Selon l'auteur, il est aussi clair que si l'on veut que la cause du Québec ait quelque chance d'aboutir, le Bloc devra se saborder.
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Le génie de Jack Layton aura été de promettre aux Québécois la réouverture du débat constitutionnel, allant ainsi chercher les faveurs aussi bien de fédéralistes que de souverainistes désenchantés du Bloc. Rappelons que c'est suite à l'échec des discussions constitutionnelles du lac Meech que le Bloc avait vu le jour, promettant alors aux Québécois la promotion de l'option souverainiste sur la scène fédérale. Mais après vingt ans à Ottawa, le Bloc n'a pas su livrer la marchandise, l'option souverainiste restant stagnante.
La présence du Bloc à Ottawa n'a pas aidé l'option souverainiste. Loin de là, beaucoup ont vu dans l'option souverainiste à Ottawa une voie d'évitement leur permettant de remettre à plus tard un choix déchirant et ont préféré voter non au référendum et oui au Bloc à Ottawa. Mais aujourd'hui, l'heure n'est plus aux tergiversations car devant la présence massive des Anglos Canadiens au pouvoir à Ottawa, le Québec devra vite se brancher avant de tout perdre: ou bien il trouve le moyen de réintégrer la constitution canadienne ou bien il va chercher son profit ailleurs, en dehors du Canada.
En promettant la réouverture du débat constitutionnel, le NPD est allé chercher sa victoire au Québec : des 43 % de Québécois qui ont voté pour ce parti, plus de la moitié proviennent de souverainistes qui en avaient assez du cul de sac dans lequel il était enfermé depuis 20 ans. Les Québécois se souviennent du lac Meech et ont toujours cet affront au travers de la gorge. Ils veulent aujourd'hui crever l'abcès. Monsieur Layton a promis du changement en ce sens.
Que le Québec ne soit pas partie prenante de la constitution canadienne est un non sens, cette province ne pouvant rester éternellement à l'écart des grandes orientations politiques du pays. Ou bien elle se fera une place convenable au sein du Canada, ou bien elle devra s'en dissocier définitivement en assumant son autonomie ailleurs et d'une autre façon. À être continuellement assis entre deux chaises, on fini par tomber et se casser la gueule. Le Québec mérite mieux que cela! La balle est donc dans le camp de Jack Layton, dans celui d'un parti d'opposition fédéraliste à qui les Québécois, donnant une dernière chance au Canada-Anglais d'exprimer clairement ses intentions, ont fait confiance. La majorité conservatrice de Stephen Harper à Ottawa saura-t-elle entendre la demande qui lui est faite à travers la députation NPD favorable aux demandes du Québec et à l'ouverture du débat constitutionnel? Le Canada est-il capable de faire suffisamment de concessions au Québec pour que ce dernier regagne avec ardeur le giron fédéraliste?
Il est aussi clair dans tout cela que si l'on veut que la cause du Québec ait quelque chance d'aboutir, le Bloc devra se saborder. En se présentant comme défenseur de la cause souverainiste avant même que le débat constitutionnel n'ait été amorcé par le NPD, le Bloc, par sa simple présence, ne pourra que nuire à l'image d'une province qui, rejetée il y a vingt ans, tend avec franchise et espoir, une dernière fois la main au Canada pour que se réalise le rêve d'un grand pays uni et fonctionnel. Mais, si malgré les efforts de Jack Layton et de son équipe, la majorité conservatrice fait de nouveau la sourde oreille à cette demande essentielle au renouveau de la coexistence Québec-Canada, le sort en sera jeté et le Québec saura enfin clairement qu'il n'a rien à gagner dans une fédération qui lui refuse la place spéciale qui lui revient historiquement et dont il a besoin pour survivre et se développer différemment.
Ce sera alors au tour du Parti québécois d'interagir dans deux ans pour raviver la flamme souverainiste mise en veilleuse depuis novembre 1995. Le Québec devra alors concentrer tout son capital politique - et il est énorme - sur la scène provinciale. Malheureusement toutefois, ce n'est pas avec Pauline Marois, populaire dans son parti mais impopulaire dans l'ensemble de la population, que cet autre débat pourra aboutir. L'image bourgeoise et sectaire qu'elle projette est un obstacle majeur à la réalisation d'une souveraineté moderne et ouverte sur le monde et Madame Marois, si elle tient véritablement à la cause du Québec, devra à cet effet savoir humblement laisser sa place à un chef plus charismatique. Gilles Duceppe peut-être...
Pierre Desjardins, philosophe
Montréal
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