Dans un livre à paraître dont un large extrait a été publié dans La Presse du lundi 12 mai, Alain Dubuc invite les souverainistes du Québec à « déposer les armes ». Il incite en outre les souverainistes du Parti Québécois à « cesser de faire de la souveraineté du Québec leur objectif premier ».
Il réclame l’abandon par les souverainistes de leur projet d’indépendance nationale aux fins d’assurer « l’avènement d’une seconde Révolution tranquille », « d’une révolution économique et sociale qui serait vouée à l’échec si nous n’entreprenons aussi une autre révolution, une révolution politique ».
En ma qualité de chef du Parti Québécois et au nom des membres du Parti Québécois qu’Alain Dubuc interpelle, je réponds que nous n’avons pas l’intention de déposer les armes. Nous sommes fermement convaincus du devoir que nous avons de persévérer dans la quête du pays du Québec. Et c’est ce devoir de persévérer, assumé par bien des générations avant nous, qui m’anime profondément aujourd’hui dans ma volonté, partagée par des millions de Québécois, de faire accéder le Québec au concert des nations libres et souveraines.
Le vrai changement politique pour le Québec sera celui qui lui permettra justement d’être libre et souverain et de s’affranchir d’un régime politique qui limite considérablement sa capacité d’agir, tant à l’intérieur de ses frontières que dans le monde. Alain Dubuc fait le constat que le Québec a des « retards à combler » et qu’il doit « prendre des virages difficiles ». Il demande aux Québécois d’être animés par le même dynamisme et la même audace que la Révolution tranquille des années 60. À ce constat et à cette demande, je réponds que c’est à l’intérieur du Canada que les retards à combler ont pris naissance et que les virages difficiles n’ont pu être pris.
Et c’est le geste de faire du Québec un pays qui sera le choix le plus dynamique et le geste le plus audacieux à proposer aux Québécois!
Nous, souverainistes, ne renoncerons pas aussi facilement que M. Dubuc le souhaiterait à ce qui est non seulement un rêve et un espoir, mais aussi un projet. Nous ne renoncerons pas à poursuivre, par la voix démocratique, une lutte d’émancipation nationale qui est une trajectoire dont nous avons le droit de ne pas dévier et qui est celle que l’on est en droit d’inviter les Québécois à suivre.
Nous ne ménagerons pas d’énergies à définir un projet de pays, à nous réinterroger sur ses fondements et ses raisons, à en revoir les termes, parce que c’est en ces termes que nous envisageons toujours de redéfinir le débat national, et non pas, pour reprendre la formule de M. Dubuc, « en fonction de ce que le Québec était, mais en fonction de ce qu’il a réussi, de ce qu’il veut et de ce qu’il peut ».
Ce que le Québec peut à l’intérieur du Canada, c’est trop peu. Ce qu’il veut, et ce qu’il veut réussir, suppose, pour nous les souverainistes, qu’il dispose de l’ensemble des pouvoirs et des instruments pour décider lui-même de ses orientations économiques, sociales et culturelles, dans une perspective de développement humain et durable.
Vous suggérez qu’en abandonnant le combat souverainiste qui ne mène nulle part, on le remplace par un autre combat qui mènerait plus loin. Permettez-moi de sourire. Dans le combat du fédéralisme et de son renouvellement, sous toutes ses formes, de toutes les façons et sous tous les vocables, le Québec a déjà donné. Sans succès d’ailleurs. Le Canada n’est pas réformable.
Alors, déposez les armes à votre tour et joignez-vous à nous. Comme vous le dites, « le plus difficile dans un tel processus de transformation, ce n’est pas le virage politique, mais plutôt le virage psychologique. L’admission que c’est fini, qu’il faut faire autre chose ».
Pauline Marois
Chef du Parti Québécois
(réplique à Alain Dubuc)
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