Legault se réserve le «dossier de la laïcité»

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Legault prend le sujet au sérieux : il ne laissera pas un député junior affronter seul le Canada

Le « dossier de la laïcité » sera traité au sommet de l’État, a annoncé François Legault vendredi, soit moins de 24 heures après le dévoilement de son Conseil des ministres.


Le premier ministre a confié au ministère du Conseil exécutif — son ministère — la tâche d’élaborer un projet de loi visant notamment à interdire aux enseignants du primaire et du secondaire ainsi qu’aux personnes en position de coercition — policiers, procureurs de la couronne, juges et gardiens de prison — de porter un signe religieux.


Il déleste ainsi le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) de cette tâche. « Les gens qui travaillent à l’immigration n’auront rien à voir avec ce dossier-là », a insisté M. Legault lors d’un point de presse dans l’édifice Honoré-Mercier. Du coup, Simon Jolin-Barrette assurera la « supervision » des travaux de rédaction du projet de loi sur la laïcité de l’État, non pas en sa qualité de ministre de l’Immigration, mais de leader parlementaire, a-t-il précisé.


La Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI) s’expliquait mal pourquoi le « dossier de la laïcité » avait incombé au MIDI. « On ne voit pas vraiment le lien », avait dit le directeur de la TCRI, Stephan Reichhold, jeudi. Le chef du gouvernement a rectifié le tir vendredi.


M. Legault a réitéré sa volonté de « régler rapidement » le « dossier de la laïcité ». Dans les 100 premiers jours ? « On n’est pas rendus là », a-t-il rétorqué.


Le chef de la Coalition avenir Québec trouve cependant prématuré de jeter du lest aux partis d’opposition — par exemple en s’engageant à dispenser dès maintenant les enseignants de retirer tout signe religieux avant leur journée de travail. « Il est trop tôt », a-t-il fait valoir quelques heures après son assermentation comme 32e premier ministre du Québec. « On va voir s’il y a des consensus qu’on est capables de dégager », a-t-il ajouté.


Cela dit, M. Legault écarte la possibilité de retirer le crucifix du Salon bleu de l’Assemblée nationale, qu’il décrit comme un « objet patrimonial important ».


« Je veux que vous compreniez que j’ai été élu avec un certain programme. Puis, dans mon programme, on garde le crucifix », a-t-il lancé à la presse.


Il s’agit d’un plan en matière de laïcité « ignorant ou intellectuellement malhonnête », a fait valoir le philosophe Charles Taylor à la CBC. « C’est lui qui a changé d’idée [sur le rapport qu’il a] cosigné » avec Gérard Bouchard, a rétorqué M. Legault vendredi.


Rentrée parlementaire


« On est pressés de se mettre au travail », a dit le nouveau premier ministre, qui a pourtant reporté de deux semaines la date de début des travaux parlementaires fixée par Philippe Couillard avant le coup d’envoi de la campagne électorale.


Les 124 députés effectueront leur entrée à l’Assemblée nationale le mardi 27 novembre 2018, a décrété M. Legault.


Le Parlement siégera seulement deux semaines, ce qui lui permettra de prononcer son discours inaugural et à certains de ses ministres de soumettre « quelques » projets de loi.


Le chef du gouvernement a dit vouloir légiférer « le plus tôt possible » afin de tirer vers le haut — de 18 à 21 ans — l’âge minimum requis pour la consommation du cannabis. Dans les 100 premiers jours ? « Réaliste », M. Legault n’a pas voulu s’y engager, ne pouvant tenir pour acquise « la collaboration de l’opposition » sur ce front.


Par ailleurs, l’identité du ministre qui veillera à resserrer le cadre législatif et réglementaire de la consommation de cannabis au Québec ne semblait pas claire à son esprit vendredi. « Je suppose que c’est la ministre de la Justice », a-t-il lâché après une courte hésitation.


M. Legault s’est dit convaincu — avec assurance cette fois-ci — de pouvoir dévoiler « des baisses fiscales » avant la période des Fêtes. « Maintenant, à quelles dates vont s’appliquer ces baisses fiscales, on va pouvoir répondre à ces questions-là dans les prochaines semaines. »


40 000 immigrants en 2019


Le gouvernement est déjà à l’ouvrage afin d’abaisser le nombre d’immigrants admis annuellement au Québec de quelque 52 000 à 40 000 dès 2019, a affirmé M. Legault, disant avoir obtenu l’assurance qu’Ottawa ne lui mettrait pas des bâtons dans les roues.


« [Justin] Trudeau m’a signifié qu’il va mettre en contact ses fonctionnaires avec nos fonctionnaires », a-t-il fait remarquer. Ceux-ci s’affaireront à déterminer le nombre de personnes sélectionnées par le Québec (travailleurs qualifiés, gens d’affaires) et le Canada (proches de personnes établies au pays, réfugiés) afin que, regroupées, elles n’excèdent pas 40 000.


Enfin, le premier ministre disait ignorer vendredi s’il participera à la prochaine Conférence annuelle des Nations unies sur les changements climatiques (COP24), qui battra son plein en Pologne du 3 au 14 décembre, comme le lui demandent le Parti québécois et Québec solidaire. « J’ai un emploi du temps très chargé au cours des prochaines semaines. La décision n’est pas prise », a indiqué M. Legault.


Le chef caquiste a dit avoir « plusieurs idées » en tête pour réduire les émissions de GES : révision des projets financés par le Fonds vert, développement de l’industrie des technologies vertes. Il a toutefois demandé « un petit peu de temps » avant de les détailler.


LÉVESQUE: UN MODÈLE


M. Legault a décrit le « grand nationaliste » René Lévesque comme un « modèle » parmi ses 31 prédécesseurs. « C’est important que le premier ministre aime les Québécois, qu’on soit fier d’être Québécois. Il y a du travail à faire de ce côté-là. […] C’est important qu’on retrouve toute cette fierté qu’avait et nous a donnée René Lévesque », a soutenu M. Legault vendredi. Mais pour le 32e premier ministre, ce sera le « Québec d’abord, à l’intérieur du Canada ».



> La suite sur Le Devoir.



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