Le récent texte de [François Cyr sur Vigile (23 mai)->38348] a eu pour effet de brasser la cage, comme on dit. Khadir, c’est clair, suscite l’indignation chez plus d’un indépendantiste. C’est compréhensible, certes, mais n’oublions pas que ce n’est pas à cause de lui et de son parti si les Québécois ont voté NPD. Ce serait là accorder un pouvoir d’influence que Khadir n’a pas. Les gens de la région Québec – plutôt de droite - auraient été hypnotisés par sa verve? Voyons donc, ça n'a pas de sens. Le tiers des votants traditionnels pour le Bloc auraient suivi l’exemple de Khadir? Ben voyons…
Dans un autre ordre d’idées, je trouve déplacée la lettre de Raymond Archambault, le nouveau président du PQ. Daniel Turp, qui a mordu la poussière contre lui – et c’est peu dire – n’aurait jamais agi de la sorte s’il avait été élu à ce poste lors du dernier congrès du PQ. Par ailleurs, il est évident que Pauline Marois a avalisé cette lettre. Je suis estomaqué : alors qu’il y aurait lieu d’amorcer une sérieuse réflexion entre TOUS les indépendantistes, voilà que la colère du moment entraîne la direction PQ à se lancer dans un règlement de compte qui nous affaiblit plus qu’il ne fait avancer la cause de la république.
Chacun semble avoir décidé de jouer sa "game". QS entend ratisser large à gauche, le PQ veut se démarquer en se querellant avec Khadir, question sans doute de donner l’impression qu’il a décidé de jouer plus au centre. L’appui au projet de loi du maire Labeaume en est la preuve. Le PQ réagit avec émotion, fait des choix qui m’apparaissent mal avisés. QS s’excite et agit dans le même sens. L’un veut marquer des points par ici, l’autre veut en marquer par-là. Chacun veut établir son rapport de force. Le Bloc vit une profonde dépression, et doit endurer les «je t’aime Gilles/je m’en balance du Bloc » de Khadir. La belle affaire. On se crêpe le chignon, et au diable la stratégie et l’intérêt commun. J’en ai littéralement marre.
Que faire? Attendre que la tornade passe et reconstruire le Bloc? Harper va sans doute éliminer le financement public des partis. Comment allons-nous réussir à financer le Bloc, sachant qu’il sera difficile de soutenir financièrement à la fois le Bloc, le PQ, et dans une certaine mesure QS, et aussi le mouvement nouvellement né, Cap sur l’indépendance? On voit le topo, je n’insiste pas plus. Harper joue musclé. Il est possédé par l’instinct du tueur. Il sait établir un rapport de force. Nous, nous ne l’avons pas encore compris. Mais vraiment pas.
Plus j’écris, et plus je rage. Il y aura des élections dans deux ans au Québec. Quatre partis vont se confronter. La droite lucide et libérale, résolument fédéraliste, et deux partis qui se disent indépendantistes, globalement situés à la gauche du centre. Le PQ va sans doute être tenté de jouer la carte centriste et identitaire (dans le bon sens du terme, j’espère), mais cela lui sera peut-être insuffisant pour atteindre les 40% ou plus qui lui permettraient d’avoir les coudées franches. Et il y a la donne Legault-ADQ qui est susceptible de changer le paysage politique, les votants NPD pouvant s’avérer des vire-capots de premier choix en décidant de barrer carrément à droite pour répondre à cet irrépressible besoin de « passer à autre chose ».
Alors, que doit-on suggérer à nos trois partis phare, le Bloc, le PQ et QS, dans un contexte où la nation s’éparpille à vau-l’eau? Moi, je dis simplement ceci : trêves de tiraillages, cessons de nous embourber dans la politicaillerie façonnée à la mode du parlementarisme britannique et innovons. On fait un repli stratégique, on remet en question les vieux paradigmes partisans, on forge des alliances, on fait les compromis qui s’imposent et on développe l’instinct du tueur qui nous fait si cruellement défaut. Cela peut impliquer des décisions douloureuses, mais nécessaires. Aussi j’adhère aux points de vue exprimés par Robert Barberis-Gervais et Oscar Fortin, allant en ce sens.
Aux indépendantistes de décider si on se met en mode confrontation (entre nous, s’entend), ou si on se met à table pour parler sérieusement. Me semble que la confrontation creuse son nid en ce moment, pour la plus grande joie de vous savez qui. Pénible.
J’espère seulement que quelques éléments éclairés et potentiellement influents puissent œuvrer vers cette convergence qui jusqu’à ce jour brille par son absence.
Car sur l’indépendance : cela inspire-t-il quelque dirigeant quelque part?