Le Québec était prêt à devenir indépendant si le Oui l’avait emporté le soir du 30 octobre 1995.
Pour parer à tout risque de turbulences financières, le gouvernement Parizeau avait emprunté tout l’argent dont le Québec aurait besoin, en plus des impôts et des taxes, pour les deux années à venir. «Les coffres étaient pleins, confirme l’ex-conseiller du premier ministre Jacques Parizeau, Jean-François Lisée. Ni Wall Street ni Bay Street ne pouvaient exercer de pression sur le Québec souverain la première année.» La prestation de services publics (santé, éducation et sécurité) était assurée.
Le gouvernement, Hydro-Québec et la Caisse de dépôt et placement disposaient de réserves liquides de 17 milliards de dollars. De plus, la Banque Nationale, la Banque Laurentienne et le Mouvement Desjardins avaient pour leur part accumulé 20 milliards de dollars. Québec souhaitait ainsi se prémunir contre des retraits bancaires massifs de citoyens paniqués et entreprendre les négociations avec le Canada en ayant les reins solides. On avait baptisé l’opération «Plan O».
Diplomatie
La première étape à franchir pour un Québec souverain était d’obtenir une reconnaissance de la part des autres pays. «Quelques jours avant le référendum, le gouvernement français avait soumis au gouvernement du Québec ce que serait la réaction du gouvernement français advenant un Oui», raconte l’ancien chef de cabinet de Jacques Parizeau, Jean Royer.
Selon M. Royer, la France allait déclarer qu’elle reconnaissait le résultat du référendum si le Oui l’emportait.
À titre de vice-premier ministre et de ministre des Relations internationales, Bernard Landry se chargeait, dans la première année du gouvernement Parizeau, de parcourir l’Amérique latine. «Je les ai pratiquement tous rencontrés. [...] Ils comprenaient très bien et la plupart nous ont laissé entendre qu’ils reconnaîtraient le Québec comme ils avaient reconnu d’autres pays indépendants auparavant», témoigne M. Landry.
Priorité référendaire
Dès la prise du pouvoir par le Parti québécois en septembre 1994, Jacques Parizeau avait fait appel à Louis Bernard pour agir comme secrétaire général du conseil exécutif pendant un an. «M. Parizeau m’avait demandé de travailler avec lui pour mettre en place la machine gouvernementale. Il a dit: “Moi, je m’occupe de mon référendum. Je n’aurai pas le temps pour prendre le contrôle de la machine”», raconte M. Bernard en entrevue.
«Avant de prendre le pouvoir, M. Parizeau, comme chef du mouvement souverainiste, a consacré son temps à imaginer, concevoir ce que sera la réalité d’un Québec souverain», raconte Jean Royer.
Ralliement
Les forces souverainistes avaient convaincu une centaine de personnalités du camp du Non de se rallier au camp du Oui au lendemain d’un résultat favorable à l’indépendance, soutient Jean-François Lisée.
Les ex-ministres libéraux Claude Castonguay et Gérald Tremblay en faisaient partie. «On avait des gens d’affaires et des libéraux qui allaient dire: “J’ai voté Non, mais on se rallie à la décision”, précise M. Lisée. L’opération, qu’on avait organisée minutieusement, aurait eu un impact considérable», croit-il.
- Le Québec pouvait compter sur la reconnaissance de la France
- Bernard Landry s’était assuré de la reconnaissance du Québec indépendant par plusieurs pays d’Amérique latine.
- Une réserve de 17 milliards de dollars aurait paré à une éventuelle instabilité économique
- Louis Bernard mettait en place le gouvernement péquiste pendant que Jacques Parizeau préparait le référendum
La gageure risquée de Jean Royer
Alors chef de cabinet de Jacques Parizeau, Jean Royer a risqué de perdre beaucoup d’argent, le matin du 30 octobre 1995, pour reconstruire, le temps d’un coup de téléphone, le moral des troupes souverainistes.
À son arrivée au quartier général du Oui le matin du jour J, Jean Royer trouve les 30 employés avec la mine déconfite. Monique Simard revenait d’une entrevue qu’elle avait donnée à Radio-Canada avec John Parisella, du camp du Non, raconte M. Royer en entrevue.
«Ça ne se peut pas»
«Parisella lui a dit après l’entrevue: “On a fait un sondage et on va faire 55 %.” Elle l’a cru et elle a communiqué sa mauvaise humeur à tout le monde. J’ai dit: “Ça ne se peut pas, tabarnak.” J’ai dit: “Amenez-moi tout le monde dans mon bureau. Il faut arrêter ça tout de suite.”»
Dans les secondes suivantes, 30 personnes s’entassaient dans le bureau de M. Royer, qui a alors téléphoné à John Parisella en mains libres. «Il ne sait pas que les 30 sont là. John, je le connais depuis longtemps...»
«Salut, John. Tu as parlé à Monique Simard ce matin et tu lui as dit que tu étais pour gagner à 55 %? Il a dit: “Oui.” Je lui ai dit: “Je te gage 25 000 $ qu’on va gagner.” Je n’avais pas la première “cenne” de ça. Parisella a dit: “Je ne gage pas, je ne suis pas assez sûr.” J’ai dit: “Merci, John.”» Fin de l’appel. «Là, j’ai dit à tout le monde: “Retournez à vos bureaux et faites votre journée.”»
«Je n’ai pas gagé, mais j’ai gagné mon référendum», ricane aujourd’hui John Parisella.
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