ou inconscient, il est difficile de s'en réjouir. Quel est le problème?
Les Québécois cherchent désespérément une voie pour sortir d'une impasse, ce que mesure bien l'instabilité extrême des intentions de vote, tant au fédéral qu'au provincial. Sans doute, ce sont la lassitude et la frustration qui nous rendent peut-être un peu frivoles. Jack a l'air sympathique et il tient un discours généreux. C'est ténu. Le Québec a tout de même préféré cette option à celle du gouvernement Harper: soyez avec nous ou pâtissez.
Le point de vue suivant lequel il faut être au gouvernement pour recevoir sa juste part de l'argent public est peut-être réaliste, mais il semble que quelque chose en notre conscience (l'intérêt public?) résiste à cette conception des choses. Pour sa part, le Parti libéral est marginalisé et a tellement profité de cette impasse qu'il en est devenu suspect aux yeux des électeurs québécois.
Passer à autre chose
Depuis 20 ans, ceux-ci ont toujours fini par se rallier majoritairement au Bloc québécois, mais ils l'ont fait sans enthousiasme, sauf en 1993. Le Bloc, idéalement, devait être provisoire. C'est ce qu'il n'a pas été. On ne soulignera jamais assez, à cet égard, le comportement inacceptable, le manque de fermeté et d'envergure du premier ministre provincial à l'époque. Il nous aurait fallu un homme d'État, il est venu trop tard. On peut piaffer et s'impatienter. On peut finalement se débarrasser du Bloc, et, à ce chapitre, les Québécois ont démontré qu'il suffirait de bien peu. On veut passer à autre chose, à raison.
Dans une situation aussi médiocre, il importerait de prendre la mesure des conséquences de notre action, si du moins on ne veut pas l'empirer. A-t-on bien pris la peine de réfléchir? Tout indique que non. Cette frivolité peut-elle être la conséquence de la pensée magique: il faut faire table rase, oublier les chicanes et recommencer? Malheureusement, l'histoire est lente et la vague de fond finit toujours par nous ramener dans le sillon de notre destin.
La réalité rattrape les décisions prises à la hâte et se rit de la pusillanimité des révolutionnaires de salon. Cette réalité, c'est cette lancinante alternative qui s'impose à nous sans que nous puissions la contrôler. Elle nous regarde fixement, les poings sur les hanches, tandis que nous fixons le sol: être minoritaires ou indépendants. On ose à peine en parler encore. Il faut faire comme si elle n'était pas là, comme si la loi fondamentale d'une communauté politique était une question négligeable, car dans la vie de tous les jours... Reportons la décision aux calendes grecques et attendons qu'elle nous tombe entre les mains comme un fruit mûr. Or, surprise! Nous nous enlisons.
Acte désespéré
C'est le changement que les Québécois veulent, et l'impatience est à la mesure du risque élevé qu'on semble disposé à prendre. Ce n'est pas de l'audace, c'est un acte désespéré pour sortir du pétrin. Il y a effectivement quelque chose de brisé, quelque chose à régler. Malheureusement, il semble qu'avec le temps la source de ce problème ait été oubliée.
Je vais aller voter, mais je me réserve d'inciter qui que ce soit à voter pour un parti ou un autre. La seule chose que je souhaite, pour garder la foi en un avenir meilleur, c'est que chacun pense à notre devise nationale avant de se rendre aux urnes.
J'aimerais qu'on réfléchisse à ce que l'Histoire enseigne afin de faire un choix éclairé. À ce sujet, il m'apparaît utile de considérer les leçons de Thucydide, vieilles de 2500 ans mais toujours proches, comme l'être humain ne change pas.
D'abord, quand la peur remplace l'audace, quand la mollesse remplace la fermeté et quand l'inconscience et l'arrogance remplacent l'intelligence et la constance, une nation est perdue. Il faut penser les choses en profondeur et surtout éviter de se jeter spontanément dans les bras du premier sauveur venu, eût-il tout le charisme du fils de Périclès.
***
Simon Couillard, professeur de philosophie au cégep de Drummondville
Élections fédérales
Se reposer ou être libre
D'abord, quand la peur remplace l'audace, quand la mollesse remplace la fermeté et quand l'inconscience et l'arrogance remplacent l'intelligence et la constance, une nation est perdue.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé