L'Action démocratique du Québec soumet le projet de loi 193, destiné à rendre obligatoire le doublage au Québec des films étrangers, surtout ceux des majors américaines qui accaparent une large part du marché. Le Parti québécois appuie le projet; le gouvernement libéral le rejette.
Ce n'est pas la première fois que la question est soulevée. Et, à ce jour, les deux partis ayant exercé le pouvoir à Québec, libéral comme péquiste, ont refusé de s'engager sur cette voie. Ils ont toujours favorisé des mesures incitatives, en particulier fiscales, tout en tentant de négocier avec la France le retrait de l'embargo qu'elle exerce spécifiquement à l'endroit des films doublés chez nous.
Car c'est le grand non-dit de ce dossier: le problème ne se trouve ni à Montréal ni à Hollywood, mais à Paris.
Il y a plusieurs raisons pour lesquelles le projet de loi adéquiste constitue un mauvais scénario. L'une d'elles réside dans le fait que l'industrie du doublage fonctionne déjà bien: la proportion de films doublés ici est passée de 34%, en 1990, à 72%, l'an dernier, avec une pointe exceptionnelle de 78% en 2004.
Mais ça irait encore mieux sans le blocus français.
En ce domaine, la France a élevé son mur protectionniste en 1949. Le Québec n'est pas touché avant 1956, lorsque démarre l'industrie locale. À partir de ce moment, tous nos ministres de la Culture se sont heurtés à cette palissade. En 1977, René Lévesque lui-même tente d'infléchir Paris, mais les artisans gaulois du doublage déclenchent la grève et, après 18 jours dans la rue (ah! la «rue» française!), gagnent sur tous les fronts. En 1987, sous Robert Bourassa, même échec. Cerise sur le sundae: en 1992, la France accepte les doublages réalisés dans les autres pays européens, seul le Québec demeurant ostracisé - l'Afrique francophone double assez peu
Bref, c'est apparemment ce qu'on entend à Paris par «diversité culturelle», par «altermondialisation» et par «famille francophone»!
Et c'est donc vers ce côté-là de l'Atlantique qu'il faut à nouveau pointer notre artillerie lourde.
Pourquoi ne pas voir grand, en effet? On comprend l'intérêt qu'il y aurait pour le Québec à avoir plein accès au marché français, d'autant plus que notre industrie du doublage fonctionne avec compétence, rapidité et au moindre coût - ce que les Français savent très bien, justement... Le problème de la langue «locale» n'en est pas un. Il existe une telle chose que le français universel, qui est un fort bel idiome, et pratique en plus: on n'a pas à transformer Shrek en ogre marseillais ou saguenéen!
Certes, il est beaucoup plus à la mode de s'en prendre aux Américains qu'aux Français. De sorte qu'on ne voit pas de problème moral à exiger des majors qu'elles casquent le fric nécessaire pour un double doublage (!) et paient ainsi la facture de l'impérialisme culturel français. Personne ne va pleurer sur leur sort: ce sont de grosses vilaines, la cause est entendue. Lorsqu'elles réagiront (probablement mal), elles n'en seront que plus vilaines encore, voilà tout.
Et notre industrie du doublage demeurant toujours limitée au marché québécois, nous aurons alors perdu sur tous les fronts.
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