Le Bloc québécois entend défendre à Ottawa « le mandat que les Québécois viennent de confier à la CAQ », a déclaré vendredi son nouveau chef, Yves-François Blanchet. À l’approche des élections fédérales, il fallait s’attendre à ce que le Bloc tente d’entrer dans les bonnes grâces du gouvernement Legault, que le Parti conservateur courtise déjà assidûment.
Alors que Martine Ouellet voyait une incompatibilité entre la défense des intérêts du Québec et la promotion de l’indépendance, M. Blanchet estime que « c’est ultimement une seule et même chose ».
Cela dépend du point de vue. Pour un fédéraliste, les intérêts du Québec seront mieux servis en demeurant au sein du Canada, ce que ne croit évidemment pas le chef du Bloc. Sa posture relève plutôt du « beau risque ».
Si un gouvernement autre que celui de Justin Trudeau décidait à terme d’accéder aux demandes de la CAQ, en acceptant de céder la perception de l’impôt fédéral sur le revenu au Québec et en lui accordant les pouvoirs en matière d’immigration que réclame M. Legault, il est clair que l’indépendance perdrait de son attrait plutôt que l’inverse.
À l’époque où il était commentateur aux Ex, M. Blanchet ne croyait pas que le Québec puisse avoir gain de cause et il ne le croit sûrement pas davantage aujourd’hui. Il calcule plutôt que plus les demandes de M. Legault auront d’écho, plus le refus d’Ottawa sera retentissant.
Presque devenues la règle, les querelles fédérales-provinciales n’ont sans doute plus l’effet mobilisateur qu’elles ont eu dans le passé, mais toute nouvelle démonstration du manque d’ouverture du Canada anglais peut rendre les Québécois plus réceptifs au discours souverainiste. De toute manière, dans l’état actuel des choses, semer pour l’avenir est tout ce que peut faire le Bloc.
C’est aussi ce que doit faire le PQ. Il n’est pas nécessaire d’approuver la nouvelle approche de l’immigration préconisée par la CAQ, ni la brutale élimination des 18 000 demandes que les libéraux avaient laissées s’accumuler, pour exiger que le Québec ait le droit de choisir seul la façon dont il entend faire les choses.
Le PQ devrait non seulement appuyer les revendications de M. Legault, mais également veiller à ce qu’il ne les mette pas en veilleuse de peur qu’Ottawa les rejette, comme les gouvernements libéraux l’ont fait de façon systématique depuis l’échec de l’entente de Charlottetown.
M. Legault est encore en début de mandat, et les demandes qu’il a présentées jusqu’à présent ne constituent qu’une petite partie de la liste qu’on trouve dans le « Nouveau projet pour les nationalistes du Québec », qui tient lieu de politique constitutionnelle à la CAQ.
Il est sans doute préférable d’y aller progressivement. Il serait impossible de faire avaler le « Nouveau projet » d’un coup au reste du pays. Il semble déjà s’étouffer à la première bouchée…
Certains objecteront que le PQ n’a pas à appuyer un parti dont le chef a trahi la cause et qui trompe la population en lui laissant croire que le fédéralisme peut encore être réformé.
Il faut cependant regarder les choses en face. Il y a très peu de chances qu’un gouvernement souverainiste soit élu à Québec dans un avenir prévisible. Le PQ pourra toujours promettre un référendum dans le mandat qu’il voudra, mais ce n’est pas demain la veille.
Jacques Parizeau avait également pris la décision d’appuyer l’accord du lac Meech, même si les modifications prévues à la Constitution auraient sans doute ruiné ses chances de devenir premier ministre et de tenir un référendum.
Lors de sa conclusion en 1987, le PQ avait pourtant décrié l’accord. Son chef de l’époque, Pierre Marc Johnson, parlait du « monstre du lac Meech ». À l’entendre, Robert Bourassa avait vendu l’avenir du Québec pour un plat de lentilles.
Dans un premier temps, M. Parizeau avait parlé d’un « hochet donné aux Québécois ». Quand il en est arrivé à la conclusion que l’accord échouerait, il a décidé de l’appuyer et de « renchausser » M. Bourassa pour l’empêcher de faire des concessions, tout en prenant soin de multiplier les déclarations qui attisaient l’opposition du Canada anglais.
L’alerte a été chaude au début de juin 1990, quand l’accord a semblé pouvoir être sauvé in extremis. Quand l’échec a été consommé, M. Parizeau a « tendu la main » au premier ministre libéral, participé à la création de la commission Bélanger-Campeau… On connaît la suite.
Bien entendu, on est très loin de cette période dramatique de l’histoire récente du Québec, mais qui peut savoir de quoi l’avenir sera fait ? Le premier réflexe des souverainistes est de dénoncer l’insignifiance des demandes de la CAQ, comme celle de l’accord du lac Meech. Pour le moment, le PQ a pourtant tout intérêt à « renchausser », M. Legault.