La mode a des secrets dont elle seule possède la clé. Elle fait des allers et retours au gré du moment et de l’époque. Il en est ainsi de certaines expressions témoins d’une autre époque qu’on croyait enfouies parce qu’elles évoquent un passé archaïque et qui soudain refont surface comme un fantôme réapparu sans aucune explication en apparence.
Depuis le dernier référendum, un terme désuet pour nommer le Québec est revenu en force dans l’ensemble des médias. Le Québec se nomme désormais « la province » ou lorsque la chance est avec nous « la belle province ». Bref, plus besoin de nommer, seul le titre suffit.
Ce qui me fait m’interroger sur le sens à donner à cette tendance. Que les médias anglophones utilisent couramment ce terme ne me surprend nullement. À l’inverse, que les médias francophones l’utilisent de plus en plus me surprend davantage puisqu’à part l’ignorance, se cache peut-être un souhait d’en finir avec l’idée que le Québec pourrait avoir une personnalité qui lui est propre et donc d’effacer dans les esprits toute prétention de société normale.
Les mots ont un sens
Quoi de mieux pour dépersonnaliser un humain, que remplacer son nom par une épithète déplaisante! Un jeune potentat de cour d’école y aurait pensé! Les mots ne sont pas innocents, ils ont un sens, une histoire, voire une charge émotive. Comme la mauvaise foi est plutôt exténuante à neutraliser, il est plus rentable de travailler sur l’ignorance.
Le terme « province » provient à l’origine des Romains et désigne un territoire où on confine un peuple vaincu. C’est le titre donné par le conquérant anglais désireux, se faisant de planter le décor de notre nouveau statut et de leur arrogance.
Ce titre ou cette carte de visite avec lequel les journalistes affublent à satiété notre territoire et notre peuple, avait pourtant été relégué aux oubliettes par les libéraux du Québec alors au pouvoir lors de la Révolution tranquille, il y a de cela presque 60 ans, du temps déjà lointain où les élites de la politique québécoise avaient ce qu’on appelle le « sens de l’État » et une certaine conception de l’avenir du Québec.
Jean Lesage, René Lévesque et d’autres préféraient par ambition pour la nation qu’ils représentaient, et avec raison, utiliser le terme « L’État du Québec ».
Rappelons-nous Gérin-Lajoie!
Un monument de l’histoire du Québec, témoin de cette époque, est décédé récemment à un âge vénérable : Paul Gérin-Lajoie. Ce grand Québécois a été vice-premier ministre, le premier ministre de l’Éducation et également le père de la doctrine de son nom Gérin-Lajoie. En résumé, cette doctrine met en œuvre la volonté du Québec d’être un décideur sur la scène internationale dans ses domaines de compétence constitutionnelle et affirme la détermination du Québec de prendre dans le monde la place qui lui revient. Une bouffée de fierté !
Conséquemment, obéir à la mode des conquérants et régresser le Québec au statut de « province » est méprisant, car une « province » n’est rien de plus qu’un territoire où réside un peuple soumis à un autre. Est-ce le cas du Québec ? Je ne le pense pas et je dénonce tous ceux qui propagent sciemment ou non cette conception de la nation qui est la mienne, cette nation qui devra tôt ou tard affirmer définitivement sa fierté et arrimer le nom officiel qu’elle porte à sa réalité et à sa dignité.
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