C'est une tradition. Le bilan de fin d'année. Je ne m'y déroberai pas. Car 2011 a confirmé, pour ceux qui en doutaient encore, que notre société est en crise. Je prends quatre événements parmi d'autres pour l'illustrer.
L'affaire Guy Turcotte, d'abord. Alors qu'il s'est livré au meurtre de ses propres enfants, Turcotte a été jugé non criminellement responsable de ses actes. Il avait perdu la tête, le pauvre. Turcotte n'était pas malfaisant. Mais fou. On y trouvait une confirmation : le droit tel qu'on le pratique aujourd'hui n'a plus rien à voir avec la justice. Les thérapeutes ont confisqué la justice.
L'affaire Marjorie Raymond ensuite. Cette jeune fille était victime de ce qu'on appelle l'intimidation. Elle s'est suicidée, en exprimant ainsi un mal de vivre inimaginable. Un mythe se déchire : la cour d'école n'est pas un paradis, mais souvent un enfer pour les plus faibles.
L'affaire Rolande Fiset maintenant. Je parle de cette dame entrée à l'hôpital pour un ACV mineur. Elle en est sortie par la morgue après s'être fait trimbaler d'une chambre à l'autre à neuf reprises, sans égard pour sa dignité la plus élémentaire. Il ne s'agit pas d'accuser l'hôpital, mais de rappeler que si notre système de santé n'est pas un cauchemar en soi, il peut rapidement le devenir.
Dernier événement: cette directrice d'école qui a accordé à une jeune musulmane un casque antibruit pour lui éviter d'entendre les chansons à l'école. Pour faire plaisir à des parents fanatiques, on insonorise leur enfant. Accommodement raisonnable? Ou délire permettant la ségrégation religieuse sur demande?
ON PERD LA BOULE
Étrangement, un message se met à tourner en boucle: les politiciens doivent faire quelque chose. On réclame un plan d'action contre la violence conjugale, contre l'intimidation. Ou encore plus de ressources pour les hôpitaux ou l'intégration des immigrants. En gros: plus de lois ou plus d'argent. Il n'y aurait pas d'autre solution à nos problèmes. Comme si tout était politique. À tout problème sa solution bureaucratique.
C'est ici que notre société perd la boule. La vérité, c'est que ce sont nos valeurs fondamentales qui sont déréglées. Notre société n'est pas seulement en déficit budgétaire. Mais en déficit moral.
Dans l'affaire Turcotte, c'est la négation de la responsabilité individuelle qui est renversante. Dans l'affaire Raymond, c'est l'incapacité de l'école d'exercer son autorité. Dans l'affaire Fiset, c'est le traitement bureaucratique des malades. Dans l'affaire du casque antibruit, c'est le simple bon sens qui s'est éclipsé.
PROFONDÉMENT DÉRÉGLÉE
Notre société a complètement perdu ses repères. Elle n'est pas seulement déréglée en surface, mais en profondeur. On ne voit plus que les structures et les statistiques. Les politiciens se droguent à ces dernières pour se donner l'impression qu'ils connaissent la société et peuvent la contrôler.
L'être humain se fait découper en morceau par les bureaucraties. Une veut s'occuper de sa santé. Une autre de son éducation. Une autre de ses relations avec ses parents. Nous sommes assistés du berceau au tombeau. Mais l'être humain dans son ensemble? Nous en avons perdu la trace. S'il existe, c'est bien à l'insu des bureaucrates.
Notre société a besoin de retrouver son socle moral. Pour 2012, je nous souhaite cela.
Le Québec sans boussole
Car 2011 a confirmé, pour ceux qui en doutaient encore, que notre société est en crise. Je prends quatre événements parmi d’autres pour l’illustrer.
2011 - Bilan et perspectives
Mathieu Bock-Côté1347 articles
candidat au doctorat en sociologie, UQAM [http://www.bock-cote.net->http://www.bock-cote.net]
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